Les exploités, les travailleurs manquent d’un vrai parti communiste. C’est le constat que chacun peut faire alors que Macron, l’UE et le MEDEF mènent la plus violente offensive anti sociale en France depuis des décennies et que la mobilisation du mouvement social – malgré le volontarisme et la détermination des travailleurs peine à s’organiser de manière efficace. Pas de manifestation nationale, éclatement, isolement et dilution des luttes avec des grèves et manifestations en ordre dispersé et selon un calendrier de journée de mobilisation jouant à saute mouton.
La rédaction d’Initiative communiste s’est entretenu avec Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF, auteur du « Nouveau défi léniniste » (Delga, 2017), au lendemain des commémoration de la Révolution d’Octobre, après le meeting international du PRCF qui tout en faisant salle comble a réuni plusieurs dizaines de parti communiste du monde entier, pour échanger sur l’analyse de la situation faite par le PRCF, et les propositions portées par les militants franchement communistes du PRCF
Initiative Communiste – Que t’inspire la commémoration du 100ème anniversaire de la Révolution d’Octobre ?
Georges Gastaud. : L’acharnement même que la réaction mondiale et ses satellites, partis sociaux-démocrates et pseudo-gauchistes, mais aussi dirigeants de plus en plus agressivement anti-léninistes du PCF-PGE, ont mis à dénigrer Octobre rouge, Lénine, le bolchevisme, le bilan de l’URSS et du communisme français, prouve a contrario d’une manière presque… comique que l’héritage de Lénine reste d’une provocante actualité. En 1848, Marx et Engels commençaient leur fameux Manifeste en déclarant qu’ « un spectre hante l’Europe, celui du communisme ». Aujourd’hui, ce qui hante la lugubre UE atlantique, c’est l’anticommunisme, l’antisoviétisme à retardement, avec, dans la foulée, la montée des extrêmes droites, de l’intégrisme néolibéral, des communautarismes et des nationalismes les plus rances : normal, car n’en déplaise à ceux qui ressassent l’aberrante équation « communisme = fascisme », chacun peut constater que la criminalisation du communisme mène mécaniquement à la banalisation de son ennemi le plus acharné, le fascisme. N’oublions pas que cette la « petite Europe » occidentale, originellement conçue – non pas pour « défendre la paix » (quelle blague !), mais pour abattre le camp socialiste, les souverainetés nationales et les acquis sociaux, n’a pu se « continentaliser » qu’après la chute contre-révolutionnaire du camp socialiste qui a permis à l’Europe germano-américaine d’annexer les pays de l’Est de manière à l’OTAN pour encercler la Russie « postcommuniste ». Ces réalités sont tellement patentes que le PRCF est de mieux en mieux entendu quand il relate ce fait incontestable : aussi longtemps qu’il a existé un camp socialiste, un Mouvement communiste international et un Parti communiste français se réclamant du léninisme, avec un mouvement syndical de classe refusant de s’inscrire dans la « construction » européenne capitaliste, le camp du travail était mondialement à l’offensive, le mouvement de libération nationale faisait reculer l’impérialisme, l’émancipation féminine et les « Lumières » progressaient globalement. Depuis que les Gorbatchev, Hue, Carrillo, D’Alema, Laurent, etc. passent leur temps à enterrer ce Lénine auquel ces nains idéologiques n’arrivent pas à la cheville – , le capital et l’impérialisme sont partis à la reconquête pendant que le progrès social, l’indépendance des nations, la paix mondiale sont gravement placés sur la défensive.
