Le 30 aout 2025 s’est déroulée, à l’initiative du Secteur Etudes et prospective et de la commission des relations internationales du PRCF une visioconférence consacrée au 90eme anniversaire de l’Internationale communiste.
Y ont participé de manière constructive et fraternelle les partis suivants: Palestine , Suisse – Parti Communiste (Suisse), Allemagne , Espagne – PCPE, Italie – Parti Communiste (Italie), Hongrie – Parti des travailleurs de Hongrie
Le camarade Anatole S. présidait la réunion.
Les délégués des partis communistes représentés ont souligné l’intérêt du 90eme congrès du point de vue de leurs luttes nationales et internationales et ont marqué une vive attention aux thèses mises en discussion par Georges Gastaud au nom du PRCF.
Un numéro spécial de la revue Étincelles est en préparation sur le 90eme congrès où Dimitrov précisa le contenu de principe du Front populaire, patriotique, antifasciste et anti-impérialiste.
Remerciements à Stephen qui a servi d’interprète dans cette réunion dynamique et prometteuse.

Introduction politique du PRCF à la visioconférence portant sur le 90ème anniversaire du VIIème Congrès de l’Internationale Communiste.
Proposé par Georges Gastaud, responsable du Secteur Etudes et Prospective, et Fadi Kassem, secrétaire national – 30 Août 2025
Chers camarades,
Etudier et faire connaître les travaux du VIIème congrès du Komintern qui s’est tenu en 1935, souligner l’actualité du rapport introductif et des conclusions offensives qu’y présenta G. Dimitrov, c’est d’abord indispensable pour contrer l’euro-négationnisme et l’anticommunisme ambiants. Car tout occupée à criminaliser le communisme historique et à réhabiliter en sous-main les néonazis et autres néofascistes qu’elle soutient de Kiev à Rome en passant par Riga, la gouvernance réactionnaire de l’UE occulte sciemment le rôle décisif de l’Internationale communiste, de l’Union soviétique et des PC nationaux dans la victoire finale des peuples sur l’hitlérisme, de même que la droite et que la social-démocratie françaises actuelles mentent par omission sur l’origine des grandes avancées sociales que promurent les ministres communistes issus de la Résistance entre 1945 et 1947. En réalité, la mise à l’honneur du VIIème congrès par les marxistes-léninistes d’aujourd’hui constitue une tâche politique et stratégique majeure pour les organisations qui, nationalement ou internationalement, veulent promouvoir une ligne de masse innovante indispensable pour briser l’euro-fascisation galopante et pour stopper la marche à la guerre planétaire impulsée par l’Axe euro-atlantique.
Etudier les leçons du VIIème Congrès n’est pas de moindre importance pour ceux qui, en France, veulent mettre politiquement hors d’état de nuire le belliqueux Macron devenu à la fois le chef de file des va-t-en-guerre européens, le saccageur des acquis sociaux français et le fourrier permanent de l’ultra-droite représentée au gouvernement par le fascisant Bruno Retailleau. Majoritairement rejeté par le peuple français, le despote Macron tente ainsi de liquider ce qui subsiste de l’Etat-nation français en voie après quarante années d’euro-dissolution nationale. Discrédité en France, Macron cherche en effet à « rebondir » à l’échelle continentale en promouvant un Etat fédéral euro-atlantique dont il souhaite devenir le premier président en titre. Tout cela au mépris de la volonté du peuple français qui a rejeté la Constitution européenne lors du référendum de mai 2005 : tant pis si, pour plaire à l’oligarchie postnationale française, aux milieux atlantiques, à Friedrich Merz et à la Commission européenne, le bloc macroniste soutenu par le Parti « socialiste » et, à demi-mots, par le Rassemblement lepéniste, Macron et le premier ministre Bayrou doivent araser l’ensemble des protections sociales que le mouvement ouvrier français a jadis conquises au prix du sang. Tant pis si les gouvernements successifs doivent piétiner les libertés démocratiques et la volonté souveraine du peuple français qui avait placé la gauche en tête aux législatives 2024. Tant pis aussi si Bayrou ne se maintient au Parlement qu’avec la complicité des députés lepénistes. Tant pis enfin si l’oligarchie française championne toutes catégories en matière de trahison nationale doit accepter, pour infliger une défaite historique au mouvement ouvrier, le réarmement de l’impérialisme allemand et si, dans le même temps, l’armée française arrimée à l’OTAN est mandatée par Macron pour préparer, arme nucléaire française à l’appui – ce que l’UE-OTAN appelle très officiellement un « conflit global de haute intensité » visant la Chine populaire et la Fédération de Russie.
