Le 17 août 2025
Le génocide perpétré par l’État israélien devient chaque jour plus manifestement odieux et l’urgence commande une convergence de refus extrêmement vaste. Dans ce cadre, la prudence peut s’imposer dans les rapports d’une association de solidarité avec des personnes dont il serait avéré qu’ils ont explicitement tenu des propos douteux ou odieux sur la question de l’antisémitisme et du négationnisme. Il suffirait de quelques lignes de condamnation relevant leurs propos et de refuser à chaque fois discrètement de tenir tribune ou de signer des textes en commun.

L’objectif réel du document de 17 pages énonçant les ostracismes que la direction de l’UJFP entend mettre en œuvre est tout autre. Les déclarations maladroites ou malintentionnées de quelques personnages dont l’écho médiatique récent est quasi-nul ne sont qu’un prétexte. Il s’agit d’imposer une conception des relations internationales tendant à désarmer idéologiquement la résistance anti-impérialiste euro-atlantique. La chasse aux minorités mal-pensantes, est ouverte dans une association qui se proclame pourtant pluraliste.
Pour imposer ce qui se révèle comme une ligne idéologique, pas moins de six pages sont consacrées au journaliste belge Michel Collon et à son site Investig’action.
Le procès fait à ce dernier est clairement politique.
Le texte reprend sans critique à cet effet deux concepts introduits ces dernières décennies dans le débat médiatique contrôlé par l’idéologie dominante : le « campisme » et le complotisme. « Le campisme conduit souvent assez rapidement au complotisme » peut-on y lire. De fait, un anti-impérialisme conséquent peut difficilement croire sur parole aux médiamensonges bellicistes ayant conduit à des millions de morts et repris sur toutes les chaînes, depuis les couveuses du Koweït jusqu’aux prétendus Oradours du Kosovo en passant par les armes de destruction massive de l’Irak…
Michel Collon serait « campiste » en ce qu’il refuse toute banalisation du concept de génocide et notamment son extension aux évènements de Srebrenica. La direction de l’UJFP dénonce aussi la volonté attribuée à Collon d’atténuer la culpabilité du « criminel » Milosevic dans cette affaire, alors que ce chef d’Etat mort de manière pour le moins inattendue dans les geôles impérialistes en ayant mis l’accusation était en grandes difficultés lors de son procès n’en est pas le commanditaire.
Il est aussi reproché à Collon de pratiquer vis-à-vis de la Russie et de l’Iran, hier vis-à-vis de la Syrie des El-Assad et de l’Irak de Saddam Hussein, une solidarité anti-impérialiste à ne pas confondre avec l’alignement politique. Pour ne pas être « campiste », il fallait donc hier appeler à la chute d’Assad pour aujourd’hui déplorer les massacres dont sont victimes Alaouites et Druzes…
Être à l’UJFP impliquerait ainsi un soutien indifférencié au « mouvement national ukrainien », ce qui de la part d’une organisation juive est assez sidérant sachant que le régime de Kiev exalte Bandera, un pogromiste de masse! Il conviendrait ainsi que l’UJFP fît chorus avec les courants politiques dominants pour soutenir le mouvement iranien « Femmes, vie, liberté » puis regretter que, s’agissant de ce pays, certains renvoient dos à dos agresseur et agressé !
Il faudrait ensuite soutenir le Hirak algérien. Attaquer depuis la France le gouvernement algérien revient toutefois aujourd’hui à seconder les diatribes islamophobes de Retailleau et la position annexionniste de la diplomatie française au Sahara…. Peu suspect de « campisme », le journal « Lutte Ouvrière » du 15 août dénonce la « prétention de l’État Français à faire plier l’Algérie comme si elle était toujours sa colonie »…
Enfin, Michel Collon aurait le tort de dénoncer le rôle de Georges Soros dans les diverses « révolutions oranges ». Mais jamais, il n’a fait allusion aux origines juives de ce personnage détestable à mes yeux, du seul fait de la politique destructive qu’il prône à l’échelle mondiale tout en pratiquant l’ingérence systématique dans la politique de plusieurs pays…
Il s’agit bien d’un procès politique de la part de la direction de l’UJFP. Les « relations toxiques », remontant à plus d’une décennie, que Collon entretiendrait avec tel ou tel personnage ne sont qu’un prétexte. De même que des publications croisées d’articles dont on voit mal comment il pourrait y faire obstacle… Affirmer qu’un homme de média étranger puisse connecter le réseau de solidarité avec la Palestine avec l’extrême-droite n’est en outre pas crédible.
