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Accueil articles 2-lutte des classes et renaissance communiste

L’oligarchie macroniste se sert de la Corse pour détruire la République [ réforme du statut de la Corse ]

5 août 2025
Temps de lecture40 mins de lecture
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On lira ci-dessous l’analyse du maire radical de gauche de Propriano. 

Bien  entendu, nous n’en partageons pas tous les termes, loin s’en faut, mais  du moins a-t-il le courage politique (et peut-être même physique?) de  faire front au « girondinement correct » qui domine de Paris à Ajaccio.

S’il  dit faux en assurant que la majorité des Corses ne veut pas de  l’autonomie, et moins encore de l’indépendance, comment se fait-il  qu’ensemble ou séparément les autonomistes, indépendantistes et autres  macronistes n’organisent pas de référendum, en Corse et dans le reste de  la France, pour soumettre cette question à la décision populaire? En  réalité, qui a peur du suffrage populaire?

Rappelons  du reste que, déjà, le pouvoir maastrichtien parisien a déjà violé la  volonté des Corses, qui s’étaient prononcés pour le maintien des deux  départements corses et qui avaient rejeté par referendum en 2003 l’idée d’une collectivité  unique de Corse, prodrome à l’autonomie dans le cadre d’une République  française éclatée et/ou de l’ « indépendance corse » (bidon!) dans le  cadre de l’Etat fédéral européen des régions. Belle indépendance en réalité qui, plus encore qu’aujourd’hui, livrerait les Corses aux lobbys bruxellois.

N’est-il pas plutôt évident que le pouvoir maastrichtien, qu’il soit sarkozyste, hollandien ou macroniste, veut se servir de la Corse aujourd’hui, de la Bretagne  demain, pour détruire la République indivisible issue de la Révolution  jacobine et tout ce qui va avec : laïcité républicaine, officialité de la  langue française en tant que fédérateur national, unicité des acquis  sociaux, du Code du travail, du SMIG, des conventions collectives, des  statuts, des diplômes nationaux, des services publics, et tout ce qui  permet encore à la classe laborieuse de France de se défendre  solidairement contre l’offensive dévastatrice du capital ?

En  réalité, le problème de la Corse, de la Bretagne, de l’Alsace (qui a  subi le même viol de son référendum sur la régionalisation que la Corse,  de même que l’ensemble des Français a vu son vote indépendantiste de  mai 2005 (non à la constitution européenne) grossièrement violé en  réunion par Sarko et Hollande) n’est PAS la République « jacobine » ou ce  qu’il en reste après des décennies d’attaques réactionnaires menées au  nom de la « construction » européenne et du « pacte girondin »: ce problème,  que les travailleurs doivent affronter ensemble de Bonifacio à  Dunkerque et de Brest à Sélestat, a pour nom Union européenne,  capitalisme et impérialisme.

« Je crois que si on posait la question clairement aux Corses, la réponse serait non à l’autonomie ». Entretien avec Paul-Marie Bartoli, maire de Propriano.

par Guy-Alexandre Le Roux CONFLITS 25.7.2025

Un processus d’autonomie de la Corse s’intensifie. Depuis 1982, l’île est déjà administrée selon le statut spécial de la collectivité territoriale de Corse, dont les compétences ont été progressivement renforcées. Par un accord signé le 4 mars 2025, le gouvernement pourrait lui reconnaître un « pouvoir normatif délégué ». Autrement dit, un pouvoir législatif. Une ligne rouge inacceptable pour certains, comme Paul-Marie Bartoli, maire de Propriano. Le conseil d’Etat a également critiqué cet accord dans une observation, mais le gouvernement a pour l’instant choisi de l’écarter.

Paul-Marie Bartoli est maire de Propriano depuis 2001, il a été président de l’Office des Transports de Corse entre 2010 et 2015. Élu de la gauche républicaine, il s’oppose fermement à l’autonomie de la Corse.

D’où vient la proposition d’autonomie de la Corse ?

La proposition d’autonomie est venue dans le cadre d’une insurrection suite à la mort tragique de M. Yvan Colonna en mars 2022, alors qu’il était en détention à la prison d’Arles. Je prends le pari que l’on n’aurait jamais réussi à faire descendre dans la rue des jeunes de 14-15 ans si M. Colonna avait été assassiné par un co-détenu corse. Il n’y aurait eu aucune manifestation. Ce qui a provoqué cette réaction, c’est que l’assassin présumé est un islamiste radical. Ceux qui ont poussé la jeunesse dans la rue ont dit que c’était l’Etat français qui avait tué M. Yvan Colonna, et cela a fédéré une partie de l’opinion publique corse.

Est-ce que le gouvernement, vraiment, face à cette insurrection d’une partie de la jeunesse insulaire, aurait dû répondre une énième fois par une proposition d’évolution institutionnelle ? Je ne crois pas. Je pense que ça a été une erreur. J’avais dit à M. Gérald Darmanin, quand il est venu me voir, que je ne lui mettrai pas de bâtons dans les roues ! Et j’avais ajouté que je ne ferai rien pour empêcher la discussion, non pas parce que je n’ai pas envie de me battre, mais parce que je pensais que cela pouvait servir à toiletter le statut qui est le nôtre, déjà particulier et très avancé. Il mérite d’être amélioré pour corriger ce qui ne permet pas de fonctionner de manière optimale.

Mais ce qui est proposé, ce que le gouvernement, le président de la République et les nationalistes appellent « écritures constitutionnelles », participe au démantèlement de la nation. Et on veut nous faire croire que le processus – que les journalistes ont appelé le processus de Beauvau – a pris du retard à cause de la dissolution. Ce n’est pas vrai. Il est en difficulté depuis la tribune du printemps 2024 des constitutionnalistes de tout premier plan qui se sont positionnés contre le processus au motif qu’il mettait en danger l’unité de la République.

Quelle est la position du Conseil d’État dans ce dossier ?

Sans surprise, il a des réserves très importantes. Ce sont même plus des réserves : le Conseil d’État dit clairement que l’on ne peut pas accorder le pouvoir législatif à la Corse. Le processus prévoit un « pouvoir normatif » pour que les gens ne comprennent pas, mais c’est en réalité un pouvoir législatif.

