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Fermeture de Game One : quand les monopoles capitalistes assassinent une chaîne culturelle française

12 octobre 2025
Temps de lecture22 mins de lecture
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Game One, première chaîne française dédiée aux jeux vidéo et à la « culture geek », s’apprête à tirer sa révérence après plus de 25 ans d’antenne. L’annonce de sa fermeture à la fin novembre 2025 a provoqué un choc pour toute une génération de joueurs et de téléspectateurs qui avaient grandi avec ses programmes emblématiques. Cette décision brutale intervient malgré la rentabilité avérée de la chaîne, révélant les logiques froides du capital qui priment sur l’attachement du public et des salariés[1]. Cette disparition est plus qu’un fait divers médiatique : c’est un symptôme d’un système où la culture, livrée aux monopoles privés et à l’impérialisme, est sacrifiée sur l’autel du saint profit. Elle met également sur le devant de la scène, 20 ans après la catastrophe vivendi universal, les conséquences de l’exploitation par les monopoles capitalistes sous domination impérialistes américaines, sur la fabrique de l’espace culturel, c’est à dire sur l’idéologie dominante. Alors que le jeu vidéo est un espace culturel qui participe du rapport aux monde de dizaines de millions de français, jeunes et moins jeunes, la question de l’influence dans la production des jeux vidéos, dans leurs médiatisation, est une question éminemment politique.

Nous revenons dans cet article sur l’histoire de Game One, les causes et responsabilités de sa fermeture, et les enseignements à en tirer pour les défenseurs d’une culture populaire affranchie de la loi du marché.

Une chaîne pionnière de la « culture geek » française

Game One est lancée officiellement le 7 septembre 1998 : c’est la première chaîne thématique française consacrée aux jeux vidéo. Elle est née de la transformation de « C: », un service interactif de CanalSatellite lancé en 1996, que la société française Infogrames (éditeur de jeux vidéo bien connu à l’époque, rebaptisé Atari SA) et le groupe Canal+ décident de convertir en chaîne de télévision dédiée au jeux vidéo. Sous l’impulsion de Bruno Bonnell, cofondateur d’Infogrames, et avec le soutien logistique de Canal+, Game One entend démocratiser la culture vidéoludique. Son concept initial est de diffuser des enregistrements de parties de jeux vidéo sur fond musical tout en développant des formats magazines et émissions originales destinées aux joueurs. Un format largement développé et décentralisé depuis par le streaming, notamment via les chaines twitch. Game One est donc une des marques du très puissant monopole capitaliste Vivendi Universal, alliance capitalistique franco américaine réunissant l’un des plus anciens monopoles du capitalisme français (la compagnie général des eaux) et Universal puissant studio de l’industrie cinématographique d’Hollywood. C’est Vivendi, ex général des eaux qui avait été à l’origine, dans la suite de l’acte unique européen et du début de la privatisation de l’audiovisuel en France, de la création de Canal +, première chaine de télévision payante en France et pilier de l’industrie cinématographique à partir des années 1990. Game One accompagne donc à la fin des années 1990 l’explosion d’un nouveau marché, celui de l’industrie des jeux vidéos. DE 2000 millions d’euros au début des années 1980 pour 1 millions de joueurs, le chiffre d’affaire du Jeux Vidéos en France a bondi à 1 milliards d’euros au moment du lancement de Game One avec 12 millions de joueurs, et peser désormais près de 6 milliards d’euros et 40 millions de joueurs. La production de jeux vidéos en France, est loin d’être marginale avec une valeur de production actuellement estimée à plus d’un milliards d’euros.

Dès ses débuts, Game One rassemble une équipe de passionnés, pour beaucoup issus de la presse écrite spécialisée. Des émissions « cultes » pour une certaine génération voient le jour : Level One (test de jeux en direct par l’animateur Marcus), @GameOne (interaction en plateau avec le public), etc.. Rapidement, Game One s’impose comme une vitrine de la « culture geek » à la télévision, mêlant nouvelles technologies, animation japonaise, cinéma et musique, tout en conservant un espace importante dédié au jeux vidéo. Elle devient rapidement une référence une partie de la jeunesse du début des années 2000, époque où internet n’était que peu accessible au grand public.