« les exploités et les opprimés « sont en manque » de leurs outils de combat et d’avant-garde, d’un vrai parti communiste »
Non pas parce que les travailleurs et les peuples ne se battraient plus, ni parce que le capitalisme serait en passe de résoudre ses contradictions explosives, mais parce que les exploités et les opprimés « sont en manque », si je puis dire, de leurs outils de combat et d’avant-garde, d’un grand Mouvement communiste international, d’un Front anti-impérialiste mondial et, à l’échelle de la France, d’un vrai PC léniniste, d’un syndicalisme de classe rejetant l’euro-syndicalisme jaune, type C.E.S. ou CFDT, d’un large Front populaire et patriotique sortant la France de l’UE-OTAN dans la perspective assumée du socialisme pour notre pays. Dans ces conditions, nous devons offensivement porter le message de la reconstruction du vrai parti communiste. Un parti dont l’actuelle section hexagonale du Parti de la gauche européenne n’est plus qu’une contrefaçon, soit dit sans heurter les militants marxistes qui se battent encore à contre-courant dans cette organisation fièrement « dé-bolchévisée » et en réalité, très largement décaféinée…
I.C. – Plus précisément, comment juges-tu les différentes commémorations qui se sont tenues dans notre pays ou à l’étranger à propos d’Octobre ?
G.G. – Les camarades qui s’opposent « du dedans » à la direction euro-réformiste du PCF ont choisi de passer le 7 novembre en Russie en représentant notre pays au grand défilé de Moscou. C’était très utile car il fallait que le pays de la Révolution française et de la Commune fût dignement représenté à cette immense manifestation. Le PRCF a préféré intervenir en France même contre l’énorme vague de criminalisation du communisme historique qui ne cesse de déferler ici. Alors que M. Pierre Laurent n’a réuni, de l’aveu même de l’Humanité, qu’une centaine de personnes au siège du PCF pour dénigrer Octobre 17 et rassurer Macron sur le fait que l’actuel PCF-PGE ne comptait pas « prendre le Palais d’hiver et l’Elysée » (quel « scoop » !), le PRCF, qui dispose de moyens bien plus modestes que le PCF-PGE, a réuni entre 300 et 400 personnes à Paris avec le soutien de trente partis communises venus de cinq continents ; avec notamment un message du PC portugais et en présence du responsable international de la France insoumise. Et ce meeting de lutte ne visait pas à gloser à l’infini sur Octobre en demandant gravement « Que reste-t-il d’Octobre 17 ? », mais à réaffirmer la nécessité de prolonger Marx, Lénine, Fidel, le Che, Sankara, et bien entendu Thorez, Duclos, M. Paul et Croizat. Tout cela, faut-il le dire, car le léninisme est le contraire d’un dogmatisme, dans les formes propres à notre pays et à notre temps.
« Avec le 4 novembre, la renaissance communiste franchit un seuil qualitatif »
Comme l’a constaté unanimement le Comité Central du PRCF qui s’est tenu le 5 novembre, le meeting réussi, dynamique et fort bien organisé du 4 novembre a permis au PRCF de franchir un seuil qualitatif. Certes, nous ne sommes pas de ceux qui s’autoproclament « parti communiste révolutionnaire » tout en réunissant une poignée de militants méritants dans la froideur de la nuit ; pas de ceux non plus qui, sous couvert de « faire large » et attrape-tout, se distancient du bolchevisme et prônent une auberge espagnole regroupant, sans programme ni organisation clairs, tous les opposants à la direction du PCF. Nous travaillons d’arrache-pied pour que renaisse un vrai parti léniniste, un parti de combat articulé au syndicalisme de classe, un parti patriote et internationaliste, un parti centré sur la classe ouvrière, le monde du travail dans son ensemble et sur la jeunesse populaire, un parti refusant à 100% l’UE et visant clairement, à travers les « quatre sorties » (de l’euro, sur de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme) la révolution socialiste et le pouvoir populaire. Et étant donné sa clarté politique de plus en plus reconnue, sa proposition stratégique originale que résume l’expression « Fr.A.P.P.E. ! » (Front de résistance antifasciste, patriotique, populaire et écologiste), le PRCF et ses dynamiques JRCF (Jeunes pour la renaissance communiste en France) ont une responsabilité toute particulière dans la reconstruction du vrai parti communiste. Nous sommes à deux ans du 100ème anniversaire du Congrès de Tours (le congrès fondateur du PCF, 1920), dont le lien avec Octobre est direct puisque la question posée en 1920 aux socialistes français était bel et bien l’adhésion ou pas à l’Internationale communiste.
