
Des dizaines de milliers de manifestants, depuis plus de 10 jours maintenant mettent en cause le parlement indonésien, après que celui-ci a escaladé dans sa politique d’austérité et d’exploitation, en y ajoutant la morgue et la provocation de se moquer des indonésiens souffrant de la misère et de la crise économique.
La seule réponse tangible apportée par le régime Prabowo pour le moment, c’est les canons à eau, la matraque, les gaz lacrymogènes, et une répression sanglante avec plus d’une dizaine de disparus, des morts, et plusieurs milliers d’arrestations.
Après la mort d’un livreur à moto et des centaines d’arrestations, parlements régionaux incendiés, maisons de ministres et de parlementaires mis à sac
Les griefs des manifestants sont nombreux, mais les rassemblements de cette semaine se sont concentrés sur l’annonce de l’octroi aux députés d’une allocation de logement près de dix fois supérieure au salaire minimum dans la capitale Jakarta.
Les manifestations ont débuté lundi 25 aout 2025 pour protester à la fois contre les bas salaires et le traitement des députés. La vidéo devenue virale d’une camionnette de police écrasant et tuant un jeune chauffeur livreur de moto-taxi jeudi à Jakarta a exacerbé les tensions.
Aux incidents lors de manifestations se sont ajoutés ces dernières nuits les pillages de maisons de députés et de la ministre des Finances, en rétorsion aux provocations antipopulaires de ces députés et ministres au sein du parlement, se moquant ouvertement du peuple indonésien.
Le domicile de la ministre des Finances, Sri Mulyani Indrawati, a été pillé dans la nuit de samedi à dimanche dans le sud de Jakarta, en son absence, ont indiqué à l’AFP des soldats gardant sa résidence ainsi qu’un voisin. Ancienne directrice générale de la Banque mondiale, Mme Mulyani est une personnalité influente du gouvernement actuel et a occupé le portefeuille des Finances sous trois présidents. Les maisons d’au moins trois députés, dont Eko Hendro et Ahmad Sahroni, ont également été saccagées ces derniers jours, selon l’agence de presse officielle Antara.
Les manifestations se sont propagées à d’autres grandes villes de l’archipel, notamment Yogyakarta, Bandung, Semarang et Surabaya à Java, et Medan dans la province de Sumatra du Nord. Samedi, sur l’île de Lombok voisine de Bali dans la région ouest des iles de la sonde, des manifestants ont pris d’assaut et incendié le bâtiment du conseil local du chef-lieu Mataram, en dépit des gaz lacrymogènes lancés par la police. Lundi dernier, à Gorontalo, sur l’île des Célèbes, des affrontements ont opposé des manifestants à la police, qui a riposté à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau, selon un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP). A Bandung, sur l’île de Java, des manifestants ont lancé des cocktails Molotov et des pétards sur le bâtiment du conseil provincial. A Palembang, sur l’île de Sumatra, une manifestation a réuni plusieurs milliers de personnes. Des centaines d’autres se sont rassemblées à Banjarmassin, sur l’île de Bornéo, et à Yogyakarta, dans le centre du pays, selon des journalistes de l’AFP.
Ces nouvelles manifestations sont les plus massives et violentes depuis l’arrivée au pouvoir du général Prabowo Subianto en octobre dernier. L’Indonésie connaît depuis lundi des manifestations violentes, marquées par la mort de trois personnes vendredi à Makassar, sur l’île des Célèbes du Sud, dans l’incendie d’un bâtiment public provoqué par des émeutiers. Une autre personne est décédée vendredi toujours à Makassar après avoir été battue par la foule qui le soupçonnait d’être un agent de renseignement, a déclaré dimanche à l’AFP Muhammad Fadli Tahar, responsable de l’agence locale de gestion des catastrophes.

Répression massive : 1200 arrestations, 10 morts, 20 disparus
A Bandung, au sein de l’une des principales universités du pays, c’est des douzaines de grenades lacrymogènes qui ont été retrouvées le 2 septembre. Bloqués à l’intérieur de l’université sous les nuages de gaz, plusieurs étudiants ont été blessés, suffocant sous les nuages de gaz. Ce n’est là qu’un exemple de répression de manifestation initialement pacifique.
D’après le Jakarta Globle, une dizaine d’indonésiens ont trouvé la mort durant les manifestations.
Le même journal rapportait en début de semaine déjà 1200 arrestations rien qu’à Jakarta le 2 septembre. Human Rights Watch rapporte que plus de 3 000 personnes ont été arrêtées lors de la répression des manifestations antigouvernementales à travers le pays depuis la fin août 2025. L’ONU réclame une enquête après la mort de six personnes à Jakarta. « après des recherches et des vérifications, vingt personnes restent introuvables », a déclaré la Commission pour les personnes disparues et les victimes de violences (KontraS). Cette organisation locale de défense des droits humains a précisé qu’elles ont été portées disparues à Bandung, à Djakarta et à Depok, une ville proche de la capitale.
« Nous suivons de près la vague de violences en Indonésie dans le contexte des manifestations au sujet des allocations parlementaires, des mesures d’austérité et de l’usage disproportionné de la force par les forces de l’ordre », a déclaré Ravina Shamdasani, du Bureau des droits de l’homme de l’ONU.
Le président Prabowo a pris la décision contestée de déployer l’armée (TNI) dans les rues. La présence de la TNI, en arme, conduisait d’ailleurs la population à craindre le retour de la loi martiale sur le pays.
Les indonésiens avec qui nous avons pu échanger s’inquiètent de ce que des provocateurs, payés par le pouvoir ou instrumentalisé par l’armée, puissent être infiltrée dans les manifestations pour semer la violence et le chaos et ainsi discriditer la mobilisation d’une part, d’autre part justifier de la répression et permettre à l’armée d’entrée en action, en supplantant ainsi la police. La concurrence entre les polices, institutions civiles sous la responsabilité des autorités locales, ou au niveau national de proches de l’ancien président Jokowi, et la très puissante armée indonésienne, état dans l’Etat, est de notoriété publique. L’inquiétude est d’autant plus grande que le sommet de l’Etat indonésien avec Prabowo émane directement de la TNI…
17+8 – revendication : la dissolution de l’assemblée nationale

Au coeur des revendications populaires, la dissolution du Conseil représentatif du peuple (DPR) et du Conseil représentatif du peuple régional (DPRD) est régulièrement mise en avant, pour souligner la profonde illégitimité d’un régime anti populaire qui tourne le dos aux besoins du peuple indonésien et se moque des dizaines de millions de paysans, de pécheurs, de travailleurs des usines et des services réduit à des salaires de misère. Si le salaire minimum en Indonésie varie selon les cantons (les kabupaten) et les activités, il demeure extrêmement faible à moins de 200$ généralement. A Yojakarta, grande ville de Java, il s’élève par exemple à 2.17 million d’IDR soit 132$ par mois. A Jakarta, il est plus élevé (5.4 M IDR). Ce salaire minimum ne concerne cependant que les employés à plein temps ( 40h hebdomadaires), mais pas les millions de travailleurs indonésiens relevant de l’économie informelle. A l’image des conducteurs de Gojek, Grab et autres services ubérisés de mototaxi et de livraison.
