Confrontée depuis 5 décennies à un cruel blocus états-unien, l’économie cubaine avait réussi l’exploit de survivre et de se redresser après la chute de l’URSS et du camp socialiste. Mais la crise du capitalisme mondial, les ouragans à répétition, les effets de l’austérité qui frappe les couches populaires des pays capitalistes sur le tourisme en général et à Cuba en particulier ne sont pas sans effet sur l’économie de l’Ile. En outre, et les communistes cubains en sont les premiers conscients, l’économie socialiste souffre d’un manque chronique d’efficacité et d’une pénurie de main-d’œuvre dans les domaines clés de la construction et de l’agriculture.
Tout cela dans un contexte où le gouvernement Obama, dans lequel abondent les faucons travestis en colombes, accroît sa pression déstabilisatrice, coups d’Etats inclus, sur l’ensemble des pays de l’ALBA à l’avant-garde desquels se trouvent Cuba et le Venezuela bolivarien de Chavez.
C’est dans ce contexte que les dirigeants cubains ont décidé de grandes réformes économiques visant à donner plus d’efficacité à l’économie cubaine en responsabilisant davantage les travailleurs. C’est ce qu’a discuté largement, après consultation des larges masses, le 6é congrès du PCC. Des mesures ont été prises : pour que plusieurs centaines de milliers de salariés du secteur public se mettent à leur compte ( artisanat, services, construction, etc.) ; des mesures socialement délicates comme la suppression de la « libretta » (le carnet donnant droit à tous les produits de base) pour ceux qui ont des revenus suffisants, ou comme l’allongement de l’âge du départ en retraite ; l’autonomie des entreprises devrait être accrue et la participation de capitaux étrangers devrait être favorisée dans certaines limites. Ainsi que l’a déclaré Raul dans son rapport au congrès : « La croissance du secteur non étatique de l’économie, loin de signifier une soi-disant privatisation de la propriété sociale, comme l’affirment certains théoriciens, est appelée à devenir un facteur facilitateur pour l’édification du socialisme à Cuba, car elle permettra à l’État de se concentrer à augmenter l’efficacité des moyens fondamentaux de production, propriété de tout le peuple et de se détacher de l’administration d’activités non stratégiques pour le pays., de mettre à jour le modèle économique et social dans le but d’assurer la continuité et l’irréversibilité du socialisme, ainsi que le développement économique du pays et l’élévation du niveau de vie, conjugués avec la formation nécessaire de valeurs éthiques et politiques de nos citoyens. »
Aussitôt les ennemis de Cuba et du communisme se frottent les mains en parlant de virage à 180 degrés, de perestroïka, de socialisme à la chinoise etc. Certains amis de Cuba s’interrogent également ; ces mesures , comme le retour aux entreprises individuelles ou à la responsabilité propre des entreprises ne sont-elles pas contraires à tout ce qu’a toujours conseillé le Che et n’ont-elles pas échouées en URSS à l’époque de Kroutchev ? Ce à quoi les communistes cubains qui ont toujours parlé de « socialisme avec le marché » et non de « socialisme de marché » assurent que l’Etat conservera dans ses mains les grands moyens de production, que la planification demeurera centrale, que les acquis de la Révolution ( éducation, santé, électricité) ne seront pas affectés comme nous l’a d’ailleurs écrit monsieur l’Ambassadeur de Cuba à Paris (IC n°103) : « Je tiens à vous commenter que les transformations économiques visant à mettre à jour le modèle économique cubain, sont dirigées vers le renforcement de l’économie cubaine, ce qui implique un renforcement de notre système social en général. Cela ne constitue pas un recul dans l’édification du socialisme à Cuba. »
Bien entendu, il est naturel que les communistes du monde entier s’interrogent tant Cuba socialiste, qui a tenu bon derrière Fidel face à la trahison gorbatchévienne, est au cœur de notre identité. Les communistes ne sont pas des dogmatiques ; ils savent bien que « Le socialisme est l’œuvre vivante des masses » (Lénine) et qu’il est quelquefois nécessaire de faire quelques pas en arrière ( NEP en Russie) ou de faire une autocritique bien ajustée à cent lieues des reniements et des auto-flagellations portant sur le passé d’un pays : car c’est un véritable exploit que ce petit pays de 10 millions d’habitants ait tenu tête aux USA depuis 50 ans en aidant toutes les luttes révolutionnaires dans le monde ; cela eut été bien évidemment impossible si Fidel et ses camarades n’avaient fait que des erreurs comme on voudrait nous le faire croire ici.
Dans ces conditions, le rôle des militants français de la solidarité avec Cuba est d’étudier dans un esprit marxiste la problématique réelle qui est aujourd’hui celle du socialisme cubain, y compris pour réfléchir à l’avenir du socialisme dans notre pays même si les conditions y sont très différentes. Nous savons tous qu’il n’y a pas de socialisme en dehors de la socialisation des grands moyens de production et d’échange, sans la planification démocratique du développement économique, sans le pouvoir effectif de la classe ouvrière, sans le développement continu de la démocratie populaire, sans la mise en œuvre du principe « de chacun selon ses capacités à chacun selon son travail » et sans la satisfaction croissante des besoins populaires. Les communistes cubains ne disent d’ailleurs rien d’autre et la garantie la plus fondamentale pour que le socialisme sorte renforcé du tournant actuel est la participation la plus large des masses populaires, en premier lieu de laclasse ouvrière, avec clairement à sa tête le PC cubain jouant le rôle de force d’avant-garde.
C’est pourquoi dans une situation difficile où tous les opportuniste et contre-révolutionnaires du monde attendent comme des vautours que Cuba connaisse le même sort que les ex-démocraties populaires de l’Est, le congrès du PCC n’appelle pas de notre part un relâchement mais une intensification résolue de la solidarité politique avec Cuba socialiste. Partout prenons des initiatives pour faire connaître la réalité cubaine, pour exiger la fin du blocus inhumain, pour dénoncer les pseudos « dissidents » pro-capitalistes chers à Ménard, l’homme qui fait l’éloge de Le Pen, pour demander la libération des 5 de Miami, pour permettre aux travailleurs français de débattre directement avec les représentants qualifiés de Cuba en France qui sont systématiquement censurés par la presse « libre » de notre pays.
En un mot, soyons acteurs et non spectateurs de la construction du socialisme à Cuba, accentuons la solidarité politique avec les pays de l’ALBA et appliquons le principe de la belle chanson cubaine : « Cuba, quien la defiende la quiere más »*