C’est une affaire de la plus grande gravité, qu’il faut examiner de différents points de vue.
Voyons d’abord les faits :
- un homme jeune qui circulait sur la voie publique de sa ville a été violemment interpelé par un groupe de policiers en tenue ; au cours de l’interpellation, il a été violenté et violé d’après les constatations médicales réalisées.
- Depuis l’interpellation, aucun organe de presse n’a fait état de quelque raison que ce soit qui ait pu servir de motif à son interpellation : pourquoi a-t-il été interpelé ?
Cette affaire, comme les autres qui l’ont précédée, suscite deux courants de réactions immédiates :
Les unes, sans proposer d’analyse, spéculent sur le scandale, en appelant à se révolter contre la police, à « casser du flic » ; ces réactions promeuvent l’idée que toute police est mauvaise, aussi mauvaise que les pires voyous … Cette idée est bien connue : elle est caractéristique d’une tendance anarchiste, celle qui prétend que la révolution naîtra d’une vague de violence armée sans élan majoritaire du peuple travailleur luttant pour des objectifs politiques précis..
D’autres, et parmi eux tous les partis politiques qui ont en charge la défense des intérêts capitalistes, spéculent sur la répulsion qu’inspire la violence aux plus nombreux des membres de notre peuple, et nous appellent à serrer les rangs, à nous tenir solidaires de la police telle qu’elle est aujourd’hui, à ne pas prendre le risque de la diviser, et donc à repousser toute expression de condamnation dès lors qu’elle visent des actes criminels commis par des policiers. C’est notamment la position du FN qui ne cache pas qu’il recourra à la police demain pour mettre la « France en ordre » (et l’on devine de quel ordre il s’agira). En somme, pour conjurer le danger de violence, nous devrions placer la police au-dessus des lois, en excusant, voire en niant les fautes et les crimes que pourraient commettre des policiers ; ces réactions vont jusqu’à jeter le doute sur la réalité de ces crimes, même si, comme dans le cas présent, une équipe médicale a dû opérer pour réparer les dommages corporels subis par la victime et qu’elle en a attesté. L’Affaire Dreyfus a rendu célèbre l’usage de faux par la bourgeoisie réactionnaire et par les partis qui la représentent en politique, pour protéger sa maîtrise exclusive sur l’armée.
Les réactions de ces deux catégories interfèrent en créant une confusion qui tend à occulter la réalité des problèmes posés, et qui peut aller jusqu’à protéger de l’action judiciaire les criminels lorsqu’ils sont membres de la police !
Un autre facteur de confusion est la manière dont les journalistes de la presse écrite ou télévisée composent l’information : dans le cas présent, on peut les entendre dire que « le jeune homme a été victime d’un viol présumé » !
Qualifier ainsi de « présumé » ce viol est un scandale : les blessures infligées à ce jeune homme, et constatées par le médecin qui les a examinées, attestent qu’il n’a pas subi un viol « présumé », mais avéré : si la justice s’est mise à la poursuite de coupables, c’est bien parce que le crime est avéré ! Rappelons que le ministre de l’Intérieur lui-même a souligné que « Les blessures de Théo sont particulièrement graves ».
Il faut ici rappeler la définition par le code pénal de ce qu’est un viol :
Article 222-23
Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.
Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle.
Le mot « présumé » doit être employé pour qualifier l’innocence d’un suspect ou d’un accusé jusqu’à l’énoncé de la sentence : ce n’est donc que lorsque la justice connaît des suspects, et pour qualifier l’innocence de ces suspects, que l’on peut employer le mot « présumé », et cet emploi n’est possible que jusqu’à l’énoncé d’une sentence par un juge, laquelle peut reconnaître l’innocence d’un accusé, et l’acquitter ou le relaxer, ou le déclarer coupable, et le condamner.
Au-delà de ses aspects judiciaires et journalistiques, l’affaire d’Aulnay-sous-Bois pose véritablement à notre société plusieurs problèmes de fond : je citerai celui du recrutement des policiers, celui de leur formation aux fonctions policières, et celui du contrôle des corps de police.
Les simples citoyens sont en effet en droit de se demander comment il se fait qu’un policier se permette d’appliquer à une personne qu’il interpelle des actes de violence qui ne servent pas à l’interpellation ! Le viol ne saurait être un accident : le viol est toujours un acte de violence qui ne sert pas à l’interpellation !
Les critères de recrutement des policiers seraient-ils à ce point défaillants qu’ils permettraient le recrutement de personnes trop faibles pour ne jamais dépasser les limites de leurs fonctions légales ? Seraient-ils perméables aux criminels et aux voyous ? Il faut les revoir sans délai afin de corriger cela !