En Indonésie des dizaines de millions de personnes sont pauvres.
Avec un tiers de la population sous ou proche du seuil de pauvreté : 5 millions d’indonésiens vivent avec moins de 2 dollars par jour, le seuil international de pauvreté. En septembre 2024 d’après les données nationales du service statistique indonésien du Badan Pusast Statistik, 24 millions d’indonésien soit 9% de la population, vivent dans l’extrême pauvreté avec des ressources insuffisantes pour se procurer le minimum pour manger ( 2100kcal/jour)
Sur les réseaux sociaux, les objectifs du mouvement sont clairs :
« La colère des citoyens est parfaitement fondée. L’élite est corrompue, arrogante et corrompue, vivant dans le luxe au milieu des souffrances du peuple. Mais les citoyens doivent se battre pour se protéger mutuellement, en se concentrant sur trois revendications : (1) l’approfondissement de la démocratie ; (2) la redistribution des richesses ; et (3) la protection sociale. »
Parmi les revendications figurent la pression de 211 organisations de la société civile publiée par YLBHI ; le communiqué de presse de PSHK ; la déclaration de l’Association des étudiants en master de notaire de l’UI ; la déclaration du Centre pour le droit de l’environnement et la justice climatique de l’UI ; les revendications des travailleurs lors de la manifestation du 28 août ; et les 12 revendications du peuple pour une réforme transparente et la justice.
Les revendications populaires (Tuntuntan Rakyat) se cristallisent sous le slogan 17+8
T demande au président Prabowo Subianto :
1. Ce mouvement exige du président indonésien Prabowo qu’il retire l’armée de la sécurité civile et qu’il veille à ce qu’il n’y ait pas de criminalisation des manifestants ;
2. Mettre en place une équipe d’enquête indépendante sur les cas de décès d’Affan Kurniawan, d’Umar Amarudin et de toutes les victimes de violences des autorités lors des manifestations du 28 au 30 août, avec des mandats clairs et transparents.
Fonctions de la Chambre des représentants (DPR)
3. Ce mouvement exige que le DPR gèle les augmentations de salaire et d’indemnités des membres de la Chambre et annule les projets de nouvelles installations, y compris les prestations de retraite ;
4. Faire connaître la transparence budgétaire, qu’il s’agisse des salaires, des allocations de logement, des installations DPR, etc.
5. Encourager le Conseil d’honneur de la RPD à inspecter les membres problématiques, notamment en demandant à la Commission d’éradication de la corruption d’enquêter sur eux.
Fonctions du président des partis politiques
6. Les présidents des partis politiques doivent réprimander ou imposer des sanctions sévères aux cadres contraires à l’éthique qui ont suscité la colère du public ;
7. Annoncer l’engagement du parti à se ranger du côté du peuple au milieu de la crise ;
8. Impliquer les cadres dans les espaces de dialogue public avec les étudiants et la société civile.
Fonctions de la Police nationale (Polri)
9. Ce mouvement exhorte la Police nationale à libérer tous les manifestants détenus ;
10. Arrêtez les actions violentes et adhérez aux procédures opérationnelles standard (SOP) de contrôle des foules disponibles ;
11. Arrêter et juger de manière transparente, ainsi qu’enquêter, les membres et les commandants qui ont commis ou ordonné des actes de violence et violé les droits de l’homme ;
Fonctions des Forces armées nationales indonésiennes (TNI)
12. Il est demandé aux TNI de retourner dans leurs casernes et de cesser les violences contre les civils ;
13. Maintenir la discipline interne afin que les soldats ne prennent pas le pas sur les fonctions de la police ;
14. S’engager à ne pas pénétrer dans les espaces civils pendant la crise démocratique.
Fonctions du ministère du Secteur économique
15. Ce mouvement exige l’assurance d’un salaire décent pour toutes les forces de travail (y compris, mais sans s’y limiter, les enseignants, les chauffeurs de moto-taxis en ligne, les travailleurs de la santé et les partenaires de moto en ligne) à travers l’Indonésie ;
16. Prendre des mesures d’urgence pour prévenir les licenciements massifs et protéger les travailleurs contractuels ;
17. Ouvrir un dialogue avec les syndicats pour des solutions en matière de salaire minimum et d’externalisation.
Ces dix-sept revendications ont une date limite au 5 septembre 2025.
Par ailleurs, Prabowo doit également écouter et prendre en compte les revendications des huit personnes, dont le délai est d’un an. Ces revendications comprennent :
1. Nettoyage et réforme massifs de la DPR
2. Réforme des partis politiques et renforcement du contrôle exécutif
3. Élaboration d’un plan de réforme fiscale plus juste
4. Promulgation et application de la loi sur la saisie des avoirs anti-corruption
5. Réforme de la direction et du système au sein des forces de police pour qu’ils soient professionnels et humains
6. Retour des TNI dans les casernes sans exception
7. Renforcement de la Commission nationale des droits de l’homme et des organismes de surveillance indépendants
8. Revoir les politiques dans les secteurs économique et du travail
Prabowo menace de traiter les manifestants comme des traitres et des terroristes
Le président indonésien Prabowo Subianto a fait mine de prêter oreille à la rue en annonçant dimanche la suppression d’une indemnité controversé versée aux députés, mais il a en réalité opposé une fin de non recevoir à la population. Ses seules décisions tangibles visent en réalité à la répression des manifestations qui relèvent selon lui « de la trahison et du terrorisme ».
Le ministre de la Défense Sjafrie Sjamsoeddin a déclaré lors d’une conférence de presse, que les officiers n’hésiteraient pas à « prendre des mesures fermes contre les émeutiers et les pillards qui ont pénétré dans des zones privées ou des institutions de l’État ».
Prabowo, général, beau fils du dictateur Suharto, un proche de l’impérialisme américain
Battu à de nombreuses reprises dans les urnes, notamment deux fois par Jokowi plutôt étiqueté progressiste, le général Prabowo ne s’est imposé à la tête de l’Indonésie qu’à la faveur d’une magouille des élites et de leurs partis verrouillant ainsi la dernière élections présidentielle : c’est dans un ticket avec le fils de Jokowi que le général s’est imposé.