Face à cette politique fascisante qui prend des allures de guerre anti-ouvrière ouverte, de démontage national et de revanche posthume sur le pays de Stalingrad, le PRCF considère que, sous des formes évidemment très différentes de celles de 1935, la ligne de principe dégagée par le VIIème congrès est porteuse d’une croissante actualité. Dans le temps dont nous disposons pour la présente intervention, il est évidemment impossible d’établir un comparatif approfondi de ce qui distingue et de ce qui rapproche les problématiques politiques de 1935 et de 2025. Nous nous contenterons donc ici de soumettre au débat plusieurs thèses politiques sachant que va prochainement sortir, pour ceux d’entre vous qui comprennent le français, un numéro spécial d’Etincelles, la revue théorique du PRCF : entièrement dédié au VIIème congrès, ce numéro approfondira les questions qui ne peuvent qu’être esquissées ici.
1ère thèse : Face à l’euro-fascisation galopante, il faut unir comme jamais, dans la droite ligne du VIIème congrès, l’internationalisme prolétarien au patriotisme populaire, donc disputer sans complexe aux fascistes, sur nos bases de classe, le drapeau de la souveraineté nationale. Il faut de plus lier dialectiquement l’engagement pour l’indépendance nationale à la lutte stratégique pour le socialisme.
Comme on le sait, Dimitrov insiste dans ses conclusions de 1935 sur l’impérieuse nécessité pour les partis communistes de se faire les champions de l’indépendance de leurs patries respectives car, comme on sait, le Troisième Reich voulait forger la Grande Europe germanique sur les ruines des nations libres en s’acoquinant aux oligarchies vassales de nombre de pays européens « préférant Hitler aux soviets ». A l’époque, la grande bourgeoisie française aimait mieux soutenir les Accords de Munich que combattre les menées nazies en Europe centrale ; elle restait l’arme au pied durant le putsch franquiste en Espagne et devant l’invasion allemande de la Pologne et, par la suite, le régime de Pétain issu de la défaite a honteusement collaboré avec le Reich qui occupait le territoire français. C’est parce qu’ils s’étaient pleinement appropriés cette ligne de masse patriotique, antifasciste et populaire à la fois, que les militants clandestins du PCF-S.F.I.C. purent alors, sous le Front populaire de 1936 puis durant la guerre, devenir les chefs de file de la Résistance nationale armée, qu’ils surent créer les glorieux bataillons des FTP-F et des FTP-MOI, que 100 000 mineurs du Nord occupé firent grève en mai 1941 à l’appel du PCF et de la CGT clandestins. Enfin, c’est sous le commandement des communistes Rol-Tanguy et Tollet que Paris fut libéré en août 1944 bien avant l’entrée de l’armée française régulière dans la capitale. C’est pour cela qu’en 1946, le PCF alors surnommé par les masses le « Parti des Fusillés » recueillait près de 30% des voix aux législatives. Certes, les conditions géopolitiques sont loin d’être les mêmes aujourd’hui et les modalités d’un futur « Front patriotique et populaire » devront en tenir compte. Mais dans le principe, la nécessité politique d’un tel front n’est pas moins grande qu’en 1940 car de nos jours, la direction ultraréactionnaire du patronat « français » proclame ouvertement, dans un Manifeste intitulé « Besoin d’aire », la nécessité d’élargir la quête du profit capitaliste au monde entier en liquidant l’Etat-nation, en créant un Etat européen et une « Union transatlantique », en faisant peu à peu de l’anglo-américain la langue officielle de l’UE, en liquidant tous les acquis sociaux et toutes les institutions héritées de la Révolution française. Il revient donc à la classe travailleuse qui, sur la base de son expérience, a balayé la constitution européenne en 2005, de prendre la tête du rassemblement pour la reconquête de la souveraineté nationale et la relance du « produire en France » dévasté par quarante années de délocalisations, de privatisations et de casse agricole européenne. Or tout ceci restera impossible sans la nationalisation franche des secteurs-clés de l’économie portée par une alliance anti-oligarchique rompant avec la « gauche » européiste tout en affrontant la réaction xénophobe elle aussi acquise à l’UE-OTAN.