Pourtant, les débuts ne sont pas sans heurts. En interne, des conflits éditoriaux apparaissent dès 1999 autour de la liberté de ton des animateurs. À la fin des années 2000, Game One était cependant parvenue à élargir notablement son audience : en 2009, elle se hissait au 2e rang des chaînes thématiques auprès du public jeune (15–24 ans) avec 1,3 % de part d’audience, et 1,0 % sur les 15–34 ans, signe d’un véritable succès dans sur son segment de niche. Ce dynamisme lui a permis de durer plus d’un quart de siècle, en se diversifiant (arrivée de la chaîne sœur Game One +1, création en 2013 d’une déclinaison orientée manga nommée J-One, etc.) et en s’adaptant tant bien que mal à la révolution numérique.

De Canal+ à Viacom : passage sous contrôle américain

Si Game One est une création française, son histoire va vite se confondre avec celle des grands groupes multimédias internationaux. La chaîne naît donc en 1998 du partenariat entre Infogrames et Canal+, chacun détenant 50 % du capital initial. Mais en 2001, à la suite de la fusion entre Canal+ et Vivendi-Universal (déjà !), Canal+ se retire du projet et revend ses parts. Infogrames, pourtant fragilisée financièrement, monte alors à 85 % du capital, les 15 % restants étant répartis entre les trois cofondateurs d’Infogrames (Bruno Bonnell, Christophe Sapet et Thomas Schmider). Cette étape signe la fin du soutien d’un grand groupe audiovisuel français et laisse Game One dépendante d’un éditeur de jeux vidéo dont l’audiovisuel n’est pas le cœur de métier.

Face à ces difficultés et à la nécessité de trouver de nouveaux financements, Infogrames décide de céder Game One à un groupe étranger : MTV Networks, filiale du géant américain Viacom. L’arrivée de MTV comme nouvel actionnaire de référence (majoritaire aux côtés d’Infogrames) marque un tournant. La chaîne passe sous pavillon américain, s’intégrant au bouquet de Paramount/Viacom Networks qui détient déjà de nombreuses chaînes thématiques orientées vers la jeunesse. En 2006, Viacom achève cette prise de contrôle en rachetant les dernières parts d’Infogrames : Game One est désormais la propriété à 100 % de Viacom/Paramount Networks France (la filiale française du groupe).

Ainsi, en moins de dix ans, Game One est passée du statut de start-up française innovante à celui de simple actif dans le portefeuille d’un conglomérat américain. Aucune information publique n’a filtré sur les montants de ces transactions successives, mais une certitude demeure : une fois de plus la bourgeoisie française a choisi d’abandonner une entreprise culturelle nationale aux mains du capital étranger. Ni l’État ni de grands investisseurs hexagonaux n’ont jugé bon de la soutenir à long terme. Bruno Bonnell, figure de proue du projet à ses débuts, illustre bien ce désengagement : devenu député de la majorité macroniste en 2017 (LREM) après sa carrière dans le privé et aujourd’hui Secrétaire général pour l’investissement chargé du plan « France 2030 », il n’a pas pesé pour préserver l’ancrage national la jeune chaîne de télévision. Au contraire, lui et ses associés ont acté la vente à Viacom, se concentrant sur leurs intérêts économiques du moment. Cette sortie des fondateurs français au profit d’un groupe américain s’inscrit dans un mouvement plus large de capitulation des capitalistes nationaux face aux appétits des grands monopoles étrangers, au détriment de la souveraineté culturelle et industrielle de notre pays[2].