Prabowo, général, beaul fils du dictateur Suharto signe ainsi le retour explicite des caciques du régime de l’Ordre Nouveau au pouvoir direct à Jakarta. Un pouvoir né dans la répression et le sang du génocide anticommuniste des massacres de 1965-67 qui ont conduit à l’éradication du parti communiste indonésien et avec lui de l’ensemble des forces syndicales et progressistes de l’archipel, et qui n’a depuis jamais lâché les rênes du pays.
Gendre du dictateur Suharto (1965 – 1998) et officier des forces spéciales, il est impliqué dans de multiples exactions au Timor oriental, en Papouasie et lors des manifestations anti-Suharto de 1998. Il est à ce titre accusé de crimes contre l’humanité par des ONG. Il s’exile brièvement à la chute du régime après avoir tenté un coup de force. À son retour, il entre dans les affaires, accumulant une fortune estimée à 150 millions d’euros, puis en politique, créant en 2008 son propre parti, Gerindra. Prabowo est l’héritier d’une des familles les plus riches d’Indonésie, et son frère l’un des plus puissant milliardaires d’Asie Hashim Djojohadikoesoemo. Formé à l’école américaine de Londres et à l’académie militaire de Magelang. Il suit des formations d’officier supérieur auprès de l’armée américaine à Fort Bragg et Fort Benning respectivement en 1980 et 1985[
Prabowo bénéficie du soutien des trois piliers de ce régime historique : l’impérialisme américain et ses multinationales alliés aux milliardaires locaux, l’armée, ainsi que celui des des islamistes, très puissants au sein de la société indonésienne.
De même, il bénéfice de la collaboration de la KSBSI dont plusieurs syndicats ont exhorté leurs membres à ne pas participer aux manifestations actuelles. Les organisations ont publié un communiqué condamnant implicitement les manifestations en indiquant que la lutte pour les droits des travailleurs doit se poursuivre avec dignité, se concentrer sur le fond de leurs revendications et respecter la loi. La présidente de la KSBSI, Elly Rosita, a déclaré avoir demandé à tous les membres de la KSBSI dans toutes les régions de maintenir l’ordre et le calme face à la dynamique des manifestations en cours. « Ne vous laissez pas provoquer par aucun parti pour agir en dehors de la loi et de la lutte digne des syndicats », a déclaré Elly, dimanche (31/8/2025), à Jakarta.
Mais il est utile de rappeler que la Confédération de tous les syndicats indonésiens (KSBSI) affiliée à l’anticommuniste CSI, est une organisation résultant de la dictature de l’ordre nouveau de Soeharto. Cela n’est pas sans rappeler les appels à ne participer au 10 septembre de l’organisation soeur de ces pseudo syndicats jaunes, la CFDT, également affiliée à la CSI, en France.
De même pour ceux qui imaginerait que les manifestations de la colère en Indonésie ne serait que l’énième épisode de manipulation de type révolution de couleur alors que Prabowo tente de jouer sur deux tableaux en poursuivant les liens noués dans le cadre des BRICS avec la Chine par Jokowi mais en appelant à renforcer sa proximité avec les Etats-Unis, il est important que la priorité et l’allégeance du général directement issus des institutions militaires de l’armée américaine vont totalement à Donald Trump. (https://www.voanews.com/a/will-indonesia-s-prabowo-move-closer-to-trump-xi-or-both-/7857841.html)
Et les faits sont là, tangibles de l’intégration de l’Indonésie du régime Prabowo dans l’appareil impérialiste américain : en août, la plus grande entreprise de construction maritime d’Indonésie, l’entreprise publique PT PAL , a accueilli des membres du Congrès américain venus de New York, de Californie, de Caroline du Sud, de Virginie-Occidentale, du Nevada et de Washington. Cette rencontre visait à explorer et à renforcer la coopération entre l’Indonésie et les États-Unis, notamment dans le secteur de la défense et des industries maritimes. Lors de cette réunion, PT PAL s’est déclarée prête à fournir des services de maintenance, de réparation et de révision (MRO) aux navires de la marine américaine opérant dans la région indo-pacifique.
JBC pour www.initiative-communiste.fr
Revue de presse :
Prabowo de l’Indonésie se rapprochera-t-il de Trump, de Xi ou des deux ?
traduit de l’anglais, Voax News 10 novembre 2024 – ndlr cet éditorial est le fait de journalistes des médias américain, sonne comme une revendication de l’orientation de l’actuel régime Prabowo
Le nouveau président indonésien Prabowo Subianto a lancé vendredi pour la Chine son premier voyage international en tant que président.
« De Pékin, je m’envolerai directement à Washington, D.C., sur l’invitation du président américain », a déclaré Prabowo à sa sortie de Jakarta. Les Indonésiens se réfèrent souvent à des personnalités par leur prénom.
Sa tournée vise à « cultiver de bonnes relations avec toutes les parties », a déclaré Prabowo. Il a déclaré son ambition de rehausser la visibilité internationale de l’Indonésie et a pris des initiatives précoces en matière de politique étrangère, y compris une décision surprise de rejoindre la plus grande économie de l’Asie du Sud-Est dans le bloc BRICS.
Les BRICS, qui représentent le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, constituent un groupe croissant d’économies émergentes et sont considérés comme un contrepoids à l’Occident. En octobre, le groupe a ajouté l’Indonésie comme l’un de ses 13 nouveaux « pays partenaires ».
Cette décision est une réorientation de la position prise par le prédécesseur de Prabowo, Joko Widodo, qui a investi massivement d’investissements dans les infrastructures de Pékin, mais est resté pour la plupart non aligné sur le plan géopolitique.
La visite de Prabowo intervient pendant une période de transition à la Maison Blanche, avant la nouvelle administration du président élu Donald Trump en janvier. La Maison Blanche n’a pas officiellement annoncé la visite; toutefois, Jakarta a déclaré que Prabowo devait rencontrer les États-Unis. Le président Joe Biden à la Maison Blanche au début de la semaine prochaine.
Des sources diplomatiques indonésiennes qui ont parlé sous condition d’anonymat ont déclaré à VOA que Prabowo avait demandé une réunion avec Trump. L’équipe Trump n’a pas répondu à la question de la VOA sur la question de savoir s’il sera accordé. Une réunion a également été demandée pour rencontrer Kamala Harris, la candidate démocrate à la présidence.
Nouvelle période de liens entre les États-Unis et l’Indonésie
À partir de janvier, les deux pays seront sous la teigne de dirigeants démocratiquement élus mais qui ont eu recours à une rhétorique autoritaire, à un moment où Washington se concentre sur sa rivalité avec le régime autoritaire en Chine sous Xi Jinping.
Comme Trump, Prabowo a fait un retour politique historique dans des circonstances peu probables. Il a obtenu une victoire écrasante après deux tentatives infructueuses, 26 ans après que son beau-père, le président Suharto, a été chassé du pouvoir. Cela, bien que Prabowo ait admis qu’il avait reçu l’ordre de Suharto en 1998 d’enlever des militants pour protester contre le régime.
