En France, les risques professionnels sont un enjeu majeur pour la santé des travailleurs et les finances publiques, comme le souligne l’article de la CGT Culture sur l’austérité comme premier facteur de risque.
Au fil des années, les chiffres des accidents du travail (AT) et des maladies professionnelles (MP) ont connu une évolution marquée par la crise sanitaire et les tendances structurelles. En 2019, avant la pandémie, on recensait environ 656 000 sinistres avec arrêt de travail (AT, trajets et MP). Ce nombre a chuté de 18 % en 2020 à 540 000, en raison des confinements et de la réduction d’activité. Un rebond de 11 % a suivi en 2021 avec 605 000 cas, puis une légère baisse de 3,5 % en 2022, avant une stabilisation à 697 000 en 2023, dont 556 000 AT, 94 000 accidents de trajet et 47 000 MP reconnues.
Les troubles musculo-squelettiques (TMS) dominent, représentant jusqu’à 90 % des arrêts, avec une hausse de 9,5 % des MP en 2023. L’indice de fréquence des AT a diminué de 15,2 % entre 2019 et 2023, passant de 39,1 à 26,8 pour 1 000 salariés, reflétant une amélioration globale mais masquant des disparités sectorielles, comme dans la construction (43 en 2023). Pour les MP, l’indice reste stable autour de 2-3 pour 1 000 salariés depuis 2005, avec une baisse de 4,2 % sur 2019-2023.
Les coûts pour l’Assurance Maladie sont colossaux et en progression :
les dépenses nettes atteignent 13 milliards d’euros en 2024, en hausse de 1 % par an en moyenne depuis 2004 (en euros constants). En 2023, les prestations versées s’élevaient à 12,3 milliards, dont 5 milliards pour les indemnités journalières et 4,6 milliards pour les incapacités permanentes. Le coût moyen d’un AT avec arrêt long a augmenté de 28 % en cinq ans, exacerbé par l’inflation médicale et les sous-déclarations estimées à 2-3,8 milliards en 2024. Le solde de la branche AT-MP, positif à +1,4 milliard en 2023, se resserre à +0,7 milliard en 2024 et pourrait devenir négatif (-0,4 milliard) en 2025, sous l’effet des transferts croissants et des coûts liés à l’amiante. Ces évolutions soulignent l’urgence de renforcer la prévention, particulièrement dans un contexte d’austérité budgétaire qui, comme l’explique l’article, aggrave les risques dans des secteurs comme la culture. De fait, l’euro austérité imposé par l’euro, par la commission européenne à travers la procédure de déficit excessif et le semestre européen d’une part, d’autre part l’ordre de tripler les dépenses militaires (avec d’ores et déjà un trou dans le budget de 40 milliards d’euros lié à la guerre en Ukraine) et augmenter la contribution de la France à l’Union Européenne (19 milliards d’euros).
L’austérité premier facteur de risque professionnel

Déclaration liminaire de la CGT-Culture à la formation spécialisée en santé, sécurité et conditions de travail ministérielle (F3SCT-M) du 6 novembre 2025
Cette formation spécialisée se tient dans un contexte politique et économique alarmant. L’austérité financière, qui confine à l’austérité intellectuelle, gangrène depuis plusieurs années les systèmes de pensées de tous les ministères. Vendue comme solution miracle, elle est devenue le marqueur des plus grands reculs sociaux.
Cette vision économique agresse tout particulièrement les conditions de travail des personnels. Depuis plusieurs années de nombreuses études (DARES, Eurofund…) montrent que la France, grande puissance économique européenne, est devenue l’un des pays affichant les pires conditions de travail en Europe . Le baromètre européen sur les conditions de travail montre que « la France se situe en dessous de la moyenne européenne sur trois dimensions : la qualité des revenus, les conditions de travail, les compétences et l’évolution des carrières ». C’est donc dans ce contexte, et celui de la refonte des instances de dialogue social, que les gouvernements successifs nous assènent continuellement à coup de « valeur travail » dans le même temps qu’il la détruit. Les salarié.e.s et les agent.e.s sont aux yeux des détracteurs des malades imaginaires fraudeurs.
Le travail est malade et l’austérité en est la cause et la conséquence. La dégradation inédite des conditions de travail contribue immanquablement à la dégradation de la santé.
Le PLFSS 2026 actuellement en débat à l’assemblée, avance une vision encore plus régressive en matière de santé au travail. En effet, sans jamais agir sur les véritables causes des atteintes à la santé dans le travail, les attaques se portent sur les travailleuses et travailleurs. Il est ainsi envisagé de :
- limiter la durée initiale des arrêts de travail : 15 jours pour les prescriptions effectuées par les médecins généralistes ; 30 jours pour les prescriptions effectuées à l’hôpital. La lutte contre les arrêts maladies abusifs se ferait au détriment de la réalité médicale du patient !