Le gouvernement peut s’affranchir de cet avis, et il s’apprête à le faire. Ce serait une faute politique gravissime. Pourquoi ? Parce que si le texte voté par l’Assemblée de Corse le 5 juillet 2023 repris par le comité de pilotage présidé par le Ministre de l’Intérieur était validé par le gouvernement et présenté in extenso au Parlement, il y a fort peu de chance qu’il soit adopté. Il n’y aurait pas de majorité des trois cinquièmes au Congrès, même s’il était adopté par l’Assemblée Nationale car au Sénat, ça ne passera pas.

Et voilà pourquoi je dis que c’est une faute politique. Parce que le Président de la République et une partie du gouvernement diront : « ce n’est pas de notre faute, c’est la faute de la majorité sénatoriale ». Tenir un tel discours serait gravissime. Dire aux nationalistes : on a tout fait, mais les « jacobins » ont fait capoter le processus. C’est très dangereux. Cela pourrait engendrer un regain de violence.

À vos yeux, quel cadre constitutionnel pourrait être acceptable pour la Corse ?

Le gouvernement aurait été bien inspiré de s’appuyer sur l’avis du Conseil d’État pour ramener le texte à quelque chose de beaucoup plus raisonnable. Notamment pour que la Corse ne sorte pas de l’article 72 de la Constitution. Peut-on aller vers un article 72-5 ? Je suis convaincu que c’est possible, à condition que l’exposé des motifs soit très clair. Il faut écrire, et ne pas avoir peur de l’écrire, que c’est pour mieux ancrer la Corse dans la République et rendre les politiques publiques plus efficientes.

La loi organique viendra ensuite. Il faudra beaucoup de temps. Elle permettra de gommer les défauts de notre statut actuel. Mais pour moi l’enjeu, c’est ça. Hélas le gouvernement et la majorité de l’Assemblée de Corse ont préféré les symboles alors que les symboles ne résolvent pas les problèmes.

Vous parlez souvent d’un matraquage autour de l’autonomie. Pouvez-vous préciser ?

On s’est éloignés considérablement du pragmatisme au cours de ces trois ans de discussion. À tout bout de champ, il y a un matraquage médiatique sur l’opinion publique insulaire pour dire : « autonomie, autonomie, autonomie ». Le général de Gaulle disait : « ils sautent sur leur chaise comme des cabris pour scander : l’Europe ! l’Europe ! ». Eh bien moi, je dis : « ils sautent sur leur chaise comme des cabris pour crier : autonomie ! autonomie ! autonomie ! ».

Nous assistons à une véritable mise en condition de l’opinion publique.

Nous avons déjà un statut qui nous donne des pouvoirs que des régions autonomes n’ont pas. Mais nous n’exerçons même pas les compétences que nous avons. Je vais vous dire très sincèrement : ce qu’il faut, c’est se pencher de manière pragmatique sur l’exercice des compétences actuelles et sur tout ce qui ne fonctionne pas.

C’est-à-dire ?

Il y aurait beaucoup à dire. En tant qu’élu depuis plus de vingt-huit ans, je connais les problèmes qui nous assaillent et qui nuisent gravement au développement du territoire insulaire. Je vais vous donner trois exemples.

Il y a la question fondamentale des déchets. Nous sommes les seuls à avoir refusé un incinérateur, aujourd’hui on enfouit les poubelles jusqu’à saturation. Et pourtant, la compétence en la matière est déjà dévolue à la Collectivité de Corse. Qu’a-t-on fait ? Rien. Et ça fait dix ans qu’on attend une solution.

On refuse aussi de se pencher réellement sur le problème des transports. On préfère poursuivre dans une économie dirigée. La Collectivité de Corse veut moins de tourisme. Les tarifs explosent, les Corses se plaignent des prix, mais ce n’est pas la faute de l’État français si le prix des billets de Corsica Línea et d’Air Corsica explosent ! Ce sont nos choix, nos responsabilités.

Je vais vous surprendre : je suis indépendantiste, mais pour l’indépendance énergétique. Je suis autonomiste, mais pour l’autonomie alimentaire.

Et enfin, la question de l’eau. Vu le réchauffement climatique, préserver la ressource en eau est capital. Il faut des retenues, des infrastructures. C’est une priorité absolue. L’eau, ce sera le combat du XXIe siècle. Et nous, on est à la traîne.

Je vais vous surprendre : je suis indépendantiste, mais pour l’indépendance énergétique. Je suis autonomiste, mais pour l’autonomie alimentaire. Pourquoi importer du fourrage si on peut le produire ici ? Pourquoi importer des fruits et légumes si on peut les cultiver ? Produire ici, c’est aussi régler une partie des problèmes de fret. Il faut développer une vraie politique agricole, adapter nos outils à nos réalités insulaires.

Vous voyez, ce sont là les vraies urgences. Ce n’est pas l’institutionnel qui changera la vie des Corses. Ce sont des politiques publiques efficaces, réalistes, appliquées sérieusement. Le reste, c’est du théâtre politique.

Que pensent les Corses de l’autonomie ?

En Corse, personne, j’ai bien dit personne, ne vous parlera sérieusement d’autonomie. On vous parle de tas d’autres sujets, mais en tout cas, certainement pas d’autonomie, y compris parmi l’électorat nationaliste.

Moi je crois que si on posait la question clairement aux Corses, la réponse serait non à l’autonomie. Et les porteurs de ce projet risqué le savent. C’est pour ça qu’ils ne veulent pas consulter le peuple.

Il faut consulter les Corses. Pas comme cela a été prévu – une fois que la loi constitutionnelle serait approuvée. Il fallait consulter en amont. Et pourquoi ils ne le font pas ? Parce que la Corse s’est déjà exprimée. Et quatre fois. L’un des thèmes du programme du Rassemblement National est l’unité de la République et le refus de l’autonomie. Au premier et second tour de la présidentielle 2022, Mme Le Pen est arrivée largement en tête en Corse, sauf à Propriano parce que j’ai préféré soutenir M. Macron. Ensuite, les législatives, où là encore le RN a réalisé de gros scores. Puis les européennes de 2024 : M. Bardella a fait des scores supérieurs à ceux du continent. Et enfin, après la dissolution, aux législatives anticipées, les candidats RN ont été présents au second tour dans trois circonscriptions et auraient pu se maintenir dans les quatre, et parfois ils ont viré en tête au premier tour.