Washington était au courant de l’implication de Prabowo, et les administrations Clinton, Bush et Obama ont refusé l’entrée de Prabowo aux États-Unis, invoquant des préoccupations en matière de droits de l’homme. L’administration Trump a levé l’interdiction de visa et le secrétaire à la Défense de l’époque, Mark Esper, a invité le ministre de la Défense de l’époque, Prabowo, à Washington en 2020.
Avec Trump à la Maison Blanche, disent les analystes, Jakarta pourrait voir plus d’opportunités d’élargir les liens avec Washington si Prabowo fait des percées par les bonnes personnes pour les bonnes incitations, étant donné l’histoire de Trump qui s’appuie davantage sur les relations personnelles que sur les relations institutionnelles.
Connexions personnelles
La personne pointée de Jakarta pour Washington sous la première administration Trump était Luhut Binsar Pandjaitan, un homme d’affaires et un général d’armée quatre étoiles à la retraite qui a ensuite servi en tant que ministre coordinateur des affaires maritimes et des investissements.
Luhut a développé des liens étroits avec Adam Boehler, chef des États-Unis. La Société financière du développement international et un ancien colocataire du gendre de Trump, Jared Kushner. En 2020, Boehler a bouleversé la promesse d’un investissement de 2 milliards de dollars dans le fonds souverain prévu par l’Indonésie.
Le plan a chuté parce que le prix, la reconnaissance d’Israel en vertu des accords d’Abraham de l’administration Trump, était trop élevé pour Jakarta, selon une interview que Boehler a donnée à Bloomberg à la fin de 2020.
Dans l’administration de Prabowo, Luhut occupe le poste de chef du Conseil économique national et conseiller spécial pour les questions d’investissement. Mais dans un cabinet de plus de 100 fonctionnaires, son influence a diminué.
« Le jeu est en train d’être mélangé en ce moment, et nous ne savons pas encore où les cartes atterrissent », a déclaré Yeremia Lalisang, professeure adjointe de relations internationales à l’Université d’Indonésie. Ce qui est clair, a déclaré Lalisang à la VOA, c’est que le Prabowo « pragmatique » sera ravi d’être accueilli par Trump après avoir été traité comme un » criminel des droits de l’homme » par les précédentes administrations américaines.
Une possibilité de renforcer les liens avec Trump serait pour Prabowo de capitaliser sur la connexion entre les milliardaires au sein du cercle intime de Trump. Cela comprendrait le soutien le plus riche de Trump, Elon Musk, et Hary Tanoesoedibjo, un magnat indonésien qui s’est associé à la famille Trump pour plusieurs projets immobiliers en Indonésie. Tous deux étaient à la résidence de Trump à Mar-a-Lago, en Floride, mardi soir, pour célébrer sa victoire électorale.
Tanoesoedibjo, qui passe généralement par ses initiales H.T., ne confirmerait pas s’il facilite une réunion Trump-Prabowo la semaine prochaine. Cependant, a-t-il déclaré, la victoire de Trump apporterait « l’espoir positif pour l’Indonésie ».
« La compréhension favorable de Trump de l’Indonésie devrait être concrétisation au bénéfice économique des deux pays, en particulier les intérêts économiques de l’Indonésie », a déclaré H.T. à VOA.
Investir dans le nickel
Sous l’administration de Jokowi, Jakarta a courtisé Musk, chef de SpaceX et Tesla, pour investir dans deux domaines clés: les satellites et les batteries de véhicules électriques. Au début de cette année, Musk a lancé le service Internet par satellite de SpaceX, Starlink, à Bali et dans les Moluques.
Avec les plus grandes réserves de nickel de la Terre, l’Indonésie est désireuse de développer son industrie des batteries électriques, et Prabowo devrait poursuivre ses efforts de son prédécesseur pour attirer Tesla à investir.
L’administration Biden a mis de côté des dizaines de milliards de dollars de crédits d’impôt pour stimuler les États-Unis. L’industrie des VE, en vertu de la loi sur la réduction de l’inflation, sa législation sur le climat et l’énergie stigmatisant. Pour être éligibles au crédit, 40 % des minéraux utilisés pour la production de batteries pour les VE vendus aux États-Unis doivent être extraits ou transformés dans le pays ou dans l’un de leurs partenaires de libre-échange.
Jakarta a fait pression en faveur d’un accord de libre-échange limité qui lui permettra de bénéficier des crédits d’impôt de l’IRA. Toutefois, son industrie du nickel est soutenue par des investissements de la part d’entreprises chinoises et assiégée par des préoccupations environnementales, ce qui limite son accès au marché américain.
« Vous pourriez voir une partie de ce changement de calcul au cours de l’administration Trump », a déclaré Andreyka Natalegawa, fellow associé pour le programme pour l’Asie du Sud-Est au Center for Strategic and International Studies. Trump a promis d’assouplir les restrictions environnementales.
La coopération entre les États-Unis et l’Indonésie sur le nickel est « là-bas comme objectif », a déclaré Ann Marie Murphy, chercheuse principale à l’Institut Weatherhead East Asian de l’Université Columbia. « S’il ne réussit pas à porter ses fruits, je pense que cela pourrait être décevant pour les deux côtés », a-t-elle déclaré à VOA.
Cependant, Trump, qui a fait des droits de douane élevés sur la Chine un thème central de sa campagne, examinera de près l’impact des droits de douane sur l’industrie des véhicules électriques. Il s’est engagé à réduire les crédits d’impôt disponibles pour les acheteurs de VE aux États-Unis.
Il suivra également les déficits commerciaux bilatéraux. En 2017, son administration a placé l’Indonésie sur une liste de surveillance de pays qui ont un important excédent commercial, menaçant Jakarta de conséquences non spécifiées si le commerce n’était pas rééquilibre.
« Il y a beaucoup de points d’interrogation ici que nous devons encore attendre et voir pour obtenir des réponses », a déclaré Natalegawa à VOA.
Yuni Salim a contribué à ce rapport.
Il est temps de choisir : le socialisme ou la barbarie ! par Coen Husain Pontoh (Indoprogress)
epuis le début des manifestations contre l’augmentation des indemnités des membres de la Chambre des représentants (DPR) le 25 août, rien ne semble s’apaiser. Cependant, ces protestations ne constituent que la partie émergée de l’iceberg des diverses politiques gouvernementales antipopulaires. Cette résistance populaire est le résultat de la misère et de l’oppression accumulées, et non d’une « intervention étrangère » ou de « provocations sauvages de voyous qui s’opposent à l’essor de l’Indonésie ».