Une fermeture brutale en dépit de la rentabilité

L’annonce de la fermeture de Game One en 2025 est d’autant plus révoltante que la chaîne n’était ni en perte d’audience dramatique, ni déficitaire – bien au contraire. Selon les informations révélées par BFM Tech&Co, Game One était profitable, dégageant plus de 2 millions d’euros de bénéfices nets par an ces dernières années[3]. « On est pourtant très rentable », témoigne ainsi un cadre de la chaîne, encore stupéfait de la décision[4]. Le public de Game One, bien que de niche, restait fidèle grâce à une programmation mêlant gaming et anime, et la chaîne avait su se différencier de la concurrence des plateformes en ligne. Elle offrait une expertise pointue dans son domaine et un ton décalé porté par des figures historiques telles que Marcus ou Julien Tellouck, complétant l’offre disponible sur internet. Game One avait donc trouvé son équilibre sur le marché français actuel, prouvant qu’une chaîne de télévision thématique pouvait encore survivre à l’ère du streaming en misant sur la qualité et la fidélisation de son public.

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Pourquoi alors la fermer ? La raison invoquée est purement structurelle et financière, étrangère à toute considération culturelle. La maison mère américaine, Paramount Global, a décidé une vaste réorganisation mondiale suite à sa fusion avec le studio Skydance Media annoncée en 2024 et autorisée en juillet 2025 par la puissante Commission fédérale des communications étasunienne régulant le marché des télécommunications outre-Atlantique[5]. Cette gigantesque fusion a abouti à la création d’une nouvelle entité baptisée provisoirement « New Paramount », valorisant Skydance à 4,75 milliards de dollars[6]. L’opération a profondément rebattu les cartes de l’actionnariat : le groupe d’investisseurs mené par la famille Ellison (Skydance) a pris le contrôle majoritaire du nouvel ensemble, reléguant l’ancienne direction de Paramount au second plan. Dans ce contexte de restructuration post-fusion, le nouveau géant a lancé un plan d’économie drastique afin d’essorer comme il se doit le groupe nouvellement formé. Paramount NetworksMonde et ses filiales locales doivent donc réduire la voilure pour « dégraisser » tout ce qui ne cadre pas avec la nouvelle stratégie centrale du groupe, axée notamment sur le streaming.

C’est ainsi que Paramount Networks France, branche hexagonale du groupe, a reçu pour ordre de réduire de 50 % les effectifs de son pôle télévisuel[7]. Concrètement, cela signifie la suppression d’une chaîne entière – en l’occurrence Game One – et de son appendice J-One. Une dizaine de salariés et pigistes de Game One sont directement touchés par cette fermeture[8], sans compter les prestataires et l’impact indirect sur les talents de l’antenne. Ces employés ont été informés juste avant la rentrée de septembre de leurs licenciements prévus d’ici la fin de l’année. Beaucoup disent qu’ils « le sentaient venir », du fait des contrats de travail de plus en plus courts malgré l’adoption d’un nouvel habillage graphique en 2024, perçu rétrospectivement comme un « chant du cygne » de la chaîne[9].

La raison officielle donnée – l’intégration de Game One ne cadrait plus avec la stratégie du nouveau groupe fusionné – illustre la logique implacable du capital mondialisé. Peu importe que la chaîne fût rentable et appréciée, sa rentabilité n’était sans doute pas jugée suffisamment élevée par les nouveaux maîtres de Paramount, obsédés par les économies d’échelle et la concentration de leurs investissements sur quelques produits globaux. En clair, Game One ne « pèse » rien à l’échelle d’un empire médiatique de plusieurs dizaines de milliards : même bénéficiaire, cette petite entité locale est sacrifiée pour rassurer les actionnaires et financer la fusion colossale en cours. Autrement dit, du point de vue du grand capital, mieux vaut concentrer les ressources sur les plateformes numériques à diffusion (Paramount+ et autres) que de maintenir une offre de niche pourtant unique en son genre.

