
Annie Lacroix-Riz, historienne du monde contemporain, vient de publier en 2024 chez Dunod-Poche un livre magistral intitulé : « Le choix de la défaite – Les élites françaises dans les années 1930. » Ce n’est pas le premier sur ce thème puisqu’elle a fait éditer – en 2006, puis en 2010 chez Armand Colin – deux précédents ouvrages toujours réactualisés sur la même période historique.
Pourquoi cet acharnement à reposer les mêmes problématiques ? D’abord, parce que l’entre-deux-guerres est le moment historique qui demeure toujours le plus riche d’enseignements pour nos générations post-2e guerre mondiale, 80 ans plus tard. Ensuite, parce qu’Annie Lacroix-Riz ose ce que peu d’historiens contemporanéistes font : remettre sur le métier les questions qui divisent, celles qui sont maquillées par l’exploitation de l’oubli, du mensonge et du manque de preuves. Il faut du courage pour réécrire ses propres livres. Alors pourquoi vraiment ?
C’est que la loi sur les archives impose un décalage dans la consultation des documents publics produits par les ministères centraux et les administrations. Or, notre auteur écrit à partir de ce qu’elle lit et note dans les salles de lecture des Archives nationales dans les fonds les plus explosifs : ministère de la Guerre ou des Affaires étrangères, services de renseignements par définition « secrets », ministère du travail, ministère de l’Economie et des Finances, ministère de l’Intérieur et polices. Un seul exemple : un document visant une personne avec son identité précise ne sera visible que 120 ans après sa date de naissance (sauf demandes de dérogations passées sur le grill des Archives de France).
La version qui nous vient aujourd’hui est donc un texte enrichi de l’ouverture de certains fonds qui étaient inaccessibles jusqu’à une période récente. C’est ainsi que l’auteur peut confirmer l’extrême précision des rapports secrets de police et d’indicateurs sur la réalité de la synarchie, les noms des collaborateurs et des réseaux avec l’Espagne franquiste et l’Allemagne nazie, les notes ministérielles et les noms du personnel politique, le poids des acteurs économiques et financiers de 1933 à 1939. Mais elle fait plus : dans des chapitres qui construisent une véritable polyphonie, elle traque tous les réseaux et les tractations politiques, des USA et de l’Angleterre aux pays européens, des abandons de la Pologne et de la Tchécoslovaquie, en un mot : elle restitue le super conglomérat européen de l’époque guidé par deux choses : la haine des « Rouges » et la soif du profit mis en danger par les revendications sociales de 1936. Ce conglomérat agit dans un axe Madrid, Paris, Londres, Berlin, Rome et est parvenu à ses fins au prix du démantèlement des Nations, où la hiérarchie catholique est aussi partie prenante.
Elle confirme le jugement de Marc Bloch en 1944, et c’est un essentiel travail scientifique qui nous est livré.
Au-dessus de tout cela est particulièrement explicité le talon de fer du capital et des possédants (finances, industries, médias, banques, Polytechnique et les grandes écoles, épouses des uns et des autres, journalistes, ligues d’extrême droite, cagoulards, etc…), tous acteurs de la catastrophe de la 2e guerre mondiale. A charge pour nous de penser l’actualité de la dictature du prolétariat aujourd’hui dans la vie démocratique de chaque Nation : avant tout, ne pas permettre le vol des structures de la Nation par des forces souterraines forgeant un Etat-Bis hors de tous contrôles, c’est-à-dire une dictature amoureuse des putschs. Avant 1939, jamais les échanges du charbon et de l’acier entre France et Allemagne n’ont été à un niveau aussi haut qu’avec l’arrivée d’Hitler. La puissance doit changer définitivement de camp. Soyons nombreux à lire ce livre essentiel.
Françoise BOSMAN – Conservateur général honoraire du Ministère de la Culture, archiviste aux Archives de France de 1969 à 2011.
Sommaire de l’ouvrage
Prologue. Stratégie des élites et archives
Vers le choix de la défaite : des débuts de la crise aux élections de 1936
Crise intérieure et pressions internationales sur la France, 1930-1932
La politique de revers dans les débuts de la crise, 1930-1932
Modèle socio-économique allemand et réorganisations intérieures 1933-1936
L’Allemagne en France : les débuts glorieux de la Cinquième Colonne, 1933-1936
Apaisement contre alliance de revers, 1933-1936
L’appui sur l’ennemi extérieur contre l’ennemi intérieur : de l’été 1936 à la défaite
La priorité de l’ennemi intérieur : une stratégie de guerre civile, 1936-1939
Le test de la guerre d’Espagne, été 1936-mars 1939
La France entre enterrement du Pacte franco-soviétique et lâchage de la Tchécoslovaquie, 1936-1937
La France de l’Anschluss à Munich, mars-septembre 1938
La France post-munichoise, octobre 1938-août 1939
De la décadence à la trahison, septembre 1939-mai 1940




![« Bruxelles dicte, Paris obéit : saigner les travailleurs, financer la guerre » Fadi Kasem en débat avec Jacques Sapir et Nicolas Meilhan [QG Le média @LibreQg]](https://www.initiative-communiste.fr/wp-content/uploads/2025/11/2025114-FadiKassem-UE-frexit-QG-Lemedia-120x86.jpg)