Outre une série de politiques qui ont étouffé le peuple, celui-ci a été exposé à l’arrogance, à la cupidité et à la brutalité des élites, qui pouvaient tout faire en toute impunité. La patience a finalement été rompue. Ce n’est que lorsque le flot de manifestants s’est retrouvé devant leurs maisons, ou a même réussi à pénétrer dans leurs jardins pour détruire et piller leurs biens, que la classe dirigeante a ouvert les yeux. Cependant, elle n’avait aucune solution pour résoudre cette crise de souffrance populaire. Que firent ces élites ignorantes et n’ayant jamais souffert ? Certaines élites ont présenté des excuses massives au peuple indonésien pour leurs actes odieux. D’autres ont joué la carte du complotisme : « Cette action a été orchestrée par des acteurs étrangers », puis ont proféré des exhortations morales aux accents de charogne : « Hé, s’il vous plaît, manifestez pacifiquement, exprimez vos aspirations comme il se doit, ne soyez pas anarchiques, ne détruisez pas, ne pillez pas, et bla-bla-bla. » Pourquoi ces élites, ces oligarques ou la classe dirigeante n’avaient-ils aucun moyen de sortir de cette crise de souffrance populaire ?
Il y a quelque temps, dans un article intitulé « Prabowo et la dictature du capital », j’expliquais comment le gouvernement de Prabowo était prisonnier d’une dictature capitaliste. Le système économique capitaliste, adopté par l’Indonésie depuis le génocide de 1965 jusqu’à aujourd’hui, a contraint ce pays et le gouvernement au pouvoir à se soumettre à la logique de l’accumulation du capital s’ils voulaient survivre. L’objectif premier de la logique capitaliste est de maximiser les profits au profit de la classe capitaliste et de ses sbires, par exemple : l’imposition de faibles taux d’imposition ; la libéralisation des marchés des biens, des services et de la finance ; des baux fonciers à très long terme ; un accès facilité aux prêts bancaires ; l’octroi inconsidéré de permis miniers ; la privatisation des biens publics tout en réduisant drastiquement les dépenses publiques au nom de l’efficacité ; et l’affaiblissement du pouvoir syndical par la flexibilité des marchés du travail, l’externalisation , la précarité du travail, etc. Si la fluidité des investissements est perturbée, des boucliers et des armes sont prêts à la sécuriser.
Du fait de cette servitude au capitalisme, la productivité économique semble avoir augmenté rapidement ; des emplois ont été créés, permettant l’absorption de la main-d’œuvre ; des routes goudronnées et des gratte-ciel ont surgi partout, symboles de progrès. Pendant un temps, le choix du capitalisme comme voie de « construction du progrès de la nation » a été célébré comme une vérité absolue. L’autre face de la dictature du capital, qui n’apparaît pas dans le discours annuel du président sur l’état de la nation, est le prix élevé à payer. Pauvreté généralisée, fossé criant entre les riches (minorité) et les pauvres (majorité) ; services publics extrêmement défaillants et insouciants ; destruction de la solidarité sociale, chacun étant contraint à la concurrence ; individualisation des problèmes sociaux, conduisant à des solutions individuelles ; mafia judiciaire généralisée rendant difficile l’accès à la justice ; corruption de masse et destruction de l’écosystème environnemental due à une exploitation inconsidérée de la nature. La liste pourrait être longue.
En bref, cette dictature capitaliste crée alors deux mondes contradictoires : le « Monde oligarchique », constellé d’étoiles et orné d’or et de diamants, et le « Monde de la majorité », obscurci par d’épais nuages noirs, ponctués de grondements de tonnerre et d’éclairs. Dans le monde oligarchique, tout est bon, ordonné et prévisible. Dans le monde de la majorité, les gens vivent une vie de calcul, un avenir sombre et un quotidien précaire. Ces contradictions sont intrinsèquement liées ; elles ont besoin les unes des autres, mais sont aussi irréconciliablement opposées. Elles peuvent se manifester dans la clandestinité, dans les cafés et sur les réseaux sociaux, mais elles peuvent à tout moment exploser comme une lave brûlante et destructrice, comme nous le constatons aujourd’hui.
Il n’est donc pas étonnant que, lorsque ces deux mondes s’affrontent, se heurtent, puis entrent en confrontation violente susceptible de détruire l’ordre établi par cette dictature capitaliste, le monde oligarchique n’ait aucune solution pour résoudre la crise des souffrances humaines causées par cette dictature. Il ne peut imaginer, ou plutôt, a peur d’imaginer, comment échapper à l’étreinte chaleureuse de la dictature capitaliste. « Oh, comment puis-je vivre dans un monde vulnérable et sans avenir ? » Il ne peut donc que défendre ce système capitaliste autant que possible et avec la plus grande fermeté : il appelle toutes les composantes du monde oligarchique à renforcer leur unité, corrige les petites erreurs commises par les membres de leurs familles oligarchiques, tout en offrant des faveurs aux rebelles du monde majoritaire. Ni plus ni moins.
Nous nous demandons maintenant si nous voulons continuer à vivre sous une dictature capitaliste, qui propose désormais la démocratie représentative comme moyen de maintenir la vie politique. Est-il suffisant de pointer du doigt des membres de familles oligarchiques comme Ahmad Sahroni, Surya Utama alias Uya Kuya, Eko Patrio ou Nafa Urbach comme étant la cause profonde de ces souffrances ? Lorsque ces quatre personnes sont punies par leurs familles élargies, est-ce suffisant ?
Je ne le pense pas. Ces actions massives et massives ne sont pas sans précédent. Le résultat ? Les dirigeants de la dictature capitaliste restent arrogants, refusant de reculer d’un pouce sur leurs politiques. Après l’action de masse avec #DarkIndonesia qui a fait tant de victimes, ces oligarques ont ensuite adopté une série de politiques telles que l’augmentation de leurs allocations, des hausses d’impôts démesurées, l’attribution de titres honorifiques à leurs fidèles punakwan (punakwan), puis l’écrasement d’Affan Kurniawan. Ils ne travaillent pas pour le bien de la majorité ; ils renforcent en réalité le monde oligarchique, car c’est ainsi qu’ils maintiennent cette dictature capitaliste. Ils utiliseront, si nécessaire, des moyens barbares (lire : le militarisme ou le fascisme) pour maintenir leur pouvoir et leur richesse.
Nous devons donc proposer un nouvel ordre mondial qui serve les intérêts de la majorité des peuples. Nous avons lutté et continuerons de lutter avec conviction et sacrifice contre ces « mauvais » enfants de la lignée familiale oligarchique. Avec le même esprit et la même conviction, nous devons également lutter pour renverser la dictature du capital qui a donné naissance à ces familles oligarchiques. Cet ordre s’appelle le socialisme. Sinon, la barbarie frappera à notre porte. Voici le choix : barbarie ou socialisme.