« le Congrès de Tours n’a pas résulté de l’auto-proclamation d’un groupuscule, et moins encore de la construction d’une « tendance révolutionnaire » au sein de la SFIO moribonde. »
La balle est donc désormais dans le camp des vrais communistes : camarades, membres ou pas du PCF, donnez au PRCF, une force qui monte à la gauche du PCF officiel, les moyens militants de faire en sorte que ce 100ème anniversaire ne soit pas seulement un énième anniversaire du PCF-PGE « relativisant » Cachin et Vaillant-Couturier après avoir dénigré Oulianov en 2017. Car le Congrès de Tours n’a pas résulté de l’auto-proclamation d’un groupuscule, et moins encore de la construction d’une « tendance révolutionnaire » au sein de la SFIO moribonde. Son essence – quelles qu’en soient les formes à venir – consista à faire converger dans l’action les militants communistes opposants dans la SFIO, les militants du Comité pour l’adhésion pour la IIIème Internationale, des syndicalistes de combat, pour, le moment venu, regrouper dans un parti nouveau ces trois éléments révolutionnaires tout en les séparant de l’appareil incurablement réformiste de la SFIO. Et pour aller vers ce regroupement révolutionnaire qui est aussi, du même mouvement, séparation d’avec les euro-réformistes du PGE, le « maillon » qu’il faut aujourd’hui consolider et renforcer, c’est le PRCF et les JRCF pour qu’ils soient en état d’être de plus en plus présents dans toutes les manifs populaires, à l’entrée d’un max d’entreprises et de facs, dans chaque département et dans chaque grande ville. Je le répète : après le grand succès du rassemblement de la place Stalingrad en 2012, après les centaines de milliers de tracts diffusés ces dernières années aux manifs anti-Loi Travail ou à l’occasion des présidentielles et législatives, avec ce meeting combatif et tonique du 4 novembre, le PRCF a fait de nouveau la preuve de son sérieux. La balle est donc dans le camp des communistes, membres ou pas du PCF, qui doivent saisir que l’attitude révolutionnaire ne se confond jamais avec l’attente spectatrice des jours meilleurs. Les révolutionnaires ne viennent pas construire le parti quand tout « roule », ils accourent quand c’est difficile et qu’il faut transformer les braises en étincelles et celles-ci en un grand « incendie » révolutionnaire et CREATEUR, embrasant la plaine desséchée du capitalisme agonisant et de son Union européenne discréditée. La question du parti devient décisive en effet, non seulement pour les communistes, non seulement pour la classe travailleuse, mais pour la Nation française qui se dissoudra, voire implosera si face à Macron-Thatcher et à l’UE atlantique, face au FN toujours en embuscade, il n’existe pas le plus vite et le plus visiblement possible une avant-garde militante appelant à construire une France Franchement Insoumise (FFI !) à l’UE du grand capital.
I.C. – Quelles perspectives existe-t-il pour la renaissance communiste en France et dans le monde, alors que le capitalisme fait de plus en plus la preuve de sa malfaisance et de son obsolescence ?
