Par la Commission des relations politiques (CORPOL) du PRCF – Lundi 3 juin 2024
« Palabres, palabres »…
Dans un entretien récemment accordé au site Padustream, Charles Hoareau confirme publiquement ce qu’il avait déjà maintes fois déclaré informellement et isolément à tel ou tel membre du PRCF : il a les plus grands doutes sur la « forme-parti » du renouveau communiste. Au « centralisme démocratique » léniniste jugé par lui trop « vertical » voire « dictatorial », le président de l’Association nationale des communistes (ANC) déclare préférer les « palabres interminables chères aux Africains » – fantastique exemple d’essentialisme réduisant « les Africains » aux « palabres » ! C’est du reste chez lui une constante politique, voire un élément doctrinal puisque déjà, voici une dizaine d’années, C. Hoareau déclarait à l’occasion d’un « atelier » de l’Université d’automne de l’ex-M’PEP (devenu Pardem) tenue à Limoges, qu’il doutait très fortement de la validité de la « matrice léniniste » de la reconstruction communiste.
Du Parti d’avant-garde à l’Association et aux « palabres interminables »: modernisation ou régression historique ?
C’est évidemment le droit, voire le mérite de C. Hoareau que de poser ainsi franchement les problèmes. Au fond, il fait montre d’esprit de conséquence quand il déduit de ces considérations théoriques ouvertement antiléninistes qu’il ne faut pas travailler avec le PRCF à rebâtir un P.C. de combat adaptant le marxisme-léninisme aux conditions de notre temps et de notre pays (ce parti de tradition léniniste qu’était le PCF et qu’a liquidé la « mutation » en laissant notre classe désarmée face à l’UE-OTAN et à la fascisation…), mais plutôt une « Association Nationale des Communistes ». Sans manquer au respect dû aux camarades de l’ANC, cette démarche ne nous paraît par le comble de la modernité tant ce retour à la « forme-association » typique des balbutiements initiaux du Mouvement ouvrier nous semble historiquement régressif. En effet, après l’écrasement de la Commune et aux leçons décisives qu’il en tira contre les proudhoniens anarchisants, Marx dut se résoudre à mettre en veilleuse la Première Internationale en 1876, dite Association Internationale des Travailleurs, pour cause de divisions, d’indiscipline et d’inefficacité permanentes (et pour cause !). Par la suite, le prolétariat ne put historiquement passer à la vitesse supérieure, celle de la construction de partis de classe et de masse fortement organisés à l’échelle nationale, européenne et mondiale, qu’en fondant, tout d’abord, avec F. Engels, la Deuxième Internationale en 1889(hélas vite fracturée et dévoyée par les tendances social-impérialistes). Puis, dans la foulée de la Révolution d’Octobre, la Troisième Internationale communiste en 1919 sans laquelle il n’y eût jamais eu de camp socialiste mondial, d’écrasement du nazisme par l’Armée rouge ou… de décolonisation de l’Afrique (sans « palabres » excessives, fort heureusement !). Et pour commencer, sans laquelle il n’y aurait pas eu de fondation du Parti Communiste S.F.I.C. au Congrès de Tours de 1920 avec, à sa suite, le Front populaire, la Résistance antifasciste, les conquêtes de la Libération et les grandes luttes anticoloniales, patriotiques, sociales, démocratiques et pacifiques de l’après-guerre que nous défendons encore de nos jours !
Certes, il faut évidemment produire des analyses marxistes ajustées à notre temps – et le PRCF opère cet aggiornamento théorique permanent dans ses revues Initiative communiste et EtincelleS. Maisil convient également de ne pas jeter l' »enfant » du parti d’avant-garde (et pas davantage la « matrice léniniste » qui l’a généré) avec l’eau sale des déviations menchéviques, que celles-ci soient trotskistes, dogmatiques, révisionnistes ou… carrément « mutantes », « eurocommunistes » ou « mouvementistes ». Soit autant d’errements petit-bourgeois qui n’ont jamais mené la classe ouvrière qu’à de sanglantes défaites tout en permettant à la petite-bourgeoisie réformiste de prendre le pouvoir dans les organisations ouvrières en les paralysant*.