Le plus cynique dans cette affaire est que Game One n’aurait peut-être jamais survécu jusqu’en 2025 sans son rachat par Viacom en 2003 – rachat qui avait sauvé la chaîne de la faillite à l’époque, ironiquement pour la tuer 22 ans plus tard. Cette dynamique « je te sauve puis je t’élimine » montre bien l’aliénation totale des outils culturels dès lors qu’ils appartiennent à des conglomérats privés : la pérennité d’un média ne dépend pas de sa qualité ni même de son profit modéré, mais de décisions stratégiques opaques prises à New York ou Los Angeles, en fonction d’objectifs financiers globaux.

La bourgeoisie française : complice et profiteuse de l’abandon

Face à cette liquidation, on serait tenté d’accuser uniquement la multinationale américaine. Mais il faut pointer la complicité – par intérêt et intégration surpanationale au sein d’une classe désormais euro atlantique – de la bourgeoisie postnationale française dans cet abandon d’une entreprise culturelle d’envergure nationale. En effet, Game One n’aurait jamais été à la merci de Paramount si, en amont, les acteurs français avaient tenu bon. Canal+ a abandonné le navire dès 2001 pour se recentrer sur d’autres activités lucratives. C’est que le groupe Vivendi Universal subit de plein fouet en 2001 l’explosion de la bulle internet de l’an 2000 et manque de faire faillite, provoquant l’explosion du conglomérat sous la pression des banques, dont les divers morceaux sont immédiatement pris sous contrôle d’autres monopoles (SFR, Veolia…) dans la poursuite du mouvement de concentration supranationale du capital.

Quant à Infogrames, lourdement endettée à l’époque, elle a préféré vendre la chaîne en 2003 pour renflouer ses caisses, plutôt que de la considérer comme un investissement stratégique de long terme.

Le parcours de Bruno Bonnell symbolise bien ce désengagement. Cet entrepreneur, après avoir contribué à créer Game One en 1998, s’est d’abord illustré en imposant une reprise en main éditoriale musclée, allant jusqu’à censurer les critiques de jeux Infogrames dans les émissions. Bonnell a ensuite orchestré ou avalisé la cession au groupe MTV/Viacom, actant de fait que la destinée de la chaîne n’intéresserait plus le capital français. Puis, il a bifurqué vers la politique sous l’étiquette d’Emmanuel Macron : élu député de la République en marche en 2017, il s’est fait le chantre de la « start-up nation », de l’innovation et de l’attractivité pour les investisseurs étrangers. Autant dire que la défense du patrimoine audiovisuel national n’entrait pas dans ses priorités. Son cas n’est pas isolé : bien d’autres dirigeants français du secteur culturel et médiatique ont préféré monétiser leurs actifs et s’intégrer dans la mondialisation néo-libérale plutôt que de préserver une indépendance culturelle, si maigre soit-elle étant donné la primauté donnée aux productions culturelles étrangères sur les antennes de Game One.

La responsabilité politique est aussi engagée. Qu’a fait l’État français depuis 20 ans pour garantir le pluralisme des médias et la protection de chaînes comme Game One ? Dans les faits, les gouvernements successifs (de droite comme « de gauche ») ont accompagné la libéralisation du secteur, exécutant les ordres de l’Union Européenne, ouvrant grand la porte aux concentrations privées internationales. On se souvient que dès 1987, la privatisation de TF1 avait marqué le triomphe de la logique marchande sur l’idée d’un service public pluraliste. Depuis, la dérégulation n’a fait que s’accentuer, laissant des pans entiers de la culture audiovisuelle sous le contrôle de groupes privés, souvent étrangers (Groupe Bertelsmann, Walt Disney Pictures, Czech Media Invest, etc.).

La bourgeoisie française, qu’elle soit actionnaire de médias, cadre des entreprises du secteur ou représentante politique, n’a pas levé le petit doigt pour empêcher cette casse industrielle ou culturelle a donc pleinement participé à cette dynamique : non plus comme gardienne d’une souveraineté nationale, depuis longtemps abandonnée, mais comme acteur volontaire de l’intégration au marché transatlantique. Ce choix stratégique explique la faiblesse – voire l’inexistence – d’une politique de défense de l’« exception culturelle » dans l’audiovisuel.