G.G. : En Europe, le PGE que copréside Pierre Laurent fait chaque jour un peu plus la preuve de son asservissement à l’UE et à l’euro tant il est entiché d’antisoviétisme rétrospectif et tant il colporte au sein du mouvement ouvrier et syndical le mythe supranationaliste et proprement « social-impérialiste » de la « réorientation progressiste de la construction européenne ». Sur ce plan, non seulement le PGE n’est en rien un parti d’avant-garde du mouvement ouvrier, mais il retarde définitivement sur la classe travailleuse qui, massivement, se détourne de l’UE dont les travailleurs conscients ont compris la nature d’arme de destruction massive des souverainetés populaires, de l’emploi industriel, des services publics et des acquis sociaux, des langues nationales sacrifiées au tout-anglais façon CETA, etc. Le PRCF appartient par ailleurs à l’Initiative continentale des partis et des organisations communistes qui combattent l’UE. Plus largement, le PRCF – qui échange en permanence avec plus de cent partis sur les cinq continents – fait tout ce qui est modestement en son pouvoir pour que se reconstitue un grand Mouvement communiste et léniniste international, fer de lance d’un large Front anti-impérialiste mondial et pourquoi pas, le moment venu, une nouvelle Internationale communiste héritière au présent de la Troisième Internationale créée par Lénine, Clara Zetkin, etc.
« Il y a urgence à agir ensemble dans les entreprises, dans les manifs »
En France, le PRCF propose aux autres organisations se réclamant d’Octobre d’agir en commun à la porte des entreprises et dans les manifs pour porter l’exigence des « quatre sorties », par la voie progressiste, de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme. Nous ne cachons pas notre perspective. Elle n’est pas la consolidation sans fin, d’un congrès du PCF à l’autre, d’une tendance révolutionnaire au sein d’un parti euro-réformiste (pendant que la France se délite et qu’un sursaut urgent est indispensable !) ; elle n’est pas davantage la constitution d’un PCF-PGE en modèle réduit mixant dans un globigoulba impuissant les restes du menchevisme, du « mouvementisme » et du néo-trotskisme assaisonnés d’un zeste de sectarisme travesti en léninisme. Le cap est et sera tenu d’un parti léniniste démocratiquement centralisé et rejetant l’individualisme bourgeois, d’un parti combattant, discipliné et actif, d’un parti clairement héritier du Front populaire et de la Résistance antifasciste. Non par fétichisme « marxiste-léniniste », mais parce que sans cela notre peuple ne pourra pas stopper l’euro-broyeur macronien ni se remettre à l’offensive pour reprendre sa route vers le socialisme.
I.C. – Comment articuler renaissance du Parti communiste, construction d’un large front pour le Frexit progressiste et perspective de la révolution socialiste ?
G.G. : certains opposent indûment la prétendue « méthode léniniste » de prise du pouvoir par l’insurrection armée à la stratégie de fronts populaires, patriotiques et antifascistes que le 7ème congrès de l’Internationale communiste a adoptée dès 1935 en tirant leçon de l’ascension de Hitler et, contradictoirement, du succès du front populaire français alors en construction. Triple confusion selon moi :
- d’une part, la Révolution d’Octobre n’a rien d’une insurrection romantique, d’un assaut militaire aveugle s’épargnant toute construction d’une large alliance politique ouvrière et paysanne. Présenter les choses ainsi, c’est aider à son insu les Courtois, Werth et Cie à présenter mensongèrement Octobre 17 comme un « coup d’État militaire ». Contre le dogmatisme pseudo-marxiste de la Seconde Internationale, Lénine a par ex. compris d’emblée que le soulèvement des masses ne serait possible en Russie, étant donné l’état d’esprit réel des masses, qu’en réclamant « la paix, le pain », « tout le pouvoir aux soviets » ainsi que « la terre aux paysans ». Cela ne signifiait alors nullement la collectivisation de l’agriculture, à laquelle les masses paysannes n’étaient pas prêtes et qui ne sera mise en place par Staline qu’au début des années 30. Cela signifiait alors seulement la nationalisation du sol en vue de sa distribution aux villageois par les soviets ruraux. Déjà à l’époque, les dogmatiques de la Seconde Internationale, mencheviks en tête, reprochaient à Lénine cette « concession » à une revendication « petite-bourgeoise » car « non collectiviste » et « tirée du programme des SR ». En outre, quand le parti bolchevik a lancé le mot d’ordre « tout le pouvoir aux soviets ! », il était encore minoritaire dans lesdits soviets que dominaient alors les mencheviks et les SR. Lénine n’a pas dit, comme l’aurait fait un pédant sectaire :
« tant que les soviets sont dominés par les réformistes, ils ne valent rien » ; il a dit plutôt – et il explicite tout cela en 1921 dans La maladie infantile du communisme – , qu’il n’y a d’autre moyen pour détacher les masses des réformistes que de pousser ces derniers à prendre leurs responsabilités quitte à les démasquer quand ils trahiraient, inévitablement, leurs promesses (par peur des masses, les SR et les mencheviks ne voulaient pas que les soviets, qu’ils dirigeaient pourtant, prennent le pouvoir, ni que les paysans se répartissent les terres, ni que la Russie « révolutionnaire » sorte de la guerre impérialiste…).