Derrière les « palabres interminables », la verticalité inassumée de chefs autoproclamés
Toutefois, répétons qu’il est sain que l’ANC fasse son expérience et qu’elle tente à nouveau l’aventure – même si le résultat final est prévisible – d’une « forme-association » du communisme tentée par le mouvementisme et par les « palabres » dont LFI ne cesse par ailleurs d’afficher les résultats consternants. En effet, les dites « palabres à l’infini » ne sont généralement, on le voit avec la gestion de LFI par une très étroite coterie de députés, que le masque de décisions prises par UNE personne toujours prête à pactiser in fine avec l’UE et avec… le PS euro-belliciste ! Ce n’est pas de cela qu’a besoin notre classe et notre jeunesse révolutionnaire pour résister à l’offensive fascisante du capital, s’organiser fortement, remettre en place un parti de lutte, une jeunesse franchement communiste et un syndicalisme rouge dans la perspective ultime d’en finir avec le capitalisme-impérialisme fascisé, militarisé et exterminateur.
Le PRCF n’a du reste, aucune leçon de démocratie interne à recevoir au nom de l’on ne sait quel « horizontalisme ». A l’occasion de chaque Conférence nationale du Pôle, les organisations de base et la conférence nationale élue par elles discutent pendant des mois à fond des documents élaborés par le Comité central sortant ; elles les amendent autant que nécessaire, elles les valident (ou pas), puis elles élisent la nouvelle direction avec des mandats clairs et circonscrits et l’ensemble des secrétaires nationaux, y compris le premier d’entre eux, sont révocables à tout moment par le Comité central, chacun étant tenu d’appliquer démocratiquement les décisions majoritaires. Sans quoi, c’est la porte ouverte à la domination des « grands seigneurs » et des « Monsieur-je-fais-ce-que-je-veux » de telle sorte que les éléments ouvriers et employés (qui sont de plus en plus nombreux en proportion dans nos directions) seraient alors réduits au rôle de porteur d’eau, les dirigeants devenant incontrôlables par la base. Sans discipline stricte une fois la décision prise, une organisation prolétarienne ne PESERAIT RIEN face à la répression lorsqu’arriveraient des temps de fascisation et de guerre impérialiste.
Car le camp d’en face, lui, ne « palabre » pas interminablement au coin du feu comme l’ont constaté les Gilets jaunes éborgnés ou les syndicalistes poursuivis par la justice de classe au titre de la circulaire Dupont-Moretti !
Questions sur une « fusion »
En revanche, les déclarations « lénino-sceptiques » et incontestablement sincères du camarade Hoareau devraient interpeller les camarades du Rassemblement communiste. En effet, le RC n’a jamais rejeté, que l’on sache, la « matrice léniniste » du communisme (c’est-à-dire le bolchevisme). Il s’est toujours réclamé de Marx, de Lénine, voire de Staline et de Mao, et s’est toujours prononcé, tout au moins dans le principe, pour la reconstruction du Parti d’avant-garde et du centralisme démocratique (dont Lénine et Staline n’avaient pas, que l’on sache, une conception laxiste, « palabreuse » et « horizontaliste »…). Cependant, au lieu de se rapprocher du PRCF, qui tend aux mêmes buts stratégiques que lui (un parti d’avant-garde organisé et prolétarien), et de pratiquer à ses côtés – et pourquoi pas avec l’ANC – une convergence communiste d’action sur des sujets bien précis intéressant les masses, le RC a engagé un « processus de fusion » avec cette ANC, dont le chef de file électoral proclame qu’il rechigne sur le principe même à construire un parti léniniste fondé sur le centralisme démocratique auquel il préfère… les « palabres interminables chères aux Africains »**. La contradiction – qui n’a rien de dialectique en l’occurrence – ne saute-t-elle pas aux yeux de tout observateur impartial ?
D’autant que, dans la dernière période, ce « processus de fusion » ANC/RC s’est traduit par le fait choquant que les deux groupes mentionnés ont appelé à voter aux européennes, l’un pour LFI (dont la tête de liste se déclare prête à soutenir l’UE-OTAN si le conflit à l’Est dégénère en affrontement direct entre la Russie et un pays de l’OTAN !), l’autre pour sa propre liste***. De son côté, le PRCF, fidèle à sa ligne de principe depuis sa création il y a 20 ans, boycotte la mascarade européenne et apporte un soutien argumenté aux millions d’ouvriers qui, parce qu’ils rejettent à raison l’UE austéritaire et fauteuse de guerre, refuseront ce 9 juin de cautionner par leur participation un « parlement » dont l’unique rôle est de farder aux couleurs de la démocratie la marche à la guerre mondiale et l’euro-dissolution de la République française et des ultimes conquêtes sociales de 1945 !