Comment analyser ces résultats du RN plus importants en Corse que sur le Continent ? les Corses refusent l’autonomie. Et ce n’est pas les nouveaux arrivants qui votent RN, ce sont des Corses. Les résultats dans les petites communes ou il n’y a pas de nouveaux arrivants le prouvent.

Et puis surtout, comment peut-on envisager une telle réforme sans consulter ceux qui en seraient les premiers concernés ? Et pas seulement en Corse ! Ce n’est pas une affaire insulaire. On touche à l’organisation de la République. Une telle réforme devrait être soumise à référendum national. La Corse n’est ni la Nouvelle-Calédonie, ni la Polynésie Française, par son histoire, par son lien indéfectible avec la France et par le fait qu’elle se situe dans l’union européenne.

Moi je crois que si on posait la question clairement aux Corses, la réponse serait non à l’autonomie. Et les porteurs de ce projet risqué le savent. C’est pour ça qu’ils ne veulent pas consulter le peuple.


Pour la majorité des corses, l’autonomie n’améliorerait pas leur quotidien

Qui veut l’indépendance de l’île? Un sondage par l’IFOP montre que la perspective d’une indépendance de la Corse est majoritairement rejetée par l’opinion publique (60%) même si le nombre de partisans de l’indépendance a doublé en trente ans (35% en 2022 contre 18% en 1989). Surprise? Ces chiffres sont bien plus défavorables en Corse. Une autre enquête de l’IFOP, en 2008, avait montré que les insulaires interrogés sont 89% à rejeter l’indépendance, alors que la moitié affirmait soutenir la mouvance nationaliste.

Selon un sondage Paroles de Corse – Opinion of corisca – C2C, 81% des sondés sur l’ile veulent une consultation populaire avant totue réforme constitutionnelle. 60% d’entre eux estime ne pas avoir été suffisamment associée à l’évolution institutionnelle. Selon un autre sondage d’opinion du même institut (en 2022) ils sont 76% à penser que les discussions avec Paris n’aboutiront pas à une évolution. Des discussions qui apparaissent éloignées de leurs préoccupations pour 81% des personnes interrogées. Elles sont d’ailleurs une majorité (55%) à considérer qu’un nouveau statut, y compris d’autonomie, n’améliorera pas leur quotidien. Seuls les sympathisants nationalistes à 66% sont convaincus du lien positif entre mieux-vivre et réforme institutionnelle. Dans un sondage plus ancien (2024), ils étaient 80% à se prononcer contre l’indépendance. Un rejet massif (de plus des deux tiers) partagés d’ailleurs par les continentaux.

Sondage-Le-point-Regions-et-CorseTélécharger

L’éclairage juridique du Conseil d’Etat sur le projet de loi : une remise en cause de la souveraineté populaire et de l’égalité des citoyens devant la loi

Présentation générale

1. Le Conseil d’Etat a été saisi le 30 mai 2025 d’un projet de loi constitutionnelle pour une Corse autonome au sein de la République.

2. Ce projet de loi constitutionnelle comprend un unique article qui crée, après l’article 72‑4 de la Constitution, un nouvel article 72‑5 ainsi rédigé : « La Corse est dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République, qui tient compte de ses intérêts propres, liés à son insularité méditerranéenne et à sa communauté historique, linguistique, culturelle, ayant développé un lien singulier à sa terre.

« Les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations justifiées par les spécificités de ce statut. La Collectivité de Corse peut être habilitée à décider de l’adaptation de ces normes dans les matières, les conditions et sous les réserves prévues par la loi organique.

« La Collectivité de Corse peut également être habilitée à fixer les normes dans les matières où s’exercent ses compétences, dans les conditions et sous les réserves prévues par la loi organique.

« La loi organique détermine également le contrôle exercé par le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel sur les normes prises en application des deux précédents alinéas, en fonction de leur nature, ainsi que leurs modalités d’évaluation. Les habilitations prévues par la loi organique aux deux précédents alinéas ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.

« Le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui ne relèvent pas de la compétence de la Collectivité de Corse, adapter les dispositions de nature législative en vigueur aux spécificités de la collectivité, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis de l’assemblée délibérante et du Conseil d’Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l’absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication.

« Les électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse peuvent être consultés sur le projet de statut, après avis de l’assemblée délibérante, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’Etat délibéré en conseil des ministres. » 

3. Le Conseil d’Etat relève que les dispositions qui lui sont soumises sont le résultat d’un long travail de concertation, entamé en 2022 entre le Gouvernement et une délégation d’élus de Corse et qu’elles ont été votées à l’unanimité moins une voix par l’assemblée de Corse. Il s’attache à ce que son avis contribue, de manière neutre et objective, à éclairer le Gouvernement.

Office du Conseil d’Etat en matière d’examen de projets de loi constitutionnelle

4. S’agissant de son office lors de l’examen d’un projet de loi constitutionnelle, le Conseil d’Etat renvoie aux points 3 à 9 de son avis du 3 mai 2018 (Assemblée générale, n° 394658, projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace). Il rappelle qu’il s’assure notamment que le projet qui lui est soumis ne place pas la France en contradiction avec ses engagements internationaux, notamment européens, afin d’attirer, le cas échéant, l’attention du Gouvernement sur les difficultés que cela pourrait entrainer.

Il veille également à ce que les dispositions proposées s’inscrivent dans les grands principes qui fondent notre République, énoncés particulièrement au Préambule, lequel renvoie notamment à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, et aux trois premiers articles de la Constitution.

Il lui appartient aussi de signaler qu’une disposition contreviendrait à l’esprit des institutions, porterait atteinte à leur équilibre ou méconnaîtrait une tradition républicaine constante.

Il lui appartient enfin de vérifier la cohérence interne des mesures envisagées, ainsi que leur articulation avec les dispositions existantes et leurs incidences sur le fonctionnement des institutions et des services publics.

Capacités d’adaptation normative ouvertes à la collectivité de Corse et demandes d’évolution

5. La collectivité de Corse, en l’état actuel de son statut particulier régi par l’article 72 de la Constitution et les dispositions des articles L. 4421‑1 à L. 4426‑1 du code général des collectivités territoriales, exerce de plein droit toutes les compétences que les lois et règlements attribuent aux départements et aux régions. Collectivité à statut particulier, elle dispose, en outre, de compétences spécifiques.