En réalité, et tout cela renvoie à bien des débats russes antérieurs à 1917, le léninisme n’a rien à voir avec un gauchisme primitif refusant puérilement toute forme d’alliance ou de compromis. Les bolcheviks n’ont cessé de nouer et de dénouer des alliances de classes visant à isoler le tsarisme et la grande bourgeoisie ; comme le disait malicieusement Lénine à l’encontre de l’aile gauchiste du mouvement communiste international, « toute l’histoire du bolchevisme, avant et après la Révolution d’Octobre, abonde en exemples de louvoiements, d’ententes de compromis avec les autres partis, sans en excepter les partis bourgeois » ; en fait, le léninisme se distinguait à la fois du trotskisme, qui voulait une révolution ouvrière « pure » et qui méprisait l’immense potentiel révolutionnaire de la paysannerie laborieuse, et du menchevisme qui ne croyait pas aux forces de la classe ouvrière, qui voulait faire de celle-ci une réserve politique de la bourgeoisie « cadette » et dont le « travaillisme » limitait le rôle du parti ouvrier social-démocrate russe à n’être qu’une chambre de résonance parlementaire des revendications syndicales. Le propre du léninisme n’est pas de refuser les alliances, ni symétriquement de se dissoudre en elles, il est de créer les conditions, notamment par la construction d’un fort parti de classe, pour que le prolétariat DIRIGE les larges alliances nécessaires pour isoler l’ennemi principal. Sans cela, impossible d’associer de larges couches populaires au prolétariat, et plus impossible encore de créer, non pas en paroles grandiloquentes mais par des actes, les conditions sociopolitiques de la révolution.
- d’autre part, les Fronts populaires des années 1930, ou la grande coalition anti-hitlérienne des années 40, ne doivent pas être opposés à l’objectif constamment réaffirmé (par Georges Dimitrov : son rapport de 1935 à l’Internationale communiste est d’une entière clarté sur ce point !) du rôle dirigeant du prolétariat, de la construction du parti communiste, du maintien de l’objectif socialiste, de la visée finale de la dictature du prolétariat et de ses alliés populaires. Bien entendu, il y a eu des déviations droitières en la matière, comme d’ailleurs la tactique dite « classe contre classe » avait précédemment donné prétexte à des déviations gauchistes. Dimitrov mettait déjà en garde en 1935 contre l’opportunisme de droite, qui consiste à liquider le rôle des partis communistes, ou celui de l’Internationale communiste elle-même, sous prétexte d’ « élargir le front ». Mais ces déviations droitières ne sont pas des exemples, mais bien des contre-exemples de ce qu’appelait à faire le 7ème congrès, et les alléguer contre la notion de front n’invalide en rien les orientations rassembleuses, et créativement léninistes du 7ème congrès de l’Internationale dont les principes, sinon les modalités de mise en œuvre, intéressent toujours vivement notre époque. Cette dialectique qui fait de la révolution socialiste le terme de la dynamique populaire, affrontant de plus en plus durement le grand capital fascisant et antinational pour rassembler contre lui les forces vives du et des peuples, n’a donc rien à voir avec on ne sait quelles prétendues « étapes » interminables entre capitalisme et socialisme servant à ajourner sans cesse l’objectif révolutionnaire.
