Alors que va s’ouvrir dans 2 mois le 51e congrès de la CGT, www.initiative-communiste.fr site web du PRCF publie l’entretien entre Jo Hernandez, responsable national du secteur luttes/entreprises du PRCF, a eu un entretien avec Jacky OMER, syndicaliste retraité SNCF à Marseille et membre du secrétariat du Front Syndical de Classe (FSC). Syndicalisme de combat ou syndicalisme d’accompagnement ? syndicalisme de classe et de masse ou réformise alligné sur le MEDEF, le gouvernement et les directives européennes ? Tous ensemble et en même temps gagnant ou syndicalisme « rassemblé » perdant ? Autant de questions à se poser pour construire des solutions et donner aux travailleurs les moyens de repartir à l’offensive.
La régression sociale ne se négocie pas, elle se combat H Krasucky
Jo Hernandez : La situation des travailleurs, des retraités et des chômeurs est extrêmement critique. Les attaques du MEDEF et du gouvernement, à la remorque de Bruxelles, s’accélèrent pour casser définitivement tous les acquis obtenus de hautes luttes par les travailleurs et du modèle français, le « mouton noir » de l’UE. Devant ce panorama inédit des interrogations émanent de la base syndicaliste:
– Comment s’opposer à l’ensemble de ces attaques,
– quelles orientations devraient adopter les délégués du 51ème congrès de la CGT qui se tiendra à Marseille en avril ?
Jacky Omer : Effectivement, le constat que nous pouvons faire de la situation sociale actuelle est particulière, du fait de la construction du bloc impérialiste qu’est l’Union Européenne, mais pas inédite.
Les attaques quotidiennes que subit la population en France et plus particulièrement les travailleurs sont identiques à celles que nos aînés ont eu à affronter à la fin des années 30, suite à la crise de 1929 exporté des USA et après avoir arraché au patronat, avec la seule CGT, les premiers grands acquis de 1936 (Front Populaire) tels les congés payés (15 jours).
Ce rappel de conquêtes historiques de luttes doit nous permettre de mieux comprendre l’offensive tous azimuts du MEDEF et du gouvernement contre les travailleurs et l’ensemble de la population. Car, au-delà des acquis de 1936, la bourgeoisie capitaliste veut faire aussi table rase des acquis du C.N.R de 1945 et de mai 1968 !
La seule stratégie qui s’offre au peuple opprimé, comme dans les moments les plus noires de notre histoire, c’est la lutte du « tous ensemble en même temps » ! Mais, malheureusement, ce ne sont pas les interventions de Philippe Martinez au congrès de la FSU et à celui de l’UD 13 qui en augure.
Une précision s’impose concernant les premiers grands acquis et stratégie de lutte. A l’époque, il y avait surtout une seule et grande organisation syndicale, la « Grande Dame », la CGT qui était sur des positions de lutte de classes et de masse. A la sortie de l’occupation elle comptait plus de cinq millions d’adhérents. A présent, avec la division du mouvement syndical la position des états majors n’est plus sur cette base, d’où leur attentisme réformiste.
Le nouveau rôle qui leur est attribué est celui de « partenaires sociaux » et plus précisément de collaborateurs sociaux. Ils sont plus souvent amenés à avoir un rôle de tampon dans une sphère européenne, dont la C.E.S (confédération européenne des syndicats) qui tient les cordons de la bourse ! Aujourd’hui, la stratégie et la tactique de luttes des O.S. ne sont plus du tout en adéquation face aux attaques de la bourgeoisie capitaliste. On regrette qu’il en soit de même pour la CGT.
J.H Les syndicalistes de terrain, comme nombre de personnes s’interrogent ; « comment la CGT en est-elle arrivée là ?».
J.O : Lors de son congrès de 1982, à Lille, la CGT a abandonné les manuels de formation syndicale, jugés caducs, avec la gauche au pouvoir sous Mitterrand. Nombreux repères sont ainsi effacés de la mémoire des militants et syndicalistes. Les résultats ne se sont pas fait attendre, tant au niveau des élections professionnelles que politiques, le réformisme et la radicalisation l’emportent. Cette même année les travailleurs subissent le premier blocage de salaires. Je n’aborderais pas les problèmes internationaux de cette décennie qui ont entraîné des turbulences dans la CGT. Ensuite, au 45ème congrès, en 1995 à Montreuil, une étape décisive est franchie. Alors que des millions de travailleurs battent le pavé contre le plan Juppé, qui a l’appui de Notat de la CFDT, le congrès modifie ses statuts et abandonne en autre : « le syndicalisme de lutte de classe et de masse » et « la socialisation des moyens de production et d’échanges »!! Tout cela se passe dans la tourmente des années 90 marquée politiquement par l’offensive du grand capital, suite à la défaite des pays socialistes et au virage réformiste de nombreuses organisations ouvrières en Europe dans la ligne de l’eurocommunisme italien. Cette période voit l’aggravation des rivalités inter-impérialistes et l’accélération de la construction d’un empire européen du capital, outil de la réaction sur toute la ligne, avec le traité de Maastricht.