Non seulement cette stratégie de Frexit progressiste et anti-impérialiste n’en rabat pas sur la visée du socialisme-communisme pour la France, mais elle ne peut que déboucher sur un vaste affrontement de classes, peut-être plus proche qu’on ne croit, rassemblant la nation laborieuse, isolant le grand capital et ouvrant sur une crise politique révolutionnaire de portée continentale.

Concluons ce premier point en regrettant que le Mouvement communiste international soit quasi absent comme tel de la résistance des peuples à l’entreprise hégémoniste mondiale impulsée par les Etats anglo-saxons depuis 1945, et visant à imposer au monde entier le « Globish English » de la mondialisation néolibérale. La résistance est indivisible et un monde multipolaire sur les plans politico-économique ne saurait être unipolaire sur les plans linguistique et culturel. Cela, les communistes des années 1930, 1940 et 1950 l’avaient compris et, par ex., le PCF des poètes Aragon et Eluard avait eu l’intelligence politique, dans la droite ligne du rapport Dimitrov exhortant les P.C. à se faire les champions de leur culture nationale respective, de créer durant l’Occupation nazie le journal Les Lettres françaises qui faisait vivre la langue et la poésie françaises avec l’aide des plus grands écrivains antinazis d’alors, y compris des non-communistes comme Mauriac, Triolet, Vercors ou Sartre.
2ème thèse – Face au danger de guerres impérialistes mondialisées comportant à notre époque une dimension hégémoniste, voire exterministe, le VIIème congrès nous a appris en principe, non pas à dénoncer abstraitement l’« impérialisme », mais à pointer à chaque époque l’ennemi principal des peuples.
Hier, le VIIème Congrès invitait les communistes non pas à renvoyer dos à dos l’Allemagne nazie et ses rivaux occidentaux, fussent-ils impérialistes (France, Angleterre, USA…), mais à cibler principalement l’hitlérisme allié à Mussolini et aux militaristes japonais que le Komintern qualifiait à raison de « phalange de choc de la réaction mondiale ». Du reste, la défaite finale de Hitler en 1945 a abouti à l’extension sans précédent du camp socialiste mondial, ce qui démontre l’inanité des trotskistes reprochant au VIIème congrès d’avoir enterré la lutte pour le socialisme au nom de l’antifascisme. Aujourd’hui, il serait simpliste et erroné de renvoyer dos à dos, comme le font pourtant, à l’égal des trotskistes, certains partis communistes, d’une part les pays très divers composant les BRICS – même si certains d’entre eux sont bourgeois et contre-révolutionnaires comme la Russie ou lourdement réactionnaires comme l’Inde de N. Modi – et d’autre part l’hégémonisme euro-atlantique, cet ennemi n°1 des peuples, y compris des peuples ouest-européens et nord-américains. En effet, depuis 1945, comme l’a établi notre camarade historienne Annie Lacroix-Riz, l’impérialisme états-unien flanqué de ses vassaux anglo-saxons, européens, sud-coréen et japonais, est tenté, pour maintenir la domination mondiale menacée du dollar et surtout pour éviter d’être supplanté par la Chine dirigée par le PCC, de jouer son va-tout dans une Troisième Guerre mondiale potentiellement exterminatrice, armes nucléaires aidant. Et cet hégémonisme planétaire est d’autant plus dangereux qu’il est sur le déclin et qu’il joue avec la survie même de l’humanité, prend appui sur les forces les plus réactionnaires de la planète, des néonazis kiéviens aux ultra-sionistes en passant par les djihadistes de l’Etat islamique (Syrie), par la secte chinoise obscurantiste Falun Gong et par les messianistes nord-américains les plus délirants.