Les logiques néolibérales de l’UE à l’oeuvre

L’intégration du capitalisme français à l’Union européenne, présentée par ses dirigeants comme un rempart contre l’hégémonie américaine, s’est une fois de plus révélée un instrument d’ouverture complète du marché culturel et audiovisuel aux voraces nord-américains. La directive « Services de médias audiovisuels » censée garantir la diversité culturelle au sein du marché commun, n’a jamais offert de véritable protection aux chaînes ou services audiovisuels français et des autres pays de l’« union » – peu importe leur support. Au contraire, elle a accompagné, par sa politique d’ « ouverture » aux investisseurs étrangers, la concentration oligopolistique de la propriété des entreprises du secteur audiovisuel entre les mains du capital américain.

Cette évolution n’a rien d’un accident. Elle découle directement de la philosophie économique qui sous-tend la construction européenne depuis ses origines : la primauté de la concurrence et la libre circulation des capitaux, considérées comme des dogmes indépassables. Dans cette logique, les biens culturels sont traités comme de simples marchandises, soumises aux mêmes règles de rentabilité que les produits industriels. La culture n’est plus un domaine d’émancipation ou de souveraineté, mais une variable d’ajustement dans la compétition mondiale.

L’Union européenne (UE) a joué un rôle pivotal dans l’ouverture progressive du secteur audiovisuel français au privé, en imposant des principes de libéralisation du marché intérieur qui ont contraint la France à adapter sa législation nationale, traditionnellement marquée par un interventionnisme public fort et une protection du service public. Cette influence s’est manifestée à travers des jurisprudences, des directives harmonisatrices et des programmes de soutien, favorisant la libre circulation des services audiovisuels et limitant les monopoles étatiques. Bien que la France ait défendu l' »exception culturelle » pour préserver ses spécificités, l’UE a accéléré la fin du monopole public (héritage de l’ORTF dissous en 1974) et encouragé l’émergence d’opérateurs privés, transformant un paysage dominé par le public en un marché concurrentiel avec des chaînes comme Canal+ (1984), La Cinq et M6 (1986-1987). initialement absente des traités fondateurs, mais intégrée via des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), la politique de l’UE a en réalité imposé la privatisation et la libéralisation de l’audiovisuel en un marché concurrentiel, spéculatif, capitalistique. Ces décisions ont qualifié la diffusion télévisée de « prestation de services » soumise au droit communautaire, remettant en cause les monopoles nationaux. Parmi les arrêts clés, l’Arrêt Debauve (18 mars 1980) : Examine la compatibilité des monopoles publics avec ces règles, forçant les États comme la France à justifier leurs restrictions et l’Arrêt Sacchi (30 avril 1974) : Définit la diffusion télévisée comme un service transfrontalier, ouvrant la voie à l’application des principes de libre circulation et de concurrence. Le 3 octobre 1989 (directive 89/552/CEE), la directive TSF représente le pilier de cette politique de libéralisation. En France, cette directive a imposé une transposition qui a accéléré l’ouverture au privé et avec elle la pénétration des productions étrangères, en particulier américaines, dans la diffusion audiovisuelle, au détriment des productions nationales et publiques, dans une logique exclusive de spéculation, de profits, mais aussi d’influence des milliardaires détenant ces médias.

Le capitalisme français, loin de s’opposer à cette orientation, s’y est intégré avec empressement. Les grandes entreprises du secteur culturel – de Vivendi à Lagardère en passant par Canal+ – ont cherché à se repositionner sur le marché global plutôt qu’à défendre une souveraineté culturelle nationale. L’UE n’a jamais cherché à réguler ces mouvements de concentration ; au contraire, sa fonction même était et est de les provoquer et de les impulser au nom de la « compétitivité » et de « l’attractivité » pour les marchés financiers internationaux.