Comment les conflits entre élites influencent-ils les manifestations en Indonésie ?
Une vague de protestations à travers l’Indonésie, déclenchée par les griefs sincères de nombreux Indonésiens privés de leur droit à des moyens de subsistance décents, a récemment dégénéré en émeutes violentes qui ont coûté la vie à au moins sept civils innocents .
Les troubles généralisés ont été déclenchés par la mort tragique du chauffeur de moto-taxi Affan Kurniawan, qui livrait de la nourriture à un client près d’un lieu de manifestation à Jakarta lorsqu’il a été renversé et tué par un véhicule tactique de la police le 28 août.
Signe de la colère croissante du public, des manifestants se sont rassemblés devant l’Assemblée nationale (la DPR), exigeant sa dissolution en réponse à une nouvelle allocation de logement exorbitante accordée aux législateurs et aux commentaires provocateurs de certains législateurs célèbres en réponse aux critiques sur leurs salaires élevés .
Le meurtre d’Affan a suscité l’indignation de l’opinion publique, notamment parmi les chauffeurs de taxi-moto, qui ont exigé que la police rende pleinement compte de ses actes. Insatisfaits de la réponse des autorités, les manifestations se sont poursuivies les jours suivants, un nombre croissant de manifestants prenant pour cible le siège de la police de Jakarta .
Le rassemblement devant la RPD, épicentre du mouvement de protestation, s’est déroulé dans l’ensemble dans le calme. Cependant, dans d’autres localités, la situation a dégénéré en violences, les manifestants incendiant des commissariats de police, des bâtiments législatifs et des bureaux gouvernementaux.
Les émeutes généralisées ont rapidement déclenché des troubles sociaux, de nombreux individus se livrant au pillage de propriétés appartenant à des membres célèbres du Parlement, et même à la ministre des Finances Sri Mulyani Indrawati, qu’ils ont ciblée en raison de ses propositions d’augmentation des impôts.
Violence orchestrée ?
Bien que les manifestations aient été, dans la plupart des cas, des événements publics authentiques et spontanés, la violence qui a suivi semble avoir été orchestrée – ou du moins manipulée – par de puissantes factions de l’élite oligarchique.
Ceci est démontré par le fait que les émeutes et les pillages se sont déroulés sans que les membres de l’armée indonésienne (TNI) présents sur place n’interviennent beaucoup. Cela rappelle les émeutes orchestrées de 1998 qui ont conduit à la chute de l’ancien président Soeharto et à l’effondrement de son Nouvel Ordre.
Dans le quartier de Kwitang, près du siège de la brigade mobile de police à Jakarta, des hommes en uniforme militaire ont même été filmés en train de distribuer des billets de banque à la foule, un geste rare visant à susciter la sympathie du public. La police, quant à elle, semblait léthargique face aux pillages et n’apparaissait sur aucune vidéo des événements.
La faible réponse sécuritaire aux émeutes de Jakarta, l’armée apparaissant bien plus sympathique à l’opinion publique que la police, soulève des questions sur les circonstances sous-jacentes à l’événement.
Les incendies criminels perpétrés contre les bus TransJakarta et les stations de transport rapide de masse ne font qu’ajouter au mystère. Ils ont été perpétrés par des auteurs non identifiés qui, selon les habitants, n’étaient probablement pas des manifestants , ce qui suggère que cet acte de vandalisme était orchestré plutôt que spontané.
Compte tenu de tout cela, la nature centralisée des opérations militaires et policières, la dynamique au sein de la direction de ces deux institutions et la manière dont elles sont liées aux compétitions d’élite doivent être examinées.
Émeutes de masse et compétitions d’élite
Les émeutes de 1998 reflétaient un conflit latent au sein de l’élite de l’époque, notamment au sein de la faction militaire soutenant l’oligarchie de Soeharto, dont Prabowo lui-même faisait alors partie. De même, les récents incidents de violence de masse à travers le pays, qui ont fait la une des journaux internationaux, pourraient également refléter les luttes de pouvoir persistantes entre les principales alliances oligarchiques sous la présidence de Prabowo.
Cette lutte oppose des factions d’élite rivales menées par Prabowo, l’ancien président Joko « Jokowi » Widodo, et Megawati Soekarnoputri, matriarche du Parti démocratique indonésien de lutte (PDI-P), le plus grand parti politique de la RPD. Leur rivalité porte en grande partie sur le contrôle des institutions de sécurité, notamment la police, devenue une cible de la colère populaire après l’assassinat d’Affan.
Jokowi, qui conserve une forte influence au sein de la police et, dans une certaine mesure, du Bureau du Procureur général (AGO), demeure une menace pour la présidence de Prabowo. Malgré une certaine harmonie politique avec son prédécesseur, Jokowi, dont le soutien a contribué à sa victoire écrasante à la dernière élection présidentielle, Prabowo a progressivement érodé son influence au sein de l’État. Il a même fait des avances à Megawati, une alliée devenue ennemie acharnée de Jokowi, afin de consolider son pouvoir politique.
Dans sa tentative la plus flagrante de saper l’influence de Jokowi au sein de l’État, Prabowo a gracié deux des principaux rivaux politiques de Jokowi peu de temps après leurs condamnations pour corruption : l’ancien secrétaire général du PDI-P Hasto Kristiyanto et l’ancien ministre du Commerce Thomas « Tom » Lembong , un proche allié de l’ancien candidat à la présidence et ennemi de Jokowi, Anies Baswedan.
L’équilibre des pouvoirs est en train de changer, notamment après que Megawati a publiquement soutenu l’administration Prabowo, malgré l’absence de membre du PDI-P au sein du cabinet rouge et blanc de Prabowo (bien que l’ancien chef des services secrets Budi Gunawan, le plus proche allié de Megawati, occupe le poste de ministre en chef de la Sécurité de Prabowo). Les dernières émeutes étant présentées principalement comme une critique de la police, actuellement dirigée par le général Listyo Sigit Prabowo, nommé et allié de Jokowi, les spéculations vont bon train : elles auraient été orchestrées – ou exploitées – pour créer un prétexte pour destituer Listyo et affaiblir davantage Jokowi.
Cela ne signifie pas que les manifestations ne sont que des outils au service des élites pour promouvoir leurs programmes politiques. Mais la réalité est que les occasions d’instrumentaliser les troubles sociaux à des fins politiques apparaissent lorsque les conflits entre élites s’intensifient.
La colère de l’opinion publique est clairement apparue en réaction à l’accumulation de problèmes apparus sous la présidence de Jokowi (2014-2024) et qui se sont poursuivis sous le règne de Prabowo. La politique controversée d’allocations logement pour les législateurs s’inscrit dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat , notamment au sein de la classe moyenne, dont le nombre a diminué ces dernières années. Le démantèlement des institutions post-réformes, comme la Commission d’éradication de la corruption (KPK), par l’élite, notamment sous Jokowi, a également érodé la confiance du public envers le gouvernement.
