Brutal mais pas stupide, Donald Trump ne peut manquer de savoir que les frais médicaux sont une angoisse permanente pour une grande partie du peuple étasunien. Il pouvait difficilement éviter d’en promettre l’allègement, d’autant que c’est une promesse récurrente des candidats à la présidence ; jamais tenue, et pour cause, et il n’est pas certain qu’il parvienne à la tenir à son tour.

Donald Trump, en communicant habile, a entrepris de relancer le sujet il y a quelque temps, annonçant avec un petit sourire que les prix des médicaments allaient chuter drastiquement, de 20 à 90 % pour certains. Sans explications, mais « vous verrez ».
Avant d’aller plus loin, quelques faits plutôt évidents mais qu’on ne rappellera jamais trop. Les dépenses de santé aux États-Unis représentent une part de PIB (produit intérieur brut) bien plus importante qu’en France. Cela pour une raison simple : il n’y a pas de Sécurité Sociale ! (Le fameux ObamaCare, qui aurait semblé une plaisanterie à n’importe qui ayant connu le système français, a de toutes façons été largement vidé de sa substance). Les citoyens américains sont donc dans l’obligation de recourir aux assurances privées, extrêmement onéreuses comme on peut se l’imaginer si l’on songe à ce que nous coûtent déjà nos « mutuelles », et toujours enclines à ne pas rembourser les soins, selon des justifications souvent kafkaïennes. On se souvient que la rapacité de ces assurances, matérialisée dans la culture américaine par le tampon rouge « Deny » (refusé), a récemment conduit à la mort par balles du PDG de l’une d’entre elles – après avoir conduit à la mort des milliers de citoyens malades et peu fortunés. Près de 30 millions d’américains n’ont aucune assurance santé et ne peuvent donc pas se soigner. Une assurance privé coute en moyenne 25 000 $ par an pour une famille de 3 personnes ! A comparer à la dépense déjà importante d’environ 1500€ par an pour une complémentaire santé en France.
La raison d’être d’une assurance santé n’est pas de rembourser des soins, mais de faire du profit, comme toute entreprise capitaliste. Pour comparer : les frais de gestion, c’est-à-dire hors remboursements de soins médicaux et de médicaments, de la Sécurité Sociale française tournent autour d’1 %, ceux d’une assurance privée autour de 20 %…
Vaillant combattant contre l’« Etat Profond » (non)

Donald Trump a-t-il alors l’intention de s’attaquer au véritable racket que constitue le secteur de l’assurance santé privée ? Laissons là ce faux suspense. D’autant qu’il n’a annoncé s’attaquer qu’aux prix des médicaments… Ceux-ci sont en effet très onéreux aux Etats-Unis, 10 fois et pour certains jusqu’à près de 100 fois supérieurs à ceux pratiqués en Europe. A cela deux raisons simples : les prix des médicaments sont à des degrés divers en Europe, encadrés par l’État ; et les capitalistes pratiquent le brigandage également entre eux, donc si la couverture santé est assurée par un capitaliste, le capitaliste qui vend les médicaments lui fera cracher le plus possible. En dernière analyse, le poids des deux profits repose sur les épaules du travailleur, donc pourquoi se gêner ?
Les lecteurs ne seront pas étonnés de découvrir à ce stade que Donald Trump, qui a dévoilé sa brillante stratégie il y a quelques jours, ne compte pas non plus mettre en place un contrôle des prix. Que l’industrie pharmaceutique se rassure, il a bien précisé qu’il ne s’agissait pas de faire « perdre de l’argent » (entendez faire baisser le profit) aux firmes. Car le pot-aux-roses qu’il a découvert, c’est que les américains paient pour les autres !
Si les médicaments sont si chers aux Etats-Unis, c’est évidemment parce que les États européens tordent le bras, c’est bien connu, à l’industrie pharmaceutique pour qu’elle consente à les vendre au rabais. Il fallait oser. Mais ce n’est pas le premier exemple de cette stratégie démagogique hallucinante ; c’est en effet la même qui a été utilisée pour sommer les pays européens de l’OTAN d’augmenter leurs dépenses militaires, et à vrai dire dans à peu près toutes les circonstances. Si l’on écoute bien Trump, presque tous les problèmes des Etats-Unis sont dus au fait que le reste du Monde profite d’eux. Un pays en guerre constante depuis sa création, qui revendique l’hégémonie sur l’entièreté du globe, pille les matières premières partout où il passe, est en fait pillé sans vergogne…
Cela va de soi, Trump ne croit pas un mot de cette inversion totale de la réalité, pas plus que les dirigeants européens qui acceptent volontiers tous ses chantages, nous y reviendront. Il y a fort à parier que cet élément de langage soit pensé pour monter le peuple américain contre les autres peuples et le disposer à accepter les guerres impérialistes sans fin, qu’il commence à contester. Décidément, quel homme de paix que ce Donald Trump, n’est-ce pas Messieurs Philippot et Assellineau ?
Mais passons.
L’UE des monopoles, consentante voire enthousiaste

La brillante solution trouvée par D. Trump est la suivante : la « tarification des médicaments selon la nation la plus favorisée ». En clair, les entreprises pharmaceutiques ne pourront pas vendre aux États-Unis plus cher que là où elle vendent le moins cher. Et pour lever tout doute (qui serait feint) sur la possibilité qu’il envisage de forcer ces entreprises à baisser leur profit, il stipule bien que son but est que les européens, surtout, payent plus !
Cette « brillante » stratégie ne peut avoir que trois issues. Soit les gouvernements européens, ou l’UE ce qui revient au même, ne lâchent rien et Big Pharma voit ses revenus chuter ; soit l’UE accepte d’augmenter les prix des médicaments ; soit l’UE impose à tous les pays membres de déréglementer les prix totalement.
La dernière hypothèse finirait n’en doutons pas par aligner les prix européens sur les prix US plutôt que l’inverse, ce qui ferait une belle jambe au citoyen américain.
La première semble tout à fait improbable.
La deuxième semble quant à elle très envisageable. Car devinez les termes de l’accord récemment conclu par une Ursula von der Leyen rayonnante avec Donald Trump ? Outre un engagement à acheter pour 750 milliards de dollars d’énergie américaine, totalement non compétitive rappelons-le, mais si c’est la « concurrence libre et non faussée », tout va bien. 600 Milliards de dollars d’investissements supplémentaires aux Etats-Unis ! Qui pourraient inclure des achats de médicaments ? (Pour couronner le tout, signalons les 15 % de droits de douane sur les exportations européennes…).
Conclusion : le risque est grand d’une inflation accablante des prix des médicaments dans l’UE. Les classes monopolistes européennes dont l’UE est le représentant consentent à tout, elles y trouveront toujours leur compte d’une manière ou d’une autre.
Décidément, quels aigles que ces « patriotes » qui nous ont vendu Trump comme une bonne nouvelle !
Hubbard