Cette absence de régulation culturelle s’inscrit dans une stratégie plus large : celle de l’alignement économique et juridique de l’Union européenne sur les normes du marché transatlantique. Les négociations autour du TAFTA[10] avaient déjà révélé, il y a une dizaine d’années, l’intention d’harmoniser les standards industriels, commerciaux et médiatiques entre les deux rives de l’Atlantique. L’objectif implicite était clair : consolider un espace économique homogène et propice aux multinationales nord-américaines, dont les plateformes numériques (Netflix, YouTube, Disney, Paramount, etc.) incarnent aujourd’hui la puissance hégémonique. L’audiovisuel européen, loin d’être protégé, a été livré à ces acteurs globaux au nom de la tristement célèbre « concurrence libre et non faussée ».

Le résultat est là : une Europe qui proclame la « diversité culturelle » tout en facilitant la domination des plateformes et studios américains, et une bourgeoisie française vassale qui, au lieu de défendre concrètement ce qu’il reste de l’indépendance intellectuelle et artistique de notre pays, s’est faite gestionnaire d’une dépendance, bien réelle cette fois-ci.

Monopoles et impérialisme dans l’audiovisuel

Game One n’aura donc pas réchappé du broyeur capitaliste, victime d’un phénomène bien connu et déjà décrit par Marx puis Lénine il y a plus siècle : la concentration du capital et la socialisation de l’économie, entrainant la formation de monopoles capitalistes à l’échelle internationale, à laquelle n’échappe pas l’industrie médiatique. Le secteur des médias et du divertissement est désormais dominé par quelques géants transnationaux (Disney, Comcast/NBCUniversal, Warner Bros Discovery, Netflix, Amazon… et Paramount Global), qui se partagent marchés et contenus. Ces mastodontes n’hésitent pas à fusionner entre eux pour accroître leur emprise – la fusion Paramount–Skydance n’étant qu’un épisode parmi d’autres dans la course à la taille critique – en dépit des pseudo règlementations et lois anti-trust. Le résultat ? S’installe une logique de monopole privé où la diversité des acteurs se retrouve drastiquement réduite, où les mêmes actionnaires contrôlent à la fois la production, la distribution et la diffusion des contenus culturels.

Dans ce contexte, le sort d’une petite chaîne française thématique ne pèse en effet pas bien lourd. Game One est l’une des victimes de l’impérialisme économique et culturel : la nécessité absolue pour le capital de concentrer toujours plus de pouvoir, de dominer les marchés nationaux et d’imposer une vision uniformisée de la production, fût-elle culturelle ou artistique. L’impérialisme n’est pas seulement militaire ou politique, il est aussi médiatique : la fermeture de Game One par un ordre venu d’outre-Atlantique illustre la manière dont les centres de décision étrangers peuvent, en un trait de plume, anéantir uneoffre culturelle locale pourtant appréciée par son public. C’est un nouvel exemple de la « casse » culturelle provoquée par la mondialisation capitaliste : après la mort de la chaîne Nolife en 2018 faute de financements, c’est au tour de Game One de disparaître, avalée, digérée, puis recrachée par le grand capital américain.

Ce cas est une illustration supplémentaire l’avidité des capitalistes : ces derniers n’investissent dans la culture que tant que cela sert leurs profits et leur stratégie globale. Dès que le taux de profit espéré est jugé insuffisant par rapport à un investissement alternatif, ils coupent les vivres. Peu importe la valeur d’usage culturelle de Game One, peu importent les travailleurs de la chaîne et l’audience fidèle : tout cela est secondaire face à la logique de valorisation du capital de Paramount/Skydance. On assiste également à un renforcement du caractère monopolistique du secteur : en éliminant une chaîne indépendante, le monopole consolide son pouvoir (même si Game One était modeste, sa suppression oriente plus de publics vers les plateformes détenues par les mêmes groupes, renforçant leur hégémonie).