Bien entendu, tout grand pays capitaliste tend, à notre époque, à exporter ses capitaux, à développer des formes de surprofit néocolonial, et il ne s’agit nullement d’idéaliser les pays composant les B.R.I.C.S. + dont la bigarrure politique est à la fois colossale et bienvenue, de Cuba à l’Arabie saoudite. Mais, d’une part, comment ne pas constater que dans les cinq Etats composant le noyau initial des BRICS, Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, les traditions et l’héritage prolétariens et communistes sont forts ou ne demandent qu’à revivre ? Si bien qu’une victoire mondiale de la Multipolarité portée par les BRICS ne manquerait pas de relancer l’affrontement Capital/Travail et Capitalisme/Socialisme à l’échelle du monde, d’autre part que la lutte pour la multipolarité encourage tous les pays dominés ou marginalisés du monde à réaffirmer leur souveraineté nationale contre l’hégémonisme dominant (on le voit des pays de l’ALBA aux pays du Sahel), ce qui est très positif. En réalité, l’hégémonisme euro-atlantique étant de nos jours le fer de lance de la mondialisation capitaliste la plus débridée, sa défaite ouvrirait une brèche énorme au flanc du capitalisme lui-même comme la défaite de l’hitlérisme a ouvert en 1945 une brèche énorme qui a permis de créer le camp socialiste européen et d’ouvrir la voie aux révolutions socialistes et/ou anti-impérialistes de Chine, du Vietnam, de Cuba et d’Afrique. D’autant que le prolétariat mondial, et spécialement la classe ouvrière, se réveille un peu partout depuis le début des années 2020 sous la forme d’un puissant mouvement gréviste qui s’étend de l’Inde à la Grande-Bretagne, du Bangladesh à la Corée du sud, du Mexique aux USA en passant par le Québec, sans compter, dans la dernière période, les mouvements de grève en Grèce, Belgique, Italie, et bientôt sans doute, en France. Ce qui serait dangereux pour la classe ouvrière et pour les communistes qui aspirent à la représenter, ce serait de disparaître derrière les BRICS, de s’effacer derrière tel ou tel pays les composant, d’abandonner leur devoir qui est de conquérir la direction politique de larges fronts antifascistes, anti-impérialistes, anti-hégémonistes, voire anti-exterministes qui, tous, visent en dernière analyse le capitalisme. Car finalement, le monde ne pourra s’affranchir définitivement du fascisme, de l’impérialisme, de l’hégémonisme et de l’exterminisme qu’en instituant dans un maximum de pays un socialisme-communisme assumant, contre le capitalisme devenu universellement mortifère, la tâche proprement vitale de reconstruire au plus vite, dans ce monde ravagé par la course au profit, les conditions sociales, culturelles et environnementales de la civilisation et de la vie.
Renvoyer dos à dos l’impérialisme états-unien et la Chine populaire serait une erreur encore plus grave. On peut discuter longuement des caractéristiques du « socialisme à la chinoise », mais nul ne peut contester que le développement du géant chinois offre aujourd’hui à une multitude de pays, qui sans cela seraient digérés sans restes par l’impérialisme, de fortes opportunités de développement, de l’Amérique latine à l’Afrique en passant par l’Eurasie. Par ailleurs, comment ignorer les signes d’évolution politique vers la gauche qu’a multipliés le PCC sous le magistère de Xi Jinping (primat accordé au marché intérieur, création d’une sécurité sociale, présence de cellules du parti dans chaque grande entreprise, retour en force de la planification à long terme, référence appuyée à Marx, confrontation assumée avec l’hégémonisme étatsunien…) et surtout, de sous-estimer le potentiel politique de la classe ouvrière et de la paysannerie chinoises, dont l’imaginaire politique reste attaché à la Révolution de 1949. Tôt ou tard, la classe ouvrière réaffirmera d’autant plus fortement son rôle dirigeant que la Chine se tournera plus ardemment, non sur les aléas du capitalisme mondial, mais sur le retour à une planification dirigée par le Parti. Etant donné la présence d’une couche de milliardaires organiquement liés à la mondialisation capitaliste, une telle réaffirmation ne se fera pas, bien sûr, sans confrontations de classes intérieure et extérieure.
3° Thèse – Comprendre dialectiquement les liens dynamiques existant entre fascisation de la démocratie bourgeoise et basculement au fascisme proprement dit.
