
L’agriculture capitaliste contemporaine repose massivement sur l’usage des produits phytosanitaires : pesticides, herbicides, fongicides et autres poisons. Leur usage, industrialisé à grande échelle, est justifié au nom du rendement, de la compétitivité et de la sécurité alimentaire. Pourtant, ces substances sont massivement responsables de la dégradation des sols, de l’effondrement de la biodiversité, et surtout de maladies graves chez les travailleurs agricoles comme chez les consommateurs. Des rapports récents de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) reconnaissent de plus en plus ces liens toxiques entre produits phytosanitaires et santé publique. Mais ces mêmes institutions entretiennent des liens structurels avec l’État bourgeois, qui protège les intérêts du capital agro-industriel avant ceux du vivant.
- L’ANSES s’étonne de l’impact des pesticides sur la santé des travailleurs
En 2021, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)a analysél’expertise collective menée par l’Inserm sur les liens entre exposition aux pesticides et santé humaine. L’ANSES y identifie plusieurs substances préoccupantes, dont les pyréthrinoïdes – des insecticides aujourd’hui omniprésents – et les organophosphorés, bien que leur usage soit plus restreint. Cette expertise croise des données issues d’études toxicologiques, d’enquêtes de terrain, de mesures environnementales et surtout d’études épidémiologiques, notamment sur les expositions professionnelles.
Le rapport de l’Inserm, dont s’est saisi l’ANSES, repose sur l’analyse de plus de 5 300 publications scientifiques. Il établit avec une présomption forte de lien causal l’existence de maladies graves chez les personnes exposées régulièrement aux pesticides, notamment les travailleurs agricoles: lymphomes non hodgkiniens, myélome multiple, cancer de la prostate, maladie de Parkinson,troubles cognitifs, bronchopneumopathie chronique obstructive et bronchite chronique. L’exposition maternelle aux pesticides est également associée à des leucémies infantiles et à des troubles du développement neurologique chez l’enfant, dont l’autisme. Ces risques sont d’autant plus alarmants que la population générale, y compris les enfants, est également contaminée via les milieux de vie, notamment les logements situés à proximité des zones d’épandage.
L’ANSES, tout en se montrant prudente dans ses formulations, reconnaît que l’exposition professionnelle aux pyréthrinoïdesest liée à un risque accru de leucémie lymphoïde chroniqueet à destroubles du comportement chez l’enfantexposé in utero. Malgré ces signaux, l’agence se contente de recommander de « revoir régulièrement les évaluations », de « renforcer la surveillance » et de « mieux connaître les usages réels ». L’Inserm, de son côté, insiste sur la nécessité de réévaluer périodiquement les autorisations et appelle à renforcer la biosurveillance. En d’autres termes, les preuves scientifiques s’accumulent, mais les décisions politiques restent timides voire inexistantes.
Pourquoi une telle inertie ? Parce que les intérêts économiques en jeu sont colossaux. Les pesticides sont l’un des piliers du modèle agricole industriel capitaliste. Ils permettent à la bourgeoisie agroalimentaire de maximiser les rendements et donc les profits, au prix d’un empoisonnement systémique des travailleurs, des consommateurs et des écosystèmes. Leur rentabilité repose sur une logique d’accumulation à court terme, indifférente aux conséquences sociales et sanitaires. Les institutions comme l’ANSES, bien qu’alimentées par des travaux scientifiques rigoureux, n’échappent pas aux rapports de force qui structurent l’État bourgeois : elles peuvent alerter, jamais interdire ; constater, jamais remettre en cause la logique productiviste ; signaler, mais toujours dans les limites fixées par le pouvoir économique. L’ANSES peut alerter, mais n’agit jamais contre les puissants lobbies agrochimiques.
- Le capitalisme exploite la terre comme il exploite les travailleurs
Lacrise écologique actuelle est inséparable de la crise sociale. Le capitalisme ne détruit pas seulement la nature : il détruit le travailleur, ses conditions de vie, sa santé, sa dignité. Engels l’écrivait déjà en observant l’Angleterre industrielle : les rivières sont noires, l’air est irrespirable, et ce sont toujours les pauvres qui vivent au bord du désastre. Aujourd’hui encore, ce sont les classes populaires, au Nord comme au Sud, qui subissent de plein fouet les effets de la pollution, de la désertification, du dérèglement climatique. Les riches polluent, les pauvres suffoquent.
Le capitalisme est un système fondé sur l’accumulation sans fin du profit, et donc sur la destruction systématique des équilibres naturels. Face à cela, les solutions réformistes – comme le développement durable, la croissance verte ou les COP internationales – ne sont que des diversions. Elles visent à verdir un système fondamentalement brun, et non à le renverser. Il n’y a pas de capitalisme écologique, pas plus qu’il n’y a de capitalisme juste.
C’est pourquoi des expériences comme celle de Cuba – où la production agricole est relocalisée, désintensifiée, partagée, débarrassée de la logique de rentabilité capitaliste – montrent une voie radicalement différente. Non comme modèle parfait ou exportable tel quel, mais comme preuve concrète que l’écologie passe par la socialisation des moyens de production, la démocratie populaire, et la planification économique au service des besoins humains, pas des profits privés.
Conclusion : socialisme ou barbarie écologique
La situation est claire : tant que les grands groupes agro-industriels auront la main sur notre agriculture, les pesticides continueront de tuer en silence. Tant que les États resteront soumis aux intérêts bourgeois, les travailleurs seront méprisés, agressés, oubliés. Tant que le capitalisme imposera ses lois au monde vivant, la Terre sera pillée, les sols stérilisés, et l’humanité précipitée vers l’abîme.
Face à cela, la seule réponse valable est une rupture révolutionnaire : un modèle socialiste fondé sur la planification écologique, la souveraineté populaire et la rupture avec la propriété privée des moyens de production. L’écologie véritable est anticapitaliste et prolétarienne, ou elle n’est qu’un mensonge bourgeois de plus.
C’est le socialisme ou la mort – pour l’homme comme pour la planète.
Joanna, interne en pharmacie, pour la Commission Santé du PRCF