Il y a enfin une dimension de casse de la France des travailleurs, riche de talents et de savoir-faire en matière de jeu vidéo et d’animation, elle voit privée d’un outil de diffusion national de ce travail. Cette dépossession rappelle que sous le capitalisme contemporain, les nations, – fussent-elles impérialistes – subordonnées au grand capital international perdent progressivement la maîtrise de leur infrastructure culturelle. Paramount aura ainsi siphonné la plus-value produite par les travailleurs de Game One pendant des années, avant de jeter l’éponge sans considération pour l’héritage culturel accumulé.

Le public français, certes, perd une petite chaîne de télévision, au bénéfice des plateformes globalisées où l’uniformisation est la règle. Mais la Nation toute entière perd bien plus : la fermeture de Game One est un pas de plus vers la liquidation d’une conception « à la française » du jeu vidéo. Quelle serait la réaction de nos « élites » intellectuelles si un grand magazine culturel tel que Télérama était racheté par un fond de pension américain pour être liquidé quelques années plus tard ? Avec 192 milliards de dollars de chiffre d’affaire au niveau mondial en 2023[11], l’industrie vidéoludique représente plus que les industries cinématographiques et musicale réunies, tout en maintenant d’importants taux de croissance ! Ce n’est donc pas « une paille » pour souveraineté nationale que de liquider l’un des médias audiovisuels historiques du secteur.

Pour une reprise en main collective sur la culture audiovisuelle

Face à ce constat amer, quelle réponse proposer ? Tout d’abord, notre solidarité de classe va aux salariés de Game One face à cette épreuve. Ces travailleuses et travailleurs, qui ont fait vivre la chaîne pendant des années, ne doivent pas être les oubliés d’une décision purement financière. Qu’il s’agisse des équipes permanentes, des pigistes ou des techniciens, ils méritent respect et soutien. Nous appelons tous les progressistes et patriotes sincères à se mobiliser pour défendre leurs droits et exiger des conditions de départ ou de reclassement dignes.

Sur le plan politique, il faut dénoncer vigoureusement la logique qui a conduit à ce gâchis. La culture n’est pas une marchandise comme les autres : c’est un bien commun qui mérite protection et investissement hors des seuls critères du marché. Nous, communistes et amis de la culture, affirmons que laisser des entreprises nationales de l’audiovisuel aux mains de groupes privés rapaces conduit immanquablement à ce genre de catastrophe. Il est temps de poser la question de la maîtrise publique et démocratique des médias.

Concrètement, cela passe par :

  • Exiger des pouvoirs publics l’interdiction des plans de licenciements dans les médias rentables et l’encadrement réel des fusions-acquisitions qui menacent le pluralisme.
  • Défendre la culture comme un service public : pourquoi ne pas imaginer que l’État investisse dans Game One, au moins partiellement, pour en faire une plateforme d’éducation au numérique et au jeu vidéo ? Une intégration dans le service public audiovisuel pourrait lui donner un second souffle, en garantissant son financement sur fonds publics.
  • Aller vers la nationalisation des grands acteurs du secteur audiovisuel. Il est inadmissible que des chaînes entières disparaissent au gré des fusions capitalistes. Pour qui veut soustraire la culture aux appétits impérialistes, la nationalisation des acteurs-clés du secteur est une nécessité. Reprenons exemple sur l’ambition du Conseil National de la Résistance qui avait fait de la RDF (devenue ORTF) un monopole d’État pour garantir une information dégagée du pouvoir de l’argent. De nos jours, rien ne nous empêche d’imaginer un grand pôle audiovisuel public, englobant des chaînes thématiques d’intérêt général (dont le jeu vidéo fait partie, en tant que phénomène culturel majeur du XXIe siècle).