- limiter dans le temps le versement des indemnités journalières en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Après l’expiration d’une période qui sera déterminée par décret, les victimes basculeront de facto en incapacité permanente avec des pertes de rémunération plus importantes et un risque accru de licenciement pour inaptitude.
- limiter la période d’indemnisation des incapacités temporaires de travail
Par ailleurs,
- Le texte introduit également l’obligation d’indiquer les motifs de l’arrêt sur la feuille de soins transmise à son employeur « à des fins de contrôle par l’assurance maladie » , ce qui constitue une atteinte grave au secret médical
- L’examen de reprise effectué par la médecine du travail ne sera plus obligatoire après un congé de maternité. Face à la pénurie de médecins du travail, le patronat espère ainsi une reprise plus rapide de la salariée. Les femmes qui ne se seront pas aptes à la reprise verront leurs indemnités journalières diminuées à compter de la fin du congé maternité et jusqu’à l’obtention de la visite.
- La suppression des règles dérogatoires dont bénéficient les assuré.e.s atteint.e.s d’affections longues durées (ALD) « non exonérantes », telles que les troubles musculosquelettiques qui représentent pas moins de 90% des arrêts de travail et maladies professionnelles. Les indemnités journalières seraient réduites de 1095 jours à 360 jours d’indemnités journalières sur trois ans.
· Le durcissement des procédures de reconnaissance des maladies professionnelles et la réduction des pouvoirs des instances médicales.
Le ministère n’échappe malheureusement pas à ce contexte. Ces perspectives dangereuses vont accentuer la situation déjà fragile des plus précaires et des femmes. La baisse des indemnités journalières de 100 % à 90 % a déjà affaiblit la situation sociale et économique des collègues. Selon le RSU en 2024, les femmes ont subi 2200 jours de carence contre 1121 jours pour les hommes soit deux fois plus alors qu’elles représentent 56% des effectifs. Les femmes, en 2024, sont concernées par 498 accidents de travail (service, trajet et maladie professionnelle) sur 786 soit 63%.
Si ce projet de loi de finance devait passer , des situations de précarité et de misère encore plus grandes toucheront les personnels les plus fragiles. Le ministère doit donc s’engager dans une véritable politique de prévention primaire en investissant une bonne fois pour toute dans les outils d’analyses du travail et ses instances représentatives du personnel.
Par exemple, en 2024, sur les 748 accidents de service ou de trajet déclarés , seulement 17 enquêtes ont été réalisées ! Sur les 21 dossiers de demandes de reconnaissance de maladie professionnelle, seulement 9 ont obtenu gain de cause et une seule enquête a été réalisée ! Autrement dit, le ministère de la culture, aujourd’hui ne se donne absolument pas les moyens de comprendre et de réparer ce qui abime les travailleuses et les travailleurs.
De plus, 52% des accidents de travail et maladie professionnelle affectent principalement la tranche d’âge des 55/60 ans. L’allongement de l’âge de départ à la retraite va immanquablement exposer les plus de 55 ans à de plus en plus de risques professionnels surtout si aucune réflexion n’est portée sur la pénibilité.
Cette austérité économique n’a d’autre but que de faire payer aux travailleuses et aux travailleurs les conséquences sur leur santé du travail prescrit par l’employeur. Les logiques à l’œuvre sont les mêmes qui ont abouti au cambriolage du Louvre ou encore à l’irradiation d’un agent au C2RMF. En économisant sur les moyens humains et techniques, les conséquences sont :
- Au-delà de la valeur symbolique et patrimoniale, 88 millions d’euros minimum de perte au Louvre et 6 millions d’euros au musée Adrien Dubouché
- 1 accident de travail au C2RMF avec arrêt de l’accélérateur pendant 3 mois
Tout cela, sans compter les coûts indirects résultant des fermetures.
La formation spécialisée en santé, sécurité et conditions de travail ministérielle doit donc impérativement retrouver toute sa place, pour jouer son rôle avec ses outils et ses moyens humains. Le ministère doit par ailleurs réinvestir dans des services de médecine du travail internalisés et des inspecteurs santé et sécurité au travail. C’est une urgence !

![L’UE aura-t-elle la peau de la France ? [Fadi Kassem invité de QG Le média jeudi 13/11, débat avec Jacques Sapir]](https://www.initiative-communiste.fr/wp-content/uploads/2025/11/20251113-FadiKassem-Sapir-AudeLancelin-qg-350x250.jpg)