C’est dans ce contexte de reconfiguration des aires de domination capitaliste et de la nécessité de la mise au pas de la France et de ses particularités ouvrières, issue de ses luttes ancestrales, que naîtra le syndicalisme rassemblé sous le joug de la C.E.S.
Un effort tout particulier a été fait pour affaiblir la CGT et la faire basculer dans le camp de l’accompagnement en organisant l’ensemble du syndicalisme français autour d’un pôle social-démocrate syndical jusqu’à la faire sortir de la Fédération Syndicale Mondiale, la F.S.M, pour la faire adhérer à la Confédération Européenne des Syndicats (à l’origine antenne européenne de la Confédération Internationale des Syndicats Libres « CISL » fondée avec l’argent de la CIA et l’appui de FO).
J.H : Ne serait-il pas nécessaire de faire un bilan sur l’activité de la CGT au sein de la CES ?
J.O : les délégués au 51ème congrès devraient exiger l’ouverture de débats sur les résultats des orientations de la CGT depuis 1995 et son attachement au syndicalisme rassemblé, ainsi que son adhésion à la CES et la CSI. Or, je crains une nouvelle fois, que les délégués (une minorité de jeunes soumis à la majorité triée sur le volet) veuillent réellement ouvrir ces débats !
J.H : L’existence d’un puissant syndicalisme de classe est-il possible encore aujourd’hui ?
J.O : Oui, car la lutte n’est pas éphémère et elle n’a pas d’âge ! Par ailleurs, la nature a horreur du vide et c’est dans ce sens que le FSC mène sa bataille idéologique !
Comme l’expliqué Henri Krasucki, préfaçant les mémoires de Benoit Frachon ;
« Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. La lutte de classes, au contraire est la base de l’unité, son motif le plus puissant. C’est pour la mener avec succès en rassemblant l’ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or, la lutte de classes n’est pas une invention, c’est un fait ; Il ne suffit pas de la nier pour qu’elle cesse : renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l’exploitation et à l’écrasement. »
Comme je le disais précédemment, chaque fois que les masses ont agi ensemble et en même temps pour leurs revendications, la classe dominante a été battue et le peuple s’est enrichi d’acquis sociaux importants.
Actuellement les états majors syndicaux se sont sciemment écartés de cette stratégie, préférant le syndicalisme rassemblé, qui est un frein au développement des luttes, est impuissant pour faire échec au démantèlement du code du travail, de la sécu, des retraites, au maintien du pouvoir d’achat, des salaires et pensions, aux répressions ouvrière et syndicale, pour la reconquête des acquis rognés depuis des décennies. Les travailleurs ont besoin d’une lutte coordonnée contre le MEDEF et leurs valets du gouvernement. A ce titre, l’existence d’un syndicalisme de classes est non seulement possible aujourd’hui mais nécessaire !
J.H : Dans cette bataille, quel rôle peut jouer le Front syndical de classe qui n’est pas une organisation syndicale mais, une association regroupant des syndicalistes de la CGT, de la FSU et autres pour moindre ?
J.O : Suite aux puissantes luttes sur le retraites des années 2000, en juin 2008, des militants de la CGT et de la FSU ont lancé une « lettre ouverte aux États-majors syndicaux », signée par plus de 5000 personnes, syndicalistes, enseignants, retraités, chômeurs, étudiants… Cette lettre ouverte appelait à tout mettre en œuvre pour : « construire démocratiquement et en urgence une action, tous ensemble et en même temps, pour gagner et ouvrir enfin des perspectives progressistes et exhortait les directions syndicales nationales à cesser « d’accompagner » la rupture afin de reprendre le seul chemin gagnant : faire le lien entre toutes les contre-réformes, travailler concrètement à préparer avec les salariés les conditions de l’affrontement de classe victorieux avec ce pouvoir destructeur, construire l’unité dans l’action des travailleurs et de la jeunesse ».
Face à l’accélération des politiques antisociales, la confirmation de la compromission des directions syndicales, puis le développement des contacts entre militants de classe, ont rendu encore plus impérieuse la nécessité d’agir et de se structurer. C’est pourquoi ces mêmes militants, initiateurs de la « Lettre ouverte aux États-majors Syndicaux », rejoints par de nombreux autres, ont décidé de fonder l’association « Front Syndical de Classe » en 2009.
Jo.H :Quel est l’objet du FSC ?
J.O : Le FSC est dans une démarche clairement intersyndicale a pour objet non pas de devenir une nouvelle organisation syndicale mais d’être un lieu « central » de regroupant des militants et syndicats de classe afin :
– de mener la lutte pour « le tous ensemble en même temps » à partir des besoins réels des salariés (salaires, emplois, retraites, Sécu, services publics…) pour gagner enfin face à l’offensive capitaliste relayée par les gouvernements nationaux et l’U.E,
– de contribuer à aider les militants dans le respect des organisations existantes, à se réapproprier leurs organisations et à les remettre sur les rails du syndicalisme de classe et de masse tout en posant la nécessité pour le monde du travail de construire une grande Confédération Générale du Travail, unitaire et sur ces bases.
– de constituer un lieu de repli pour les militants ou syndicats exclus de leurs organisations syndicales, mener inlassablement la bataille pour la solidarité de classe contre la répression patronale et étatique dont sont victimes les travailleurs et syndicalistes combatifs.