
Ce samedi 12 juillet, après dix jours de négociations entre le ministre des Outre-mer, le triste sire Manuel Valls, les indépendantistes Kanaks et les Loyalistes, un accord a été trouvé visant à la création d’un « État de Nouvelle-Calédonie » dans le cadre de la France et de sa constitution. Ce texte est encore en « projet », faute d’avoir été pour l’instant entériné en Nouvelle-Calédonie par les mandants des différentes délégations. Tout le monde dans la Macronie ou à ses marges politiques semble se féliciter de cet accord. Il semble même que les Loyalistes (anti-indépendantistes), pourtant très virulents dans leur volonté de conserver l’archipel dans le cadre français, se réjouissent de l’accord, tout comme les indépendantistes.
Le projet d’accord, semble permettre le transfert à la Nouvelle-Calédonie de « la compétence en matière de relations internationales (…) dans le champ des compétences propres des institutions calédoniennes ». Tandis que les sujets régaliens (mais jusqu’à nouvel ordre la diplomatie en fait partie) restent dans le domaine national français et/ou… supranational européen : la monnaie, la défense, la sécurité et l’ordre public, la justice. La nationalité calédonienne sera créée et se couplera à la carte avec la nationalité française. Il acte également « la facilitation de l’export de minerai », à savoir le nickel, et notamment « l’engagement de l’État, en particulier auprès de l’Union européenne pour intégrer l’approvisionnement calédonien dans le cadre de la stratégie de souveraineté en matières premières critiques, permettant ainsi une diversification des débouchés pour la filière calédonienne ». Un soutien national sera accordé à l’industrie du nickel, qui constitue l’une des principales ressources du territoire avec 90 % de ses exportations. En clair, le nouvel « Etat » sera totalement inséré dans le cadre de la course aux armements de l’UE et de la marche à l’armée européenne arrimée à l’OTAN, ce qui suffit à montrer que, sans surprise, le projet Valls ne comporte pas de dimension anti-impérialiste. Il semble aussi qu’à terme, le corps électoral soit enfin ouvert.
Nous, militants franchement communistes, nous ne pouvons que nous réjouir au prime abord d’un tel résultat, si les forces anti-impérialistes et anticolonialistes de l’Archipel estiment qu’il permet vraiment une décolonisation réelle et totale et la fin des injustices touchant le peuple kanak, après les dures luttes de ce peuple en 1878, en 1917, dans les années 1980 et en 2024. Cependant, une question se pose : l’autonomie de l’archipel (ce qui est réellement en jeu) va-t-elle vraiment être l’occasion du début de reprise en main par le peuple kanak de son histoire ou simplement un moyen de faire porter le fardeau économique à la seule Kanaky-Nouvelle-Calédonie tout en maintenant de fait la domination sur l’archipel d’une partie de la population solidement arrimée à la Franceurope ? Si le projet semble indiquer une participation de l’État français à la reprise économique, nous avons assez d’expérience de la Macronie politique pour savoir que ses paroles ne valent pas grand-chose. À coup sûr, cet accord permet à l’impérialisme français, sous-traitant local de l’UE-OTAN, de maintenir un pied-à-terre dans l’océan Pacifique et à la Macronie de disposer d’un point d’appui militaire pour mener les “conflits de haute intensité” contre la République populaire de Chine dans le cadre du projet hégémoniste de guerre étatsunienne contre ce pays. Ni les habitants de la Nouvelle-CAlédonie, quelle que soit leur origine, ni le peuple français, qui a tout à craindre de ces manigances bellicistes, ni l’humanité en général n’ont rien à attendre de bon de ce projet qui ne sert que le complexe militaro-industriel et que, en conséquence, il faut combattre sur tous les plans.
Bien entendu doit d’abord compter la parole des travailleurs calédoniens/kanakys et des organisations progressistes, à commencer par nos camarades du FLNKS. Selon eux, le projet socialiste (le S de leur acronyme) qu’ils portent a-t-il des chances de se développer dans ce cadre ?Enfin, le PRCF alerte sur le risque que ce projet, acceptable s’il pose les bases pour une Kanaky/Nouvelle-Calédonie autonome, souveraine et socialiste, puisse être repris, à tort, par les sécessionnistes friqués de la Corse (qui viennent d’ores et déjà de pondre un communiqué) ou de Bretagne, car il est parfaitement évident que la création d’un « Etat » censément indépendant dans le cadre de la France est destiné à dynamiter globalement le principe constitutionnel de la République « une et indivisible » qui, dès ce jour, se voit privé de toute effectivité. Libération nationale des peuples colonisés pour construire une société socialiste, oui ; partition du territoire par une “élite” qui veut faire la peau au droit social français pour instituer l’Etat fédéral européen régionalisé, non.
L’accord de Bougival