La collectivité de Corse peut demander à bénéficier des voies d’adaptation du droit commun ouvertes à l’ensemble des collectivités territoriales. Elle peut également être habilitée par le législateur à fixer, pour la mise en œuvre des compétences qui lui sont dévolues, des règles adaptées aux spécificités de l’île. Elle dispose, en outre, d’un pouvoir de proposition qui lui est expressément reconnu afin d’obtenir selon les cas du législateur ou du pouvoir réglementaire qu’il modifie ou adapte certaines dispositions (article L. 4422‑16 du code général des collectivités territoriales). Elle a tenté d’user de cette faculté à plusieurs reprises sans que les pouvoirs publics y donnent systématiquement suite. Elle bénéficie néanmoins d’adaptations établies par les pouvoirs législatif et réglementaire, parfois nombreuses comme en matière fiscale.

6. Afin de répondre à une demande de différenciation accrue que le dispositif actuel ne permet pas, le Gouvernement entend, à l’issue de discussions conduites pendant près de deux ans, doter la collectivité de Corse d’une autonomie normative allant au‑delà des capacités d’adaptation qui lui sont aujourd’hui ouvertes. Le Conseil d’Etat relève qu’à la différence des deux projets de loi constitutionnelle soumis à son examen en 2018 (Assemblée générale, 3 mai 2018, n° 394658, projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace) et 2019 (Assemblée générale, 20 juin 2019, n° 397908, projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique) qui consacraient, au sein de la Constitution, l’existence de cette collectivité à statut particulier en lui accordant des capacités d’adaptation des normes, le présent projet de loi constitutionnelle entend désormais accorder « un statut d’autonomie dans la République à la Corse » selon les termes de l’exposé des motifs.

Reconnaissance d’un « statut d’autonomie » dans le champ de l’article 72

7. Le projet de loi constitutionnelle propose ainsi de créer un nouvel article 72‑5 relatif à la collectivité de Corse et de lui octroyer dans le cadre de l’article 72, un « statut d’autonomie ». Le Conseil d’Etat relève que le choix du Gouvernement d’insérer ces dispositions à cet endroit de la Constitution traduit sa volonté d’accorder une autonomie à la collectivité de Corse, tout en marquant la différence entre le régime envisagé pour cette collectivité et ceux des collectivités ultra‑marines régies par les articles 73 et 74 et par le titre XIII s’agissant de la Nouvelle‑Calédonie. Les collectivités dotées de l’autonomie régies par l’article 74, en raison de multiples facteurs tenant à la géographie et à l’histoire, ont un statut régi par une loi organique et bénéficient de transferts de compétences, qu’elles exercent le plus souvent en n’étant pas soumises au droit de l’Union européenne. La collectivité de Corse, dans le projet de loi constitutionnelle, demeure une collectivité décentralisée de métropole dont le statut est régi par la loi et entièrement soumise au droit européen.

Le Conseil d’Etat souligne le caractère inédit d’une telle proposition, s’agissant tant de l’octroi même d’un statut d’autonomie à une collectivité territoriale tout en la maintenant dans le cadre des collectivités relevant de l’article 72 que des modalités particulières de cette autonomie, pour partie analogues par leur mécanisme mais non quant à leur champ d’application aux mécanismes des articles 73 et 74 de la Constitution, et pour partie originales.

8. Le Conseil d’Etat estime que la consécration de cette autonomie ne heurte aucun des grands principes qui fondent la République, ne contrevient pas à l’esprit des institutions ni ne méconnaît une tradition républicaine constante, et ne pose pas, dans son principe, de problème de cohérence au regard d’autres dispositions de valeur constitutionnelle.

9. Il estime également que la reconnaissance d’un « statut d’autonomie » à la collectivité de Corse, par elle-même, ne place la France en contradiction avec aucun de ses engagements internationaux et notamment européens, dès lors qu’ainsi que le juge la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), il résulte de l’article 4 paragraphe 2 du traité sur l’Union européenne (TUE) que l’autonomie locale et régionale, en tant que structure fondamentale des Etats membres inhérente à leur identité nationale, que l’Union est tenue de respecter, ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union (CJUE, 21 décembre 2016, Remondis, aff. C‑51/15, point 40).

10. Le Conseil d’Etat souligne cependant que le constituant a instauré, aux articles 72 à 74 de la Constitution, puis, au‑delà, au sein du titre XIII, une gradation dans le degré d’autonomie dont une collectivité de la République peut se prévaloir. L’article 72 fixe les règles de droit commun applicables à toutes les collectivités, et prévoit des adaptations (jusqu’ici limitées par le législateur aux structures et à la répartition des compétences) pour les collectivités à statut particulier ; l’article 73 offre, pour les collectivités qui en relèvent, des possibilités d’adaptation de certaines normes tout en affirmant le principe de l’identité législative ; l’article 74 reconnaît un statut d’autonomie et des compétences propres transférées à certaines collectivités ; enfin un statut propre à la Nouvelle‑Calédonie est consacré par un titre distinct.

Le Conseil d’Etat constate ainsi que, demeurant une collectivité territoriale à statut particulier au sens de l’article 72, la collectivité de Corse bénéficierait d’une situation originale, par la possibilité que lui reconnaitrait le législateur, sur ce fondement, d’exercer des compétences normatives dans les domaines où il l’y autoriserait, sans référence aux compétences qu’elle détient. Le Conseil d’Etat estime que ce choix ne porte pas atteinte à la cohérence des dispositions constitutionnelles.

11. Il rappelle cependant que la collectivité de Corse n’étant ni une région ultrapériphérique au sens de l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ni un pays ou territoire d’outre-mer relevant de la quatrième partie de ce Traité, l’autonomie que le projet de loi constitutionnelle tend à lui reconnaître doit, dès lors que le projet n’entend pas s’en écarter, s’inscrire dans le cadre juridique fixé par le droit de l’Union européenne. Ainsi, les adaptations normatives dont cette collectivité pourrait bénéficier ainsi que les actes qu’elle serait habilitée à édicter devront respecter l’intégralité de ce droit, primaire et dérivé.

12. Le Conseil d’Etat considère, au bénéfice de ces observations, que l’emplacement choisi pour ces dispositions au sein d’un article 72‑5 placé dans le titre XII de la Constitution est approprié à leur contenu, ne méconnaît pas la cohérence des dispositions constitutionnelles et notamment celles du titre XII et est conforme à l’intention du Gouvernement rappelée au point 7.