Il a pu y avoir, et c’est tout autre chose, des compromis historiques provisoires entre classes opposées dans des conditions très particulières, et c’est ainsi qu’en France a pu se déployer le CNR suivi des grandes réformes progressistes attachées, en France, aux noms de Thorez, de Duclos (alors président de l’Assemblée nationale), de Croizat, Paul, Tillon, Casanova, etc. : quand on a fait l’impossible pour vaincre et que malgré cela, le rapport des forces ne permet provisoirement pas d’aller plus loin, il n’y a rien de scandaleux à en prendre acte provisoirement : c’est ce que savent tous les syndicalistes de lutte (sauf à traiter de « trahison » comme le premier gauchiste venu l’accord de Matignon de juin 36, le programme du CNR et la Sécu instituée par Croizat en 46) qui négocient in fine sur la base d’un rapport de forces construit par et avec les masses*. Mais aujourd’hui, ce type de compromis historique qui dominait nationalement et internationalement à la Libération, devient fort improbable, comme le PRCF n’a cessé de l’expliquer. En effet la grande bourgeoisie, spécialement la grande bourgeoisie hexagonale (je ne dis même plus « française » tant ces gens méprisent et saccagent leur propre pays, son industrie, sa langue elle-même !) est tellement engagée dans l’ « euro-dépassement » de l’Etat-nation, donc des acquis sociaux et culturels auxquels cet Etat-nation sert de socle, elle est tellement « embringuée » dans la construction des « Etats-Unis d’Europe », et de l’ « Union transatlantique », que le « souverainisme » bourgeois est bien incapable de porter un Frexit de droite tant soit peu crédible. On le voit avec le « gaulliste » Dupont-Aignan, incapable de proposer l’euro-rupture, et plus encore avec la Le Pen, que les nantis de sa classe ont sommée de rallier vite fait la « construction » européenne. Si bien que désormais, c’est la classe travailleuse et elle seule qui peut porter le Frexit sur des bases d’emblée progressistes (nationalisation démocratique du CAC-40, large intervention populaire, coopérations internationales multi-continentales…) quoi qu’en disent les souverainistes bourgeois de l’UPR. Alors qu’en 45, où les fusions monopolistiques du capital n’étant pas encore parachevées au niveau national, il existait une large base bourgeoise pour le gaullisme, c’est-à-dire pour un patriotisme de droite, la rupture française avec l’UE ne pourra s’accomplir pleinement sans affronter le grand capital dans son ensemble, donc sans poser la question léniniste centrale du « qui l’emportera de la bourgeoisie ou du prolétariat ? » : en clair, la question du socialisme pour la France en lien avec la montée d’une puissante Europe des luttes (CONTRE l’UE et non « dans » l’UE et pour la prétendue « Europe sociale »).
Autrement dit, ceux qui opposent les trois sorties « démocratiques » (de l’euro-UE-OTAN, auxquels il faudrait pour faire bon poids ajouter l’OMC, le FMI, etc.) à la sortie « socialiste » hors du capitalisme, intentent un faux procès. Quand certains ajoutent même qu’il faut d’abord sortir du capitalisme, que les sorties de l’UE, de l’euro et de l’OTAN en résulteront « naturellement », tout cela sonne faux. Derrière ces grands discours « insurrectionnels » (que l’on brandit sans jamais les mettre en œuvre !), il y a en réalité une grande passivité face à l’UE et à l’euro, qu’on laisse bien tranquilles en attendant le jour J de la Révolution. Alors qu’il serait déjà possible de fédérer majoritairement contre eux les forces vives du camp populaire, donc de construire les bases de l’affrontement révolutionnaire avec le grand capital. En outre, ce n’est pas faire preuve d’un grand sens stratégique que de dire en substance : « le socialisme tout de suite, le reste suivra ! ». De même que Leibniz disait ironiquement, à l’adresse de Descartes, qu’ « il a logé la vérité à l’enseigne de l’évidence mais il a négligé de nous en donner l’adresse », de même ceux qui croient disposer d’une stratégie quand ils assènent « le socialisme d’abord, tout le reste suivra », ne fournissent nullement la solution de l’équation révolutionnaire ; car nous savons tous depuis belle lurette que le socialisme est la solution de l’équation ; ce que nous voulons connaître, c’est le chemin qui y mène, c’est la démarche qui permet de donner une valeur concrète à l’ « inconnue » révolutionnaire ; en clair, une stratégie, à laquelle ne se dérobent pas moins au final, les euro- réformistes du PGE et leurs pendants plus ou moins trotskisants ; tous se dérobent en fait à la mise en place d’un front progressiste anti-UE conduisant à de larges et croissants affrontements de classes d’où peut sortir la « lutte finale », le saut qualitatif révolutionnaire proprement dit, que nul au PRCF n’a jamais dilué dans le processus qui le prépare.
