
Sous la pression des ordres austéritaires des marchés financiers et de leurs fourches caudines, que sont la commission européenne à Bruxelles et l’euro, avec la Banque Centrale Européenne, à Francfort, François Bayrou, premier ministre minoritaire, du locataire, illégitime, de l’Élysée, Emmanuel Macron, a profité de la période estivale, pour annoncer un sanglant plan anti populaire, dans une lâche déclaration, faite le 15 juillet 2025. Un plan qui vise à faire les poches de la France des travailleurs, de plusieurs dizaines de milliards d’euros : travail non rémunéré durant deux jours, hausse d’impôts sur le travail, diminution des remboursements de la sécurité sociale, en matière d’assurance maladie, comme d’assurance chômage, gel ou baisse des salaires des agents publics, coupes dans les budgets vitaux des services publics… Un plan qui vise à préserver les 211 milliards d’euros versés chaque année aux multinationales et qui expliquent à eux seuls le prétendu « déficit public », qui vise à financer le triplement des dépenses militaires pour l’UE et l’OTAN et leur guerre en Ukraine. Le tout, sous la contrainte de l’appartenance à l’Union européenne et des critères de Maastricht. Un plan Bayrou dans la suite des plans Juppé de 1995 et autre réforme des retraites (plan Fillon, plan Hollande Valls Tourraine, Plan Philippe, Plan Borne…), un plan qui ressemble furieusement à la purge catastrophique, imposée à la Grèce, par la même troïka européenne, il y a dix ans. Face à cette agression, la riposte populaire s’organise. De l’appel du 18 juillet, à s’unir dans une grande manifestation nationale, à Paris, pour impulser le « tous ensemble en même temps » et, dès le début de juillet, aux appels, notamment, des réseaux gilets jaunes, aux syndicalistes CGT, dans les entreprises, à lancer la mobilisation le 10 septembre. Mais, du coté des directions des centrales syndicales, c’est le silence, entrecoupé de propos attentistes. Si la CGT a promis de tout mettre en œuvre, pour mobiliser, dans un communiqué du 15 juillet, c’est le silence, du coté de la CFDT et de ses comparses réformistes. Mais, depuis, c’est vacances et silence. Une pétition a été lancée, le 25 juillet, mais sans perspectives d’action, puis il a été indiqué, le 9 août, un délai d’un mois, pour organiser une réunion le 1er septembre, dans le même format perdant que pour affronter la contre réforme des retraites, en 2023, pour examiner les formes d’une éventuelle mobilisation. Ce silence estival irrite profondément, dans les rangs des syndicalistes de lutte, comme dans celui de la France des travailleurs, qui est dans une colère aussi grande que sa souffrance. D’autant que ce ne serait ainsi pas la première fois que serait délibérément raté le coche du « tous ensemble et en même temps » des travailleurs. En 2018, il faut se souvenir de ces parties d’états majors réformistes, issues de la confédération européenne des syndicats, se rangeant du coté de l’Élysée, pour vilipender les actions populaires des gilets jaunes (lire ici sur le scandaleux communiqué du 6 décembre 2018), secouant le joug de l’exploitation et faire le choix, encore et toujours, du soutien indéfectible et, dans les faits, l’Union européenne du Capital, contre les travailleurs en lutte. Déjà, les syndicalistes de lutte, sur le terrain, eux, appelaient à unir gilets jaunes et gilets rouges. « La couleur du gilet ne peut pas nous diviser, par rapport à ce qui nous réunit, notre condition d’exploités » expliquait ainsi, en novembre 2018, le dirigeant CGT 13, Olivier Mateu.

Jean-Pierre Page est une figure du syndicalisme CGT, dont il a longtemps été l’un des responsables des relations internationales. Figure très expérimentée et respectée du syndicalisme de lutte en France, sa parole et sa voix comptent et doivent être entendues. C’est avec responsabilité et le sens de l’expérience de nombreuses mobilisations sociales, que Jean-Pierre Page tire la sonnette d’alarme et lance un vigoureux appel à organiser la lutte des classes, pour le 10 septembre. Voici le texte qu’il a adressé à Laurent Brun, ex-dirigeant de la CGT cheminot et n°2 de la CGT, pour appeler à l’action, pour aider à unir et faire gagner les travailleurs. Un texte des plus utiles et nécessaires qu’Initiative Communiste se devait de diffuser, avec la fraternelle autorisation de Jean-Pierre Page. Un texte à faire circuler de toute urgence auprès de chaque syndicaliste, alors que l’urgence est à la préparation de la résistance des travailleurs pour la rentrée sociale à venir.
A lire :
- 10 septembre : Que faire face au plan Bayrou de démolition sociale généralisée ?
- Appel du 18 juillet – Pour une manifestation nationale unitaire et plurielle : l’argent pour les salaires, pas pour la guerre ni pour les actionnaires, l’argent pour l’école, l’emploi, l’hôpital, pas pour la guerre mondiale !
- Veillée d’armes pour la paix et les acquis sociaux