Etablissement d’un « statut d’autonomie »

« Statut d’autonomie »

13.  En premier lieu, si les dispositions examinées mentionnent un « statut d’autonomie » pour la Corse, il ne vise pas, comme indiqué au point 7, à doter la collectivité de Corse d’un nouveau statut défini par une loi organique, à l’instar du statut des collectivités autonomes régies par l’article 74 de la Constitution, mais à donner à cette collectivité, dans le cadre de la décentralisation et de son statut actuel, un pouvoir normatif dont les modalités d’attribution et d’exercice seront définies par la loi organique, pour édicter des actes de niveau législatif ou réglementaire dans un certain nombre de matières. La caractéristique principale de cette autonomie consiste donc en un régime permettant à la collectivité, régie par son statut législatif de collectivité à statut particulier, d’intervenir par ses délibérations dans les domaines de la loi et du règlement relevant normalement du Parlement ou du Gouvernement.

14. Le Conseil d’Etat prend acte du choix du Gouvernement de prévoir l’intervention d’une loi organique pour doter la collectivité de Corse d’un tel pouvoir normatif dès lors qu’il lui permettra de prendre des actes relevant du domaine de la loi. C’est en effet le choix fait par le constituant chaque fois qu’il entend aménager les conditions d’exercice du pouvoir législatif, (à l’article 34 par exemple) ou autoriser des collectivités à intervenir dans son domaine (à l’article 74). Le Conseil d’Etat estime que le fait que le statut de la collectivité demeure régi par la loi ordinaire ne méconnait pas, pour autant, la logique constitutionnelle.

Il constate cependant que de ce fait, en se limitant à préciser la portée des pouvoirs normatifs reconnus à la collectivité de Corse et les modalités de leur exercice, la loi organique, sans modifier le statut, fixera un régime d’autonomie et suggère de modifier le projet de loi constitutionnelle afin de remplacer les termes « statut d’autonomie » par ceux de « régime d’autonomie ».

Intérêts propres de la Collectivité de Corse

15. En deuxième lieu, le projet de loi constitutionnelle assoit ce régime d’autonomie sur l’existence d’« intérêts propres », liés à « l’insularité méditerranéenne » de la Corse et à l’existence « d’une communauté historique, linguistique et culturelle », ayant développé un lien singulier à « sa terre ».

Dès lors que le régime d’autonomie envisagé consiste dans une compétence normative dérogatoire habilitant la collectivité de Corse à intervenir dans les domaines de la loi et du règlement pour adopter des dispositions différentes de celles en vigueur sur le territoire métropolitain, les dispositions ainsi adoptées devront être justifiées par les spécificités de la situation de la Corse.

En inscrivant ces spécificités dans la Constitution, dans leur principe et dans certaines de leurs dimensions, le projet de loi constitutionnelle entend ancrer dans la norme suprême la reconnaissance de ces intérêts, et instaurer ainsi une présomption de différence de situation justifiant, sous le contrôle du juge, la particularité de la norme locale et légitimant par avance l’existence de règles dérogatoires. La démarche est sur ce point analogue dans son mécanisme à celle mise en œuvre par l’article 74, reconnaissant par principe l’existence d’intérêts propres, sans toutefois illustrer ceux‑ci en en énumérant certains, et la possibilité de prendre des mesures spécifiques aux populations concernées.

Le Conseil d’Etat note qu’en l’absence de cette inscription, le juge serait naturellement conduit à rechercher si des spécificités permettent de justifier, au regard du principe d’égalité devant la loi, la différence de traitement qui résulterait de l’adoption de dispositions propres à la Corse. Toutefois, en les inscrivant dans la Constitution, le projet de loi constitutionnelle, au‑delà de la valeur symbolique de l’affirmation, permet de reconnaître a priori un fondement aux intérêts propres de la collectivité de Corse et garantit que les spécificités énoncées seront prises en considération par le juge.

16.  Le Conseil d’Etat estime certaines modifications nécessaires pour éviter toute incohérence avec d’autres dispositions constitutionnelles.

17. En premier lieu, le Conseil d’Etat estime que la référence aux intérêts propres, qui n’est pas utilisée dans le même sens qu’à l’article 74 de la Constitution, peut s’appliquer dans le cadre de l’article 72. Ces intérêts propres devront toutefois, comme pour les autres collectivités, s’insérer dans l’ensemble des intérêts de la République (Cons. const., décision n° 87‑241 DC du 19 janvier 1988, Loi portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie, cons. 6) et il appartiendra au juge saisi d’actes de cette collectivité ou de dispositions ouvrant des adaptations pour cette collectivité d’apprécier, d’une part, ce que sont les intérêts propres de cette collectivité et, d’autre part, les dérogations à différents principes et valeurs constitutionnels qu’ils peuvent justifier.

18. En deuxième lieu, la référence à « l’insularité méditerranéenne », qui renvoie à une caractéristique géographique de la collectivité de Corse, ne présente pas de problème de cohérence avec d’autres dispositions constitutionnelles, pas plus qu’elle ne serait contraire à un des grands principes qui fondent la République ou aux engagements internationaux de la France.

Il estime toutefois que cette expression pourrait, au regard de l’objectif poursuivi et des besoins exprimés par la collectivité en matière d’adaptation du droit à son territoire, être utilement complétée par une référence à son relief montagneux, déjà reconnu par le législateur, en dernier lieu dans la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, afin de caractériser cette collectivité. Il propose de modifier le texte du projet de loi constitutionnelle en ce sens.

19. S’agissant de la reconnaissance de l’existence d’une « communauté » en Corse, le Conseil d’Etat relève que ce terme ne figure pas dans le bloc de constitutionnalité. La communauté ne fait l’objet d’aucune définition en droit positif et se définit couramment comme un ensemble de personnes vivant en collectivité ou formant une association d’ordre politique, économique ou culturel (voir notamment la définition du Centre national de ressources textuelles et lexicales). Les qualificatifs envisagés dans les dispositions examinées, relatives à l’histoire, à la langue, à la culture et au lien possessif à « sa » terre caractérisent donc d’abord les personnes qui constituent cette communauté et, indirectement, la communauté en ce que ces caractéristiques seraient communes à l’ensemble de ses membres. Ne pourraient par suite appartenir à cette communauté les citoyens français, ou les ressortissants de l’Union européenne ne pouvant se prévaloir des caractéristiques qui la fondent, qu’ils résident en Corse ou non.