Je partage pour ma part, et c’est ma plus stricte liberté de pensée garantie par la Constitution et la Déclaration universelle des droits de l’homme, la prétendue « rhétorique progressiste sur le pouvoir des banques et des multinationales », c’est-à-dire en bref l’analyse marxiste de la domination planétaire du capital financier, et constate « que les démocraties sont contrôlées par des oligarchies invisibles »: c’est hélas facile à voir quand on constate le poids énorme de l’argent et de la presse liée à l’argent, non seulement aux USA mais en France même. Certes, une organisation juive pour la paix accueille à bras ouverts ceux qui conservent des illusions sur le système de domination politico-économique en vigueur et espèrent en l’efficacité du droit international. Mais de là à encenser les pouvoirs économiques et médiatiques et à rejeter ces critiques d’essence marxistes, c’est bien là du « campisme » capitaliste et impérialiste !
Une simple affirmation jette le site « Le Grand Soir », qui accueille de nombreux articles pertinents dans le même sac « complotiste ». On prend ensuite à partie deux anciens candidats aux élections présidentielles sans fournir aucun élément relatif à leur prétendu antisémitisme si ce n’est les fulminations de leurs ennemis politiques de droite ou issus de la social-démocratie.
De manière plus globale, l’UJFP laisse entendre que sa critique des médias se limite à « la juste dénonciation de la galerie Bolloré » (pourquoi pas Bernard Arnault, Xavier Niel, Patrick Drahi, etc. qui eux aussi pèsent d’un poids accablant sur le débat politique), qu’une totale liberté d’action doit être offerte aux ONG (suffit-il de se déclarer indépendant des gouvernements pour l’être réellement? Quelle naïveté!), que les décisions bancaires sont prises « en toute indépendance » (alors que l’UJFP elle-même en est la première victime !)
L’UJFP endossera-t’elle demain le rôle de ce « citoyen du monde » décrit par le parolier Cyril C. Sarot ? : « Sa démocratie / L’en est pas peu fier / Alors il l’impose / À grand coups d’obus / De bombes et pour cause / Faut cuir’les barbus ».
Voilà pour le fond de la déclaration de 17 pages de la direction de l’UJFP. Sa forme est encore plus détestable… Le document s’achève sur une liste inquisitoriale de personnes qui seraient infréquentables… Ils seraient « ceux qui s’insurgent contre les antifascistes »… Pourquoi alors les dénoncer nommément par une liste digne de celles qui, il y a maintenant plus de 80 ans, parvenaient au 93 rue Lauriston ?
En commettant de tels documents dangereux et liberticides, l’UJFP rompt avec ses valeurs fondatrices. C’est pourquoi je ne la quitte pas, mais je constate que c’est elle qui m’a quittée moi, à la fois d’ascendance maternelle juive et descendant de résistants qui, il y a 80 ans et plus, risquèrent leur peau pour sauver des Juifs. J’aurais d’ailleurs apprécié que soit nettement rappelé (et regretté), à l’occasion du 27 janvier, que les monuments à l’armée rouge qui a libéré Auschwitz sont systématiquement détruits à l’Est de l’Europe !
J’entends rester fidèle aux valeurs républicaines et antifascistes de mes deux parents. J’en tire donc les conséquences en me retirant publiquement de ce qui n’est plus à mes yeux une Union des Juifs de France « pour la paix », mais une organisation de plus en plus campiste, voire anticommuniste et belliciste.
Olivier RUBENS