Bien des progressistes confondent hélas « fascisme » et « fascisation ». Le fascisme, défini par Dimitrov comme le dispositif politique permettant aux couches les plus réactionnaires de l’impérialisme d’écraser la classe ouvrière, et pour cela de liquider les libertés, mais aussi de préparer tranquillement la guerre impérialiste, n’est que le terme du processus de fascisation. C’est pourquoi il ne faut pas crier au fascisme achevé devant toute mesure de durcissement policier de la démocratie bourgeoise, car cela ne ferait que banaliser le fascisme proprement dit et qu’affaiblir la vigilance des travailleurs. Mais symétriquement, sous prétexte que les formes de la fascisation ne sont jamais les mêmes selon les pays et les époques et que, par exemple les pays de l’UE ne sont pas pour le moment des fascismes achevés, il ne faut pas nier le processus de fascisation de plus en plus net des démocraties bourgeoises qui, confrontés à une rupture de consentement politique de la part des classes populaires, notamment à un refus larvé de la « construction » européenne, du soutien à l’OTAN, de l’acceptation du capitalisme, du suivisme à l’égard du génocide palestinien, etc., se durcissent de plus en plus, cultivent l’anticommunisme d’Etat, flirtent avec l’extrême droite raciste, s’allient aux mouvements bandéristes, néonazis ou néo-mussoliniens, désignent comme boucs émissaires de la crise sociale telle ou telle partie de la population (notamment de nos jours « les musulmans ») ; bref, comme Dimitrov l’avait observé, créent de plus en plus les conditions du fascisme stricto sensu, c’est-à-dire de la liquidation de la démocratie bourgeoise et de la violence débridée à l’encontre des travailleurs.

C’est la raison pour laquelle, même si les formes de la fascisation ont changé entre les années 1930 et aujourd’hui, il faut toujours, pour combattre la marche au fascisme, associer ce combat à la défense des intérêts populaires, au refus des guerres impérialistes, à la défense de la souveraineté des nations – laquelle est tout autre chose que la xénophobie d’Etat – sans cesser pour autant d’affronter directement l’extrême droite proprement dite. En France, par exemple, il est aberrant de procéder comme le font le PCF, la France insoumise, les Verts, le PS et même certains « marxistes-léninistes » paniquards : sous couvert de « faire barrage à Le Pen », ces gens rallient systématiquement Macron au second tour des élections ; or cela ne fait que discréditer davantage la « gauche » auprès des masses, encourage Macron à taper plus fort sur la classe laborieuse et renforce, en définitive, l’extrême droite qui se présente en « martyr du système ». L’antifascisme ne signifie donc pas soutenir par défaut le bloc bourgeois « fascisateur », mais appeler les travailleurs non seulement à combattre l’extrême droite, mais à frapper sur la politique euro-atlantiste qui crée en permanence le terreau socio-culturel de la fascisation. L’antifascisme actuel ne doit donc pas consister à rêver d’une impossible « réorientation progressiste de l’UE » comme le fait le PCF comme si l’UE était une alternative au fascisme, mais à expliquer que la « construction » européenne, en tant qu’elle vise à installer un Empire fascisant et guerrier, à araser les acquis populaires de chaque pays, à dépecer les nations libres, à criminaliser le communisme, etc., est par essence et en fait, avec la crise générale du capitalisme dont il est un symptôme, une des causes profondes de la fascisation, lesquelles ne doivent pas être moins combattues que l’extrême droite. Et c’est d’autant plus vrai que, à notre époque, la vieille extrême droite dite « populiste » et la nouvelle réaction ultra-belliciste qui se réclame de l’UE-OTAN et de la croisade antirusse, ont déjà commencé à fusionner comme le montre le soutien apporté par Ursula von der Leyen et Cie au régime ukrainien truffé de néonazis avoués.
Plus globalement, et s’agissant du rôle historique des Trump, Le Pen, Salvini, etc., il convient d’expliquer qu’ils ne sont en rien des éléments « extra-systémiques » exprimant de manière déformée la juste révolte des masses, car toute complaisance à l’égard de ces tristes sires conduirait ses auteurs au déshonneur, mais qu’avec ces individus, le capitalisme monopoliste d’Etat et l’impérialisme-hégémonisme, voire l’exterminisme, ces facteurs structurels de guerre et de fascisation, restent prédominants sous d’autres formes. Sous des leurres idéologiques et des tactiques différentes, l’impérialisme-hégémonisme-exterminisme ne saurait changer de nature tant que le prolétariat ne l’aura pas éradiqué par la révolution. Bref, comme l’avait justement exprimé Dimitrov, si un peu d’antifascisme éloigne de la dictature du prolétariat, beaucoup d’antifascisme correctement ciblé nous en rapproche.
4ème thèse : dans les formes propres à notre temps, il convient de bâtir un large Front antifasciste, pacifique, patriotique et populaire. La classe ouvrière doit s’en faire la force motrice sans jamais perdre de vue l’objectif final : le socialisme.