Le Conseil d’Etat estime que la reconnaissance de l’existence d’un ensemble de personnes ainsi défini ne peut trouver à s’insérer dans les grands principes universalistes qui fondent la République, tout particulièrement le principe d’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction d’origine, de race ou de religion énoncé à l’article 1er de la Constitution, comme l’indivisibilité de la République et l’unicité du peuple français ou la définition de la souveraineté que donne son article 3. L’incohérence qu’introduiraient ces disposions demanderait d’apprécier la manière de les articuler avec les articles 1er et 3 de la Constitution.

Il estime aussi que ces dispositions seraient de nature à placer la France en contradiction avec ses engagements européens, notamment au regard des stipulations du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui interdit à son article 18 toute discrimination en raison de la nationalité dans le domaine d’application des traités.

20.  Au regard des objectifs poursuivis, le Conseil d’Etat propose de mentionner les « caractéristiques » historiques, linguistiques et culturelles, distinctes de celles mentionnées à l’article 73 de la Constitution, et de compléter cette énumération par celle des caractéristiques « sociales » que retenait le projet de loi constitutionnelle examiné en 2018 (Assemblée générale, 3 mai 2018, n° 394658 précité).

Il estime cependant que ces caractéristiques ne peuvent, par nature, qualifier l’entité administrative qu’est la collectivité de Corse. Dès lors qu’elles ne sont pas plus celles d’une communauté, comme dans le projet du Gouvernement, elles peuvent être énoncées, en s’inspirant de la rédaction des articles 73 et 74, comme celles des habitants du ressort de cette collectivité, définis comme l’ensemble des personnes résidant en Corse. Une telle référence ne placerait pas non plus la France en contradiction avec ses engagements internationaux, et notamment européens, dès lors que la qualité d’habitant est appréciée selon un critère de résidence et sans critère de nationalité.

Le Conseil d’Etat estime en revanche qu’il n’est pas possible de maintenir la référence au « lien singulier à sa terre » à laquelle il ne peut donner un sens précis, qu’elle soit rattachée à la collectivité de Corse ou à sa population.

21. A la lumière de l’ensemble de ces considérations, le Conseil d’Etat propose de remplacer les dispositions du premier alinéa du projet d’article 72-5 de la Constitution par les dispositions suivantes : « La Corse est une collectivité à statut particulier dotée au sein de la République d’un régime d’autonomie qui tient compte de ses intérêts propres, liés à son insularité méditerranéenne, à son relief montagneux et aux caractéristiques historiques, linguistiques, culturelles et sociales de ses habitants. »

22. Le Conseil d’Etat estime également nécessaire de lever les ambiguïtés quant à la portée que le Gouvernement et la délégation d’élus de Corse ayant participé aux discussions mentionnées au point 6 entendent donner à ces qualificatifs.

L’intention du Gouvernement, telle qu’elle ressort de l’exposé des motifs, n’est pas d’ouvrir la voie à des dérogations à la souveraineté nationale, au fait que la langue de la République est le français ni à l’indivisibilité du peuple français.

Il ressort en revanche de la « déclaration politique solennelle des élus de la délégation de la Corse » du 23 février 2024 que, selon eux, la mention de cette communauté ainsi définie permet ensuite « la déclinaison de mesures spécifiques (…), y compris concernant les politiques spécifiques relatives au statut de la langue, au statut de résident et à la fiscalité anti-spéculative, ou encore au statut d’île-montagne de la Corse ». S’agissant de la langue, ce statut doit garantir « sur le territoire administré par la collectivité autonome, que les deux langues, le corse et le français, puissent être utilisées comme langues d’usage par les citoyens et citoyennes dans toutes leurs activités ».

23.  Le Conseil d’Etat précise d’abord que les dispositions du projet de loi constitutionnelle examiné ne sauraient avoir pour objet ou pour effet, ce que d’ailleurs l’exposé des motifs ne prévoit nullement, de reconnaître la co‑officialité de la langue corse ouvrant la voie, notamment, à son enseignement obligatoire et à son usage obligatoire dans les services publics, sans présenter un problème de cohérence avec le premier aliéna de l’article 2 de la Constitution (« La langue de la République est le français ») qui ne pourrait être levé qu’en abrogeant cet alinéa ou en le complétant par une disposition reconnaissant une place aux langues régionales, dans leur ensemble, à côté de la langue française et de nature à bénéficier à l’ensemble des citoyens français. Or le Gouvernement n’entend pas procéder à cette modification.

24. Le Conseil d’Etat précise également que si ces dispositions avaient pour objet ou pour effet de permettre la création d’un « statut de résident », ce qui ne résulte toutefois pas l’intention du Gouvernement telle qu’elle est exprimée dans l’exposé des motifs, conditionnant l’accès à la propriété en Corse à une durée minimale de résidence dans l’île, elles ouvriraient la voie à de potentielles atteintes au droit de propriété protégé par l’article 17 de la Déclaration de 1789 et au principe d’égalité. Si une telle atteinte est admise pour les collectivités dotées de l’autonomie régie par l’article 74 de la Constitution, le Conseil d’Etat relève toutefois qu’une dérogation à ces principes est expressément prévue dans la Constitution. Il souligne également que ces atteintes ne sont possibles que dans la stricte mesure de ce qui est nécessaire à la mise en œuvre du principe d’autonomie (CE, 9 novembre 2022, Haut‑commissaire de la République en Polynésie française, n° 464367).

En outre, il considère que la création d’un tel statut serait susceptible, sous réserve des précisions qu’apporterait un projet détaillé, de méconnaitre en partie au moins le droit de l’Union européenne, ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne saisie d’une législation flamande qui prévoyait une telle conditionnalité (CJUE, 8 mai 2013, aff. C‑197/11 et C‑203/11).

Possibilités d’adaptation des lois et règlements et de fixation de normes offertes à la collectivité de Corse

25. Le Gouvernement entend, d’une part, faciliter l’adaptation des normes à la Corse, tant par le législateur que par voie d’ordonnances, d’autre part, accorder à la collectivité de Corse une autonomie normative se traduisant par la possibilité, en partie analogue à celle de l’article 74, de l’habiliter, dans des conditions déterminées par une loi organique, à fixer les normes dans des domaines relevant de sa compétence et celle, inédite, également selon des modalités fixées par une loi organique, à adapter des normes législatives ou règlementaires existantes, qu’elles interviennent ou non dans une matière dans laquelle elle exerce des compétences.