Tous ces longs détours théoriques dont je m’excuse – mais ce n’est pas ma faute si certains « marxistes » passent leur temps à obscurcir les choses les plus simples – pour dire que la stratégie proposée par le PRCF est d’une totale cohérence révolutionnaire : je la résume d’une manière un peu sèche, bien qu’il s’agissent moins de fixer une chronologie que de préciser les moments connexes d’une seule et même dynamique révolutionnaire :
- Construction du parti de classe, de la jeunesse d’avant-garde et du syndicalisme rouge permettant à la classe travailleuse, centrée sur la classe ouvrière et sur la jeunesse populaire qui en provient, de reforger sa « subjectivité révolutionnaire » (sa capacité de dire « nous » et d’impulser le mouvement) pour diriger le rassemblement populaire majoritaire contre le grand capital
- Large alliance, sans mépriser tous les éléments concrets qui se présentent, y compris en travaillant l’ « insoumission » HÉSITANTE ET INCONSÉQUENTE à l’égard de l’UE (c’est pourquoi le PRCF parle de France Franchement Insoumise – FFI ! – à l’UE), pour construire le large front politique, syndical, associatif, culturel indispensable pour un Frexit progressiste dynamisant les luttes de classes internationales et ouvert aux coopérations transcontinentales. Et dans cet esprit patriotique et internationaliste, contribution à tout ce qui peut faire renaître un puissant Mouvement communiste international, digne héritier du léninisme.
- Visée permanente du socialisme et du communisme, ce qui signifie bien évidemment triple ligne rouge à l’encontre des « souverainistes » de droite qui fraient avec le FN, mais aussi et surtout, défense permanente de la mémoire communiste française et internationale. Pas seulement par fidélité au passé, mais comme marqueur idéologique de classe rappelant sans trève que toute notre action fut, reste et restera tournée vers la révolution. C’est VITAL à l’heure où le capitalisme porte en tout domaine la régression, la guerre, la barbarie, la destruction de l’environnement, voire la destruction de l’humanité.
En résumé, le PRCF s’efforce d’assumer au présent la devise indissociablement révolutionnaire et fédératrice, patriotique et socialiste, de Fidel et du Che : « Patria o muerte, socialismo o morir, venceremos »…
Sur la lancée de sa dynamique campagne politique des présidentielles, du succès de son stand politique à la Fête de l’Huma, du succès incontestable de son meeting du 4 novembre, le PRCF appelle les communistes « qui s’interrogent » à franchir le pas et à rejoindre le combat urgent du PRCF et des JRCF pour la reconstruction du vrai parti communiste en France.
Entretien réalisé le 10 novembre 2017 – www.initiative-communiste.fr le site internet franchement communiste
*Rien à voir avec les COMPROMISSIONS type CFDT qui négocient à froid, sans construction du rapport des forces, non pas des avancées mais des reculs sociaux ancrés dans le programme revendicatif du patronat,