Les violences policières contre les manifestants ont alimenté ces griefs, provoquant une vague de protestations et de troubles de plus en plus répandue. Cela dit, les manifestations populaires, en tant que réponse organique aux nombreuses injustices auxquelles elles sont confrontées, sont vulnérables à l’exploitation à des fins politiques par les élites dans leurs compétitions.
Quel est le but final ?
Suite à l’assassinat d’Affan par la police, les appels se multiplient pour que le chef de la police, le général Listyo Sigit Prabowo, soit tenu responsable et destitué. Cependant, Prabowo s’est jusqu’à présent abstenu de le faire, ce qui soulève d’importantes questions quant à sa volonté de s’aliéner complètement son prédécesseur, Jokowi.
Depuis le début de sa présidence, le pouvoir de Prabowo repose sur des alliances avec d’autres personnalités clés de l’élite. Son succès aux élections de 2024 peut être attribué principalement au soutien de Jokowi, puisqu’il s’est présenté aux côtés de Gibran Rakabuming Raka, le fils de Jokowi, sur sa liste de vice-présidents. De plus, à la Chambre des représentants (DPR), son parti, Gerindra, n’est que le troisième plus grand parti ; Prabowo s’appuie donc sur une coalition pour faire adopter les lois.
Dans son discours en réponse aux troubles du 31 août 2025, Prabowo était accompagné de sept chefs de parti, dont Megawati Sukarnoputri, Bahlil Lahadalia, Surya Paloh, Muhaimin Iskandar et Zulkifli Hasan. Etaient également présents le président de l’Assemblée consultative du peuple (MPR), Ahmad Muzani, le président de la DPR, Puan Maharani, et le président du Conseil des représentants régionaux (DPD), Sultan Najamuddin. L’absence du vice-président Gibran était frappante.
Le discours était principalement composé de déclarations normatives, sans excuses pour les griefs des manifestants. Il a toutefois cité les dirigeants de la RPD, qui ont annoncé qu’ils révoqueraient certaines mesures, notamment les indemnités des députés, et imposeraient un moratoire sur les visites de travail à l’étranger, même si des délibérations supplémentaires seront nécessaires pour finaliser ces décisions.
Prabowo a également demandé à la police de faire preuve de responsabilité dans l’application de la loi, en particulier lorsque les troubles ont donné lieu à ce qu’il a qualifié de tentatives de trahison et de terrorisme de la part des manifestants. Mais rien n’indiquait que Listyo allait perdre la tête. Au lieu de cela, le lendemain, Prabowo a rendu visite aux policiers blessés lors des émeutes et a demandé à Listyo de les promouvoir.
Avec Listyo toujours à la tête des forces de police, Jokowi pourra conserver son pouvoir de négociation, du moins pour l’instant. Cela ne signifie pas que l’influence de Jokowi repose uniquement sur le contrôle exercé par Listyo sur la police. Mais la police, composée également de factions rivales représentant différents intérêts politiques et commerciaux, a étendu ses pouvoirs et ses capacités sous la direction de Jokowi et a depuis forgé une alliance solide avec l’ancien président. Certains critiques ont même qualifié la police de « Parti Brun » de Jokowi, en référence à la couleur de ses uniformes.
Les enjeux sont donc considérables pour la police. Si elle est perçue comme étant sous le contrôle de Jokowi, elle constituera une cible majeure pour Prabowo. Mais un alignement total sur Prabowo affaiblirait son pouvoir de négociation. Quoi qu’il en soit, il existe un risque que la police soit reléguée à une position subordonnée à l’armée, rappelant la structure des Forces armées indonésiennes (ABRI) sous le Nouvel Ordre de Suharto.
Si l’alliance Prabowo-TNI l’emporte, le président, ancien commandant des forces spéciales de l’armée (Kopassus), pourrait enfin consolider ses intérêts au sein de l’État et utiliser les émeutes comme prétexte pour réprimer davantage les dissidents en imposant la loi martiale. Un tel scénario a déjà été utilisé par certains partis comme argument de propagande pour démobiliser les manifestants et alléger la pression sur la police, tout en semant la peur de Prabowo et de l’armée dans l’opinion publique. Ce discours reflète clairement l’intensification des luttes de pouvoir entre les élites politiques, notamment entre l’alliance Jokowi-police et l’alliance Prabowo-TNI.
Mais quelle que soit l’issue des conflits au sein des élites, le mouvement de protestation populaire organique doit être conscient des risques de cooptation par les factions rivales de l’élite. Sans considérer le contexte plus large, les protestations sociales ne peuvent conduire qu’à l’éviction d’une faction des élites rivales, tout en permettant à d’autres de conserver le contrôle du pouvoir d’État, voire de l’accroître.
Rafiqa Qurrata A’yun est maître de conférences à la Faculté de droit de l’Université d’Indonésie et associée au Centre de droit indonésien, d’islam et de société (CILIS), Melbourne Law School, Université de Melbourne, Australie.
Ary Hermawan est rédacteur en chef pour l’Indonésie à Melbourne, rédacteur indépendant pour le projet Multatuli et chercheur à l’ISEAS-Yusof Ishak Institute de Singapour.
Abdil Mughis Mudhoffir est chercheur Alexander von Humboldt à l’Institut allemand d’études mondiales et régionales (GIGA), Hambourg, Allemagne et membre honoraire de l’Asia Institute, Université de Melbourne, Australie.
Prabowo et la remilitarisation du régime
Le général à la retraite qui est maintenant président a créé 100 nouveaux bataillons de l’armée et prévoit plus – et les critiques disent que la décision a des échos du passé autoritaire du pays.
Kate AgneauetBen DohertyJeu 28 août 2025 02.23 CEST
« Une grande nation comme nous », a déclaré le président indonésien Prabowo Subianto à la base avant lui, « a besoin d’une solide armée. Aucune nation ne peut être indépendante sans disposer d’une armée forte. »
Dans un discours avant d’inaugurer des troupes militaires dans l’ouest de Java ce mois-ci, Prabowo – l’ancien commandant des forces spéciales – a proclamé que l’Indonésie devait renforcer ses défenses pour protéger la souveraineté et les ressources de la nation.
Prabowo a donné le coup d’envoi de sa présidence avec un camp d’entraînement militariste pour son cabinet et maintenant, juste timide d’un an dans le travail, le général à la retraite se renforce des bottes sur le sol. Cent nouveaux bataillons ont été créés – avec des plans pour 500 au cours des cinq prochaines années – avec de nouvelles unités également pour les forces spéciales et les marines.