Adaptation du droit national par les lois et règlements

26. En premier lieu, les dispositions examinées ouvrent la possibilité pour les lois et règlements de faire l’objet d’adaptations, justifiées par les spécificités du statut de la Corse. Le Conseil d’Etat estime, pour les raisons indiquées au point 15 que les adaptations en cause doivent être justifiées par les spécificités de la collectivité de Corse, plutôt que par son statut, et propose de modifier le projet de loi constitutionnelle en ce sens. Cette rédaction, comparable à celle de l’article 73, n’appelle pas d’autre remarque de la part du Conseil d’Etat.

Adaptation par le Gouvernement, par voie d’ordonnance, de dispositions législatives en vigueur

27. En deuxième lieu, les dispositions examinées proposent d’autoriser le Gouvernement à adapter, par ordonnances, les dispositions de nature législative en vigueur aux spécificités de la collectivité de Corse, dans les matières ne relevant pas de la compétence de cette collectivité.

Bien qu’en apparence proches des dispositions de l’article 74‑1 de la Constitution, ces dispositions répondent toutefois à une logique différente. Alors que l’article 74‑1 permet d’étendre, avec des adaptations, des mesures de nature législative aux collectivités répondant au principe de spécialité législative, les dispositions ici examinées visent à permettre au Gouvernement d’adapter des normes, c’est-à-dire non pas de les rendre applicables, mais de modifier, pour leur application en Corse, le contenu de normes jusque-là applicables dans les mêmes conditions que sur le reste du territoire métropolitain. Ces adaptations ont également vocation à répondre aux « spécificités de la Corse » et non, comme à l’article 74‑1 à « l’organisation particulière de la collectivité concernée ».

Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions ne soulèvent pas de difficultés au regard de la grille d’analyse rappelée au point 4. Dès lors qu’elles concernent une compétence de l’Etat, le Conseil d’Etat propose de les introduire après celles concernant le législateur, les alinéas suivants étant consacrés à la compétence normative de la collectivité de Corse.

Il relève seulement que la possibilité pour le Gouvernement d’adapter ainsi des dispositions « de nature législative » doit s’entendre comme incluant également les dispositions qui ne seraient que de forme législative.

Octroi d’un pouvoir normatif dans le domaine de la loi et du règlement à la collectivité de Corse

28. En troisième lieu, d’une part, les dispositions examinées permettent au législateur organique d’habiliter la collectivité de Corse à adapter les lois et règlements, qu’il s’agisse ou non de matières dans lesquelles elle exerce la compétence qui lui est reconnue au titre de la décentralisation par le législateur.

D’autre part, ces dispositions prévoient que la collectivité de Corse peut être habilitée par la loi organique « à fixer les normes dans les matières où s’exercent ses compétences ». La loi organique pourrait donc, au sein de ces matières déterminées par la loi ordinaire, identifier celles pour lesquelles la collectivité de Corse exerce l’ensemble de la compétence normative.

Le Conseil d’Etat observe que la rédaction retenue par le projet vise à permettre une intervention de l’organe délibérant de la collectivité dans le domaine législatif, disposition qui dans son principe n’appelle pas d’observation Toutefois, telle que formulée, cette disposition permet cette intervention tant dans les domaines où la collectivité exerce une compétence décentralisée que dans tout autre domaine. Ce faisant, elle rendrait possible non seulement ce sur quoi les parties aux discussions préalables se sont mises d’accord, une délégation constitutionnelle du pouvoir législatif ou réglementaire national, dans des conditions à préciser par le législateur organique, mais aussi, potentiellement, un transfert complet de compétence dans n’importe quel domaine. En effet, la Corse, collectivité territoriale bénéficiant de la décentralisation régie par les dispositions de l’article 72 de la Constitution, ne dispose d’aucune compétence entièrement transférée comme en disposent les collectivités régies par l’article 74, comme la Polynésie française. Dans un domaine décentralisé mais non transféré, une collectivité n’est autonome que dans la mesure des pouvoirs administratifs décentralisés qui lui sont reconnus, tout le cadre normatif de l’exercice de ce pouvoir est réservé à l’Etat. Dans les domaines non décentralisés, la collectivité n’exerce aucun pouvoir normatif.

Dès lors, reconnaître, tant dans le domaine des compétences décentralisées que dans les autres, un droit d’intervenir par délibération dans les domaines législatifs et réglementaires dévolus aux autorités nationales n’est plus le complément d’un transfert de compétences pour parfaire les conditions de leur exercice mais opère, de facto, un transfert de compétences sans limites qui n’existe pour aucune collectivité quel que soit son régime.

Le Conseil d’Etat constate tout d’abord qu’il ne résulte pas des travaux menés devant lui que les intentions du Gouvernement aient une portée aussi radicale. Il souligne ensuite que de telles dispositions prêteraient le flanc à de nombreuses critiques pratiques : la différence entre adaptation et fixation de règles apparaît ténue, et la concurrence permanente entre pouvoirs, le Parlement gardant le droit à tout instant d’intervenir sur une matière dans laquelle la collectivité le pourrait aussi, tout comme le Gouvernement par la voie réglementaire, pourrait aboutir à des désordres considérables dans l’état du droit. Enfin, il note qu’il n’a jamais été de l’intention des parties et des auteurs du texte soumis à l’examen du Conseil d’Etat de permettre à la collectivité d’intervenir dans des domaines régaliens comme la défense, l’état des personnes ou l’organisation juridictionnelle – alors même que le texte, sur ces points, ne fixe aucune limite.

Sur cette base, le Conseil d’Etat croit donc servir au mieux les intentions concrètes telles qu’énoncées dans l’exposé des motifs en assurant la cohérence du régime envisagé avec la Constitution et en proposant une rédaction alternative aux fins de sécuriser le fonctionnement du régime proposé.

29.  A la lumière de ces considérations, le Conseil d’Etat estime que des dispositions ouvrant la possibilité pour la collectivité de Corse d’être habilitée, selon les cas, par la loi ou par le règlement, pour fixer les règles dans des matières, dans les conditions et sous les réserves prévues par la loi organique, permet d’atteindre l’objectif du Gouvernement de doter la collectivité de Corse du régime d’autonomie normative qu’il entend lui reconnaître en lui permettant de fixer des normes notamment dans le domaine de la loi.