Indépendance politique du prolétariat, reconstruction du parti communiste, indépendance nationale complète face à l’UE (donc Frexit progressiste!) : un seul et même combat !
Et que l’on ne vienne pas masquer ces graves inconséquences sous le prétexte convenu d’un prétendu « chauvinisme » du PRCF dont le seul tort, en plein « saut fédéral européen » menant aux dangereux « Etats-Unis d’Europe » rejetés par avance par Lénine et Jaurès, est de défendre haut et fort l’indépendance de la France en voie de liquidation : c’est un minimum pour les héritiers de Thorez, Duclos, Manouchian et Landini ! Cela fait quarante ans désormais qu’en France comme en Italie, la liquidation révisionniste des partis communistes s’opère à la fois par le reniement du léninisme (rejet « moderniste » – sic – de la dictature du prolétariat, du centralisme démocratique, du marxisme-léninisme, de l’URSS, etc.) et par acceptation de moins en moins feutrée de cette « construction » euro-atlantique. Il en résulte, sous le mot d’ordre social-impérialiste d' »Europe sociale », à la fois la liquidation de l’indépendance nationale (de la France, de l’Italie, etc.) et l’indépendance sociopolitique du mouvement ouvrier par destruction des P.C. et du syndicalisme rouge. En réalité, c’est une seule et même chose que de défendre haut et fort, sur des bases de classe, l’indépendance de la Nation assassinée en arrachant le drapeau tricolore des mains indignes du macro-lepénisme, ET AUSSI le marxisme-léninisme, le parti d’avant-garde et le centralisme démocratique; fût-ce en affrontant sans merci les idées régressives et pseudo-modernes du « mouvementisme », du « spontanéisme », du menchévisme relooké, voire, pour faire bon poids si nécessaire, du « palabrisme » (ça vient de sortir !)…
A l’heure où le sous-continent européen est menacé d’embrasement nucléaire otanien et où l’union sacrée antirusse, antipalestinienne et antichinoise peut à tout moment se muer en répression sauvage à l’encontre de tout le mouvement ouvrier (par ce même Macron que d’aucuns ont présenté par deux fois comme un moindre mal au second tour des présidentielles de 2017 et de 2022 !), ce n’est pas de « palabres interminables », camarades, et surtout vous, camarades ouvriers engagés aspirant au renouveau organisé du syndicalisme rouge, que notre classe sinistrée a besoin : c’est de la reconstitution d’outils – mieux, d’armes – politiques tranchantes, opérationnelles… et non palabrantes. Et ce, sans redouter – bien au contraire ! – ces mots fort peu « horizontaux » et « gazeux » : « analyse marxiste-léniniste du monde contemporain », « discipline de classe », « centralisme démocratique ». Faute de quoi, loin de nous distinguer de la France de plus en plus euro-soumise et du « fontaino-roussellisme » de plus en plus démagogique et déliquescent, nous ferons le jeu, avec les meilleures intentions du monde (l’enfer en est pavé !), de ceux qui travaillent déjà à nous écraser tous.
* Heureusement, soit dit en passant, que dans la dernière période, les Africains n’ont pas tant « palabré » que ça quand ils ont viré, de manière fort peu « horizontale », les potentats néocoloniaux et les contigents impérialistes à Bamako, Niamey, Ouagadougou et Dakar ! – Mais la référence folklorisante aux « éternelles palabres africaines » ne ressortit-elle pas inconsciemment d’un imaginaire européen passablement condescendant voire racialiste qu’une véritable analyse décoloniale se devrait de déconstruire urgemment ?
** Cf. la faillite rapide du Parti de la Refondation Communiste italienne, quasiment mort-né de son refus de l’organisation léniniste. Résultat : l’Italie, jadis bastion du communisme occidental, subit aujourd’hui une Première Ministre admiratrice de Mussolini!
***… elle-même concurrente du parti de Rolande Perlican avec lequel il semble n’y avoir eu aucune discussion! On imagine le désarroi de l’électeur communiste moyen devant cet étalage de division, sinon de « divisionS »…