Au sujet d’un second article de Laurent Brun sur le 10 septembre :
Ce second article de L. Brun, en moins d’un mois, est un rappel à l’ordre aux militants de la CGT, dans le style comminatoire et condescendant auquel il nous a habitué.
Pour justifier l’attentisme et renoncer aux dangers de la précipitation, L. Brun fait le choix de mettre en cause le mouvement des Gilets jaunes, accusés de populisme, de poujadisme et même de rouler pour l’extrême droite. Renouveler ce mouvement ce serait faire le choix d’une « jacquerie » sans perspectives, dit-il.
Cette manière de voir en dit long, sur la volonté de la direction de la CGT, de faire grandir une mobilisation de masse dès la rentrée, dans la perspective du 10 septembre. Cela n’aboutit-il pas, en fait, à décourager la colère sociale qui monte et à entretenir la délégation de pouvoir, en attendant la réunion du CCN de la CGT et d’hypothétiques décisions? Comme, par ailleurs, on se livre à cette pédagogie de la démobilisation du corps social en nous expliquant que les syndicats ne sont pas au top… et que les travailleurs ne veulent pas se battre, il est donc préférable d’attendre. Attendre quoi?
Pour L. Brun, le mécontentement doit s’exprimer à travers l’intersyndicale. Dans les faits, on sait que celle-ci est dirigée par la CFDT et les tenants de la négociation pour la négociation. Par conséquent, L. Brun s’emploie, dans sa nouvelle contribution, à faire comprendre, aux organisations de la CGT, que se mobiliser, déjà, pour le 10 septembre et ce, contrairement aux mots d’ordre de certaines Fédérations et UD CGT, c’est faire le choix d’une forme d’aveuglement gauchiste et donc d’irresponsabilité. Vouloir « bloquer le pays », c’est quasiment rouler pour l’extrême droite.
Après le mouvement des Gilets jaunes, qu’au départ, P. Martinez avait condamnés, la CGT avait, par la suite, tiré quelques leçons, en engageant le dialogue et l’action avec ceux qui incarnaient une colère populaire légitime. Gilets jaunes et gilets rouges, ensemble! Visiblement ce ne fût pas le cas pour tout le monde.
Le rôle de la direction confédérale de la CGT, c’est de contribuer, sur des bases de classe, à construire une stratégie, pour rassembler, le plus largement possible, toutes les forces sociales qui ont intérêt à mette en échec le capitalisme, dans sa version Macron/LePen/Europe-compatible et à ouvrir une véritable alternative. Or, S. Binet et L. Brun n’en sont pas là. Depuis 2023, la « stratégie », si l’on peut appeler ça une « stratégie », c’est le ralliement à l’intersyndicale, dominé par le syndicalisme réformiste de dialogue social, version Confédération européenne des syndicats, cette courroie de transmission de la Commission de Bruxelles. Le récent conclave de Bayrou en fût l’illustration. Parlote et papotage auront fonctionné, jusqu’à un certain point. Avec la coopération des syndicats, il aura contribué à neutraliser le mouvement social. Bayrou envisage de renouveler l’expérience pour « négocier » son plan, visant à faire contribuer les français à l’endettement et au réarmement.
Comment l’intersyndicale répondra-t-elle? Or, la pétition, dont elle a pris l’initiative, n’est pas le succès de l’année. Après plusieurs semaines, elle recueille 450 000 signatures à l’appel de toutes les confédérations. Pourquoi? Est-ce la forme, ou le fond, ou, plus simplement, les deux? On est très loin des 2 millions, en quelques jours, pour faire échec à la loi Duplomb, que Macron vient de ratifier. Par conséquent, on ne saurait se satisfaire des incantations du style « on va voir ce que l’on va voir » ou encore de ces déclarations radicales, qui font le buzz, dans la version qu’affectionne S. Binet.

Le meilleur moyen de se dégager de cette manière de faire mortifère, c’est d’encourager, sans tarder, les organisations de la CGT, depuis les entreprises, à prendre des décisions, à appeler à l’action et à tendre la main à tous ceux qui veulent se battre, sans avoir à présenter préalablement leurs CV, ou ce que sont leurs préférences politiques ou syndicales. Ce sont les travailleurs qu’il faut unir, à partir de leurs besoins et de l’état d’esprit réel qui est le leur. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est de créer les conditions partout, afin que le raz le bol social s’exprime de toutes les manières possibles. Cela exige de donner le ton, de se fixer des objectifs, de convaincre toutes les organisations de la CGT y compris celles qui restent trop souvent l’arme aux pieds. Marcher ensemble, préparer la grève et ne pas créer, comme le fait Brun, des distinctions arbitraires et artificielles, qui divisent et opposent ceux qui souffrent de la politique du Capital. Oui, il faut bloquer le pays et, pour cela, le rôle de la CGT est d’y contribuer, avec une volonté résolue. La CGT n’a pas de calendrier électoral à respecter. Faut-il le rappeler ? Elle est indépendante.
Par conséquent, la lutte de classes, ça ne se constate pas, ça s’organise, sans attendre la fumée blanche qui sortira du prochain conclave de l’intersyndicale.
Jean-Pierre Page