Une telle rédaction permet à la collectivité de Corse, sous réserve d’y être habilitée par la loi ou le règlement, de fixer tout ou partie des règles dans certaines matières et d’adapter des normes existantes.

Dans ce cadre, la capacité normative de la collectivité de Corse trouve à s’articuler avec le principe de souveraineté nationale et les risques de concurrence normative sont levés dès lors que revient au législateur ou au pouvoir réglementaire l’initiative de renoncer, pour une durée et dans les matières qu’il détermine, à l’exercice de sa compétence au profit de cette collectivité.

Le Conseil d’Etat estime toutefois nécessaire, pour garantir la cohérence avec le principe de souveraineté nationale, de fixer la liste des matières dans lesquelles la loi et le règlement ne peuvent habiliter la collectivité de Corse à fixer les normes, et dans lesquelles les délibérations de l’assemblée délibérante de cette collectivité ne peuvent intervenir. Il ajoute que cette réserve, qui porte sur les matières relevant du domaine régalien de l’Etat, est identique à celle figurant aux articles 73 et 74.

30. Le Conseil d’Etat relève enfin que ces dispositions ne pourront avoir pour effet de permettre à la collectivité de Corse d’exercer sur d’autres collectivités territoriales une tutelle proscrite par le cinquième alinéa de l’article 72 de la Constitution.

En conséquence, le Conseil d’Etat suggère de retenir la rédaction suivante qui prendrait place aux deuxième à sixième alinéas du projet d’article 72-5 de la Constitution :

« Les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations justifiées par les spécificités de cette collectivité.

« Le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui ne relèvent pas de la compétence de la collectivité de Corse, adapter les dispositions de nature législative en vigueur aux spécificités de la collectivité, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis de l’assemblée délibérante de la collectivité de Corse et du Conseil d’Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l’absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication.

« Une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, détermine les matières dans lesquelles la collectivité de Corse peut être habilitée, selon les cas, par la loi ou par le règlement, à fixer les règles applicables sur son territoire. Sous les conditions et réserves fixées par cette loi organique, les délibérations prises par l’assemblée délibérante de la collectivité de Corse peuvent intervenir dans le domaine de la loi et du règlement.

« Ces habilitations et délibérations ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes et le droit électoral. Cette énumération peut être précisée et complétée par une loi organique.

« Ces habilitations et délibérations ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti. »

Contrôle des actes de la collectivité de Corse

31. Le Gouvernement prévoit de soumettre les actes de la collectivité de Corse au contrôle du Conseil d’Etat ou du Conseil constitutionnel, selon que ces actes interviennent dans le domaine du règlement ou de la loi, à l’instar de ce que prévoient les articles 77 de la Constitution et 104 de la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999 pour les lois de pays de la Nouvelle‑Calédonie. Par l’emploi du terme « contrôle », le Gouvernement ne vise que le contrôle juridictionnel.

Le Conseil d’Etat relève toutefois que l’intervention du Conseil constitutionnel est prévue dans le contrôle des lois de pays de la Nouvelle-Calédonie dans le cadre très particulier des accords de Nouméa et des dispositions du titre XIII de la Constitution par exception au principe fondamental reconnu par les lois de la République qu’est la compétence du juge administratif pour connaître des décisions prises par les collectivités territoriales dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique (Cons. const., décision n° 86‑224 DC du 23 janvier 1987, cons. 15). Il propose, au regard du maintien de la collectivité de Corse dans le champ du titre XII de la Constitution, de placer l’intégralité des actes de la collectivité de Corse sous le contrôle juridictionnel du Conseil d’Etat.

Les autres dispositions de cet alinéa n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.

32.  Dans le nouveau cadre ainsi tracé, le Conseil d’Etat estime qu’il serait opportun de prévoir, si le Gouvernement le jugeait utile, que la loi organique détermine la manière dont, lorsque la collectivité de Corse demande que la loi soit adaptée (par le Parlement ou par ordonnance) ou qu’elle l’autorise à intervenir dans le domaine législatif, ou lorsqu’elle sollicite du Gouvernement d’être autorisée à intervenir dans le domaine réglementaire, le Gouvernement est tenu de répondre sous une forme et dans un délai qu’elle fixerait.

Le Conseil d’Etat estime tout aussi opportun qu’un alinéa prévoie que la loi organique détermine les conditions dans lesquelles, par une saisine du Gouvernement aux fins qu’il en saisisse le Conseil constitutionnel, la collectivité de Corse pourrait demander que dernier constate qu’une disposition législative est intervenue dans le domaine réglementaire, lui permettant ensuite de demander au Gouvernement plutôt qu’au Parlement le droit de pouvoir la modifier par ses délibérations.

Consultation des électeurs inscrits sur les listes électorales en Corse sur le projet de statut

33. Le projet de loi constitutionnelle vise à créer une possibilité de consulter les électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse sur le projet de loi organique qui fixera le régime d’autonomie de la Corse, ainsi que pour tout projet de loi organique qui viendrait ultérieurement modifier ce régime. Il ne s’agit donc pas d’une disposition transitoire. Afin de faire correspondre les dispositions à l’intention du Gouvernement, le Conseil d’Etat suggère de les modifier en conséquence pour permettre une telle consultation sur « les projets de loi organique pris en application du présent article ».

Le Conseil d’Etat considère enfin que la référence aux « électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse », qui est une reprise adaptée de la rédaction du troisième alinéa de l’article 72-1 de la Constitution, est suffisamment claire et fixe une condition qui circonscrit la participation à cette consultation dans une mesure proportionnée et justifiée par son caractère local.

Il relève que cette mention, comme à l’article 72‑1, n’inclut pas les citoyens de l’Union européenne n’ayant pas la nationalité française, qui, aux termes de l’article 20 du TFUE, bénéficient d’un droit de vote uniquement pour les élections du Parlement européen et aux élections municipales et figurent, en France, sur des listes électorales complémentaires.

Par souci de clarté, il recommande enfin de faire référence aux électeurs inscrits sur les listes électorales « en Corse » plutôt que sur les listes électorales « de Corse ».

Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du jeudi 17 juillet 2025.

Tags: Corseeurope des régionsFrancegauchegirondinindépendantismePRGrégionalismerépubliqueRépublique une et indivisible
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