Les 100 nouveaux bataillons ont été créés pour aider à l’agriculture, à l’élevage et à la sécurité alimentaire, et ne recevront pas de formation au combat. Un porte-parole du ministère indonésien de la défense a déclaré qu’il ne pouvait pas publier d’informations sur la taille des nouveaux bataillons.
Dans la troisième plus grande démocratie du monde, l’expansion de l’armée et son fluage dans les domaines civils ont suscité des critiques de la part d’observateurs qui disent que la décision porte des échos du passé autoritaire du pays.
L’Indonésie a jeté les chaînes du régime autoritaire en 1998, lorsque Suharto, le dictateur du pays et ancien beau-père de Prabowo, a été contraint de démissionner après 32 ans au pouvoir.
Dans le cadre de l’ère de la réforme qui a suivi, la doctrine des dwifungsis, qui signifie double fonction et qui fait référence au rôle de l’armée dans la sécurité et les affaires civiles, a été démantelée.
Mais petit à petit, il semble faire un retour.
En mars, le gouvernement Prabowo a adopté une loi controversée permettant au personnel des forces armées d’occuper plus de postes civils. En plus des 100 bataillons nouvellement formés, créés dans le cadre du système de déploiement territorial de l’armée, il a été annoncé en juillet que l’armée commencera à fabriquer des médicaments pour la distribution publique, tandis qu’au sein du bureau du procureur général, une task-force spéciale qui comprend des officiers militaires a également été créée pour récupérer des terres des plantations de palmiers périmés.
L’omniprésence croissante de l’armée dans la vie indonésienne est un glissement de terrain démocratique inquiétant, déclare Made Supriatma, un chercheur invité à l’institut de recherche ISEAS-Yusof Ishak de Singapour.
«Même sans la double fonction formelle – la politique dwifungsi, vous verrez l’armée partout, ayant une influence ou un contrôle en politique, en politique, au gouvernement. Ils feront des choses qu’ils ne sont pas censés faire, où ils n’ont pas d’expertise », a-t-il déclaré.
Le gouvernement indonésien rejette fermement la revendication que l’expansion militaire signale une régression démocratique.
L’armée indonésienne ne peut s’immiscer dans les affaires civiles. Ils n’ont même pas le droit de voter aux élections. Ces accusations sont donc complètement exagérées », a déclaré le porte-parole de la présidence Hasan Nasbi au Guardian.
« L’Indonésie accroît sa capacité militaire de préserver son vaste territoire. L’Indonésie n’est pas seulement une vaste masse terrestre et en mer, mais elle comprend également 17 000 îles séparées par la mer. Par conséquent, cela nécessite une armée, une marine et une force aérienne fortes », a-t-il déclaré, affirmant que les nouveaux bataillons étaient nécessaires pour protéger la souveraineté du pays.
Mais les analystes notent que le virage autoritaire de l’Indonésie a commencé sous le dos de l’ancien président Joko Widodo, et que son prédécesseur a poursuivi la tendance.
« Fondamentalement, c’est quelqu’un qui gouverne en 2025 en utilisant un état d’esprit datant des années 1980 », a déclaré Yohanes Sulaiman, professeur associé à l’Universitas Jenderal Achmad Yani, « Toutes ces initiatives sont prises dans les années 80 pour améliorer la production agricole, pour améliorer les moyens de subsistance… fondamentalement, l’armée doit être impliquée dans le développement de l’État.
« Il s’agit donc de quelques pas en arrière en termes de professionnalisation de l’armée. »
Le fait de mettre des fermes entre les mains d’unités militaires était inefficace et avait, historiquement, prouvé contre-productif, a-t-il déclaré.
« Si vous regardez le rôle de l’armée, pour être franc, ils ne sont pas compétents pour faire cela… Si vous voulez être agriculteur, alors vous devez vivre en tant qu’agriculteur. Je veux dire, vous devez être professionnel.
« Il s’agit… d’une énorme ingérence militaire dans les affaires civiles. »
Le gouvernement affirme que la fabrication de produits pharmaceutiques par l’armée rendra les médicaments moins chers, tandis que le ministre de la santé a noté que les nouveaux bataillons pourraient être utilisés dans des catastrophes naturelles.
« Ce programme s’inscrit dans le cadre d’une politique visant à poursuivre le développement de la position de défense de la nation afin d’optimiser ses efforts pour sauvegarder la souveraineté nationale, l’intégrité territoriale et la sécurité nationale », a déclaré la porte-parole du ministère de la Défense, Frega Wenas Inkiriwang.
« Historiquement, l’unité des Forces armées nationales indonésiennes (TNI) avec le peuple est une partie inséparable de l’identité nationale indonésienne, d’autant plus que le système de défense et de sécurité de la population est mandaté par la Constitution. »
Mais l’analyste du risque politique Kevin O’Rourke de Reformasi Weekly a déclaré que l’ajout de 100 nouveaux bataillons n’augmenterait pas la capacité militaire et était « vraiment pervers ».
« Il dissipe l’effectif militaire, en déployant du personnel relativement petit pour un pays de sa taille, et en le déployant dans toutes les régions jusqu’au niveau des sous-districts. Donc, s’ils étaient nécessaires pour se rassembler à un moment donné, il leur faudrait des semaines pour se rassembler ».
O’Rourke a déclaré que l’augmentation représentait une nouvelle engrènement de l’armée dans les rôles civils.
Mais, a-t-il dit au Guardian, « l’extension des unités des forces spéciales marque une véritable augmentation des capacités militaires et sur le budget également, alors qu’il y a eu beaucoup de réductions ».
Les ministres du Cabinet ont soutenu le plan de Prabowo, le ministre des Finances Sri Mulyani Indrawati déclarant que le pays s’était engagé à financer les nouveaux bataillons, signalant un projet de budget de la défense de 335 milliards de rupiah (22 milliards de dollars) l’année prochaine – environ 37 % de plus que les prévisions 2025.
L’approbation intervient alors que la campagne d’austérité de Prabowo a précipité les violentes manifestations dans plusieurs régions du pays.
La nouvelle unité des forces spéciales sera également stationnée à Timika, dans la Papouasie ré furtive de l’Indonésie, où les forces indonésiennes sont accusées d’oppressions indigènes de Papouasie qui ont combattu pendant des décennies pour l’indépendance.
L’emplacement, a déclaré O’Rourke, « signale une approche brutale possible de la situation dans cette région ».
La prééminence croissante de l’armée indonésienne, a déclaré Supriatma, était révélatrice de la règle descendante de Prabowo.
« Le prabowo a une grande méfiance à l’égard de la bureaucratie civile », a déclaré Supriatma, « On a l’impression qu’il peut faire quelque chose pour avoir plus de contrôle, pour renforcer l’armée afin d’influencer les gens, ou d’effrayer les gens. »