L’affaire Game One est à la fois triste et révélatrice. Triste, car elle marque la fin d’une aventure médiatique unique qui aura marqué la culture geek française de plusieurs générations – pensons aux milliers de jeunes qui, faute d’Internet à la fin des années 90 et au début des années 2000, ont découvert l’univers des jeux et de l’animation japonaise grâce à Game One. Révélatrice, car elle montre que sous le capitalisme monopoliste, aucune création humaine, fût-elle profitable et appréciée, n’est à l’abri d’être sabordée pour servir les intérêts supérieurs du grand capital. Opposons à cette destruction la résistance des travailleurs et construisons l’alternative d’un secteur audiovisuel libéré de la loi du profit. La culture est un bien trop précieux pour être laissé aux mains des impérialistes – reprenons-en le contrôle, pour que vive la création sous toutes ses formes, au service du peuple de France !

Antonio Bermudez, JBC pour www.initiative-communiste.fr


[1] https://www.bfmtv.com/tech/gaming/info-tech-co-la-chaine-game-one-va-fermer-ses-portes-fin-novembre-plus-de-25-ans-apres-sa-creation_AN-202510080687.html

[2] https://www.lesechos.fr/finance-marches/ma/alstom-technip-doliprane-en-dix-ans-les-etats-unis-se-sont-offert-plus-de-130-milliards-de-dollars-de-fleurons-francais-2147587

[3] https://www.journaldugeek.com/2025/10/08/game-one-la-mythique-chaine-sur-le-jeu-video-et-la-culture-geek-va-fermer-dans-quelques-semaines/#:~:text=Une%20d%C3%A9cision%20soudaine%2C%20d%E2%80%99autant%20plus,d%C3%A9cision%20juste%20avant%20la%20rentr%C3%A9e           

[4] https://www.bfmtv.com/tech/gaming/info-tech-co-la-chaine-game-one-va-fermer-ses-portes-fin-novembre-plus-de-25-ans-apres-sa-creation_AN-202510080687.html#:~:text=En%20interne%2C%20pour%20la%20dizaine,par%20an%20de%20b%C3%A9n%C3%A9fices%20nets 

[5] https://www.bfmtv.com/tech/gaming/info-tech-co-la-chaine-game-one-va-fermer-ses-portes-fin-novembre-plus-de-25-ans-apres-sa-creation_AN-202510080687.html#:~:text=Cette%20fermeture%20pr%C3%A9cipit%C3%A9e%20est%20la,Unis      

[6] https://www.tradingsat.com/actualites/informations-societes/paramount-accord-de-fusion-avec-skydance-1118597.html#:~:text=dans%20Paramount        

[7] https://www.phonandroid.com/game-one-cest-fini-la-chaine-jeu-video-ferme-definitivement-ses-portes.html#:~:text=BFMTV,reconduits%20sous%20la%20nouvelle%20entit%C3%A9        

[8] https://www.bfmtv.com/tech/gaming/info-tech-co-la-chaine-game-one-va-fermer-ses-portes-fin-novembre-plus-de-25-ans-apres-sa-creation_AN-202510080687.html#:~:text=En%20interne%2C%20pour%20la%20dizaine,par%20an%20de%20b%C3%A9n%C3%A9fices%20nets 

[9] https://www.journaldugeek.com/2025/10/08/game-one-la-mythique-chaine-sur-le-jeu-video-et-la-culture-geek-va-fermer-dans-quelques-semaines/#:~:text=Selon%20certains%20t%C3%A9moignages%20d%E2%80%99employ%C3%A9s%2C%20cette,courts%20qui%20ont%20%C3%A9t%C3%A9%20sign%C3%A9s%C2%A0%C2%BB        

[10] https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/bloquons-tafta-lire-ic-n149/           

[11] https://www.geeklife.fr/blog/jeux-video/jeux-video-industrie-qui-pese-plus-que-le-cinema-et-la-musique-reunis/

Tags: audiovisuelcultureGame Onejeux vidéoslutte
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