La formation personnelle et collective des policiers présenterait-elle des carences en matière de définition des moyens de la contrainte par corps, car c’est de cela qu’il s’agit, et quoi qu’en puissent dire les réactionnaires, ni la vengeance, ni le racisme, ni l’humiliation, ni le viol ne font partie de ces moyens … ? Serait-elle incapable de porter les policiers au niveau de responsabilité qui leur est nécessaire … ? Serait-elle carencée en matière de règlement, de procédure, d’entraînement en situation réelle … ? Cela aussi doit être revu de la manière la plus stricte !
Venons-en au contrôle des corps de police, ou plus généralement, des forces armées : il dépend de la façon dont leur mission générale est conçue par les gouvernements : depuis plus de deux siècles que la bourgeoisie place ses hommes à tous les postes du gouvernement de la France, les forces armées de notre pays sont instituées pour deux missions : l’une est de protéger l’« intérêt général » des Français, l’autre est de protéger la propriété, qui est, comme chacun de nous l’a appris à l’école, privée, inviolable et sacrée ; mais l’intérêt général est très mal défini dans nos textes constitutionnels et légaux ; quant aux textes de l’éthique, ils ne servent pas de référence aux lois, ni aux pratiques …
Les membres de notre peuple savent de par leur longue expérience que l’armée, comme la police, intervient toujours en défense de la propriété, et que cela les conduit toutes les deux à réprimer les travailleurs au grand dommage de l’intérêt général !…
Les exemples de tels emplois de l’armée sont nombreux : citons pour la guerre de 1 870, la trahison du général Bazaine et la défaite de l’armée obéïssant au gouvernement des « quatre Jules » ( Trochu, Favre, Ferry et Simon ), au sujet desquelles trahison et défaite Annie Lacroix-Riz vient de faire une conférence qu’il faut remarquer, écouter et faire écouter ; citons aussi pour 1 871 la répression de la Commune de Paris, pour 1 891 la fusillade de Fourmies, pour 1 907 l’envoi du dix-septième régiment de ligne contre les vignerons du midi frappés par le phylloxéra ( ce régiment a refusé de porter les armes contre les vignerons ; cela lui a valu d’être salué d’une chanson célèbre parmi les Républicains ), pour 1 918 l’envoi en Russie de l’« armée d’Orient » avec pour nouvelle mission de combattre la révolution bolchévique ( sous le général Franchet d’Espérey, cette « armée d’Orient » venait de terminer la guerre dans les Balkans ; révulsés par cette mission, les soldats de l’armée d’Orient ont composé la chanson, « Odessa-Valse » ; finalement, il a bien fallu les rapatrier avec les marins français de la Mer Noire qui s’étaient mutinés contre la même mission ) ; il ne faut pas oublier 1940, avec la trahison de l’État-Major français, qui a bel et bien organisé la défaite ! …
La police aussi est employée prioritairement en défense de la propriété non pas de la propriété fruit du travail et de l’épargne des classes populaires et moyennes, mais de la proporiété des moyens de production et d’échange des capitalistes ; bornons-nous aux quelques exemples d’après-guerre : la répression de la lutte populaire contre l’adhésion de la France au plan Marshall, et contre sa signification d’alignement de la politique française sur la politique US, qui impliquait l’embrigadement de notre pays aux côtés des USA dans la guerre froide qui commençait alors ; la répression de toutes les manifestations ouvrières de revendication salariale ; la répression des manifestations populaires en Algérie contre le système d’économie coloniale ; la répression des manifestations populaires contre l’envoi de l’armée française en Indochine combattre les patriotes anticolonialistes ; la répression des manifestations populaires contre la répression sanglante du peuple algérien, puis contre l’envoi en Algérie du contingent de jeunes appelés au service militaire ; la répression sanglante des manifestations pacifiques, en France, de travailleurs algériens ; la répression des manifestations paysannes pour l’économie rurale et pour l’agriculture familiale ; la répression de plus en plus violente des manifestations d’étudiants revendiquant des conditions plus humaines de vie universitaire ; l’épisode violent de la rue Saint Jacques à Paris, qui a provoqué le mouvement de grève des mois de mai et juin 1 968 ; la répression du mouvement d’opposition à l’extension du camp militaire du Larzac ; la répression des mouvements pour les retraites en 1 995, du mouvement contre les contrats-bidon offerts aux jeunes, chômeurs avant d’avoir travaillé, la répression des manifestations contre la désastreuse loi El Khomri dite « loi travail » … Toutes ces répressions protégeaient le système bourgeois de la propriété, celui qui avait été déclaré « inviolable et sacré » en 1 789, et qui avait bourgeonnné depuis pour devenir la propriété capitaliste que nous connaissons … Il faut remarquer aussi que nombre de ces répressions ont été accompagnées de l’intervention de groupes violents irréguliers, connus comme groupes de casseurs, qui ont notamment été utilisés par les chefs de la police pour créer les prétextes à l’application de méthodes violentes de répression. Au sujet de l’identité réelle de ces casseurs, plusieurs hypothèses circulent.
La répression des manifestations populaires contre la loi « El-Khomri » constituent un véritable « cas d’école », peut-être même un tournant de l’utilisation de la violence par l’Etat bourgeois. Sous le prétexte de la menace terroriste et surtout de la loi d’état d’urgence, le gouvernement a soumis les manifestations légitimes des travailleuses et travailleurs à des conditions spectaculaires et très lourdes de sens : les manifestants devaient accepter d’être filtrés et de voir leurs manifestations totalement encagées ; les photos prises lors de ces manifestations ressemblaient à s’y méprendre aux photos des convois de prisonniers de guerre, évidemment militairement encadrées : les manifestants ont défilé encadrés par devant, par derrière et sur les côtés d’un cordon continu de policiers en tenue de combat et en armes, et tout le monde comprenait que les armes étaient pointés non pas vers une menace extérieure, mais vers les manifestants !…
Véritablement, l’exemple de ces manifestations illustre la manière dont notre gouvernement interprète la mission de la police : suivant la tradition biséculaire de l’Etat bourgeois, d’ailleurs tragiquement confirmée lors de la « drôle de guerre » de 1 940, il tourne les forces armées dont il dispose contre le peuple travailleur et pacifique ; les menaces réelles ou supposées pesant sur notre pays ne sont pour lui que des prétextes !…
C’est ce parti-pris de protéger le gouvernement bourgeois contre le légitime mouvement populaire de revendication qui détermine en France les missions de la police, les critères selon lesquels sont recrutés ses personnels de police et la formation qu’ils reçoivent. et cela, quoi qu’en pensent nombre de policiers sincèrement attachés à la devise républicaine, dont nous ne doutons pas qu’ils réprouvent l’acte de barbarie commis par le ou les auteurs mis en examen dans l’affaire en référence.
C’est bien pour cette raison que la hiérarchie des missions de la police donne toujours à la défense de la propriété la mission prioritaire, qui détermine le sens concret de la mission de protection de l’ordre public : c’est ainsi que lorsque la revendication du droit de vivre des salariés et des personnes que le système capitaliste prive du droit de travailler en vient à prendre des expressions collectives qui risquent de les conduire à mettre en cause le pouvoir économique des propriétaires des plus gros capitaux, la police fait passer le droit de la propriété capitaliste avant le droit des femmes et des hommes à vivre et réprime leurs manifestations revendicatives avec une violence que deux siècles d’usage ont rendue habituelle.
Or, les luttes sociales ont imposé d’inscrire dans le droit français le droit pour chaque citoyen de penser, de manifester sa pensée, de dénoncer les violations de ses propres droits essentiels ( les droits de vivre ), et de revendiquer ces droits lorsqu’ils sont violés : ces dispositions sont telles que les légitimes manifestations par lesquelles les travailleuses et des travailleurs, fussent-ils privés de travail, revendiquent leur droit de vivre sont des mouvements de l’ordre public, et à ce titre, protéger ces manifestations est une mission des forces de l’ordre ; je dis bien : en manifestant pour revendiquer le droit de vivre dont les prive le système économique capitaliste, les travailleuses et les travailleurs ne troublent pas l’ordre public, et la police a le devoir d’assurer leur droit de manifester ! Il est bien entendu qu’en pareil cas, la police qui tourne ses armes et son action contre les manifestants n’assure pas le droit de manifester : au contraire, elle le réprime violemment ! Et cela est d’autant plus choquant que, dans la dernière période, des policiers en tenue, armés, faisant usage de leur voiture de fonction et de leur gyrophare, se sont permis – sans être aucunement sanctionnés – de violer la loi et leur statut en manifestant devant des Palais de justice au mépris de la séparation des pouvoirs.
Il est ici clair que nous devons revendiquer une modification de la hiérarchie des missions des forces de police : il faut donner à la mission de défendre l’ordre public la priorité sur la défense de la propriété.
Cela implique de préciser le rapport de l’intérêt général à l’ordre public, et la place que les travailleuses, les travailleurs et les personnes que le système capitaliste prive de travail doivent occuper dans la détermination de l’intérêt général du simple fait qu’ils sont les producteurs de toutes les richesses de notre pays, que l’économie capitaliste les occupe à produire ou les écarte de la production.
Tous ces problèmes participent de la lutte des classes contre le capitalisme et pour une société socialiste réellement démocratique puisque dirigée par et pour la classe travailleuse, qui forme l’écrasante majorité de la population française : nous y reviendrons très bientôt.
JPC – pour Initiative Communiste
Les 200 multinationales qui veulent diriger le monde à leurs profits ont fait un pas énorme dans ce sens avec les députés européens qui ont voté majoritairement pour le CETA. Maintenant elles pourront même attaquer les états en justice si leurs intérêts sont menacés.