Tantôt avec des arguments de droite, tantôt avec des arguments de « gauche », certains continuent à tort, comme les trotskistes des années 19930, d’opposer les politiques « frontistes » aux politiques « classe contre classe ». Déjà en 1935, Dimitrov à l’international et Thorez en France nous ont appris à associer front populaire et confrontation avec le réformisme. En effet, dans ses conclusions au VIIème congrès, Dimitrov expliquait déjà que fétichiser les « fronts », oublier le rôle central du prolétariat, négliger le renforcement du parti, oublier la visée socialiste, tout cela ne pourrait mener qu’à l’opportunisme de droite, qu’au triomphe de la social-démocratie, donc à la victoire d’une politique bourgeoise au sein de la « gauche » et à a rupture finale du front antifasciste avec les larges masses. De nos jours, cette tendance à se dissoudre dans les fronts, qu’ils soient de périmètres national ou international, mène à l’impuissance et au discrédit. En France on a récemment eu le triste exemple du « Nouveau Front Populaire » concocté par la France insoumise, le PCF, les Verts et le PS : fondé sur un programme indigent, dénué de toute dimension anti-atlantique, le « NFP » n’aura même pas tenu un an ! Il aura surtout servi à remettre en selle le PS et à promouvoir le groupe « de gauche » fanatiquement belliciste dirigé par Raphaël Glucksmann.
De même à l’échelle internationale, aucun P.C. ne devrait-il jamais s’effacer derrière une alliance anti-impérialiste, contre-hégémoniste ou antifasciste, car en définitive, la force du parti allié au syndicalisme rouge et ancré dans le monde du travail est la vraie garante du Front antifasciste. On peut du reste s’interroger pour savoir si la dissolution du Komintern prononcée en 1943 n’aura pas constitué une erreur stratégique : officiellement motivée par la volonté de faciliter la mise en place de la grande Coalition antifasciste et le renforcement des fronts nationaux antinazis, cette dissolution a certes eu un effet positif de court terme en rassurant les Occidentaux, donc en contribuant à l’ouverture du « second front », mais par la suite elle aura privé le Mouvement communiste international et les PC nationaux d’une organisation mondiale leur permettant d’agir méthodiquement de concert contre l’impérialisme et la contre-révolution, etc. C’est pourquoi le PRCF propose aux organisations-sœurs de mener une réflexion de principe sur la reconstitution d’une Internationale Communiste et Ouvrière qui tiendrait compte des acquis majeurs de la Troisième Internationale, mais aussi des améliorations qu’il faudra apporter au travail internationaliste à venir pour une coopération efficace des forces révolutionnaires. Une telle renaissance de l’I.C. ne serait-elle pas bien venue par ailleurs pour surmonter les divisions présentes qui paralysent le MCI ? Ne serait-elle pas une aide puissante pour donner un débouché politique international aux luttes grévistes de la classe ouvrière, permettre aux partis communistes de combattre ensemble le négationnisme historique, promouvoir ensemble l’idée d’un socialisme-communisme de nouvelle génération, ou pour soutenir les BRICS sans sombrer dans le suivisme à l’égard de tel ou tel régime bourgeois, social-démocrate ou contre-révolutionnaire ?
Une erreur non moins grave serait de cultiver l’isolement des partis communistes et de risquer ainsi ce que Marx appelait le « solo funèbre de la classe ouvrière ». Tel serait le cas si les PC existants mettaient un trait d’égalité entre toutes les forces non prolétariennes d’un même pays, s’ils refusaient de cibler spécialement le fascisme, l’hégémonisme et l’impérialisme au risque d’aider la réaction à globaliser ses forces et à nous isoler. Tel serait le cas si, suivant certaines conceptions moins dialectiques que « pyramidales », des partis communistes mettaient dans le même sac les Etats-Unis, l’UE et Israël, mais aussi la Chine, l’Iran et la Russie, ou si, à l’intérieur d’un pays donné, les communistes tenaient sottement pour une masse homogène les fascistes et les forces démocratiques inconséquentes qu’il faut savoir gagner, par le dialogue et l’action commune, à une lutte efficace. Par exemple, en France le PRCF s’efforce de dialoguer et d’agir (au moins à la base puisque les états-majors politiques refusent le contact…) avec les militants de la France insoumise ou d’autres groupes républicains et pacifiques – pourvu qu’ils soient bien entendu non raci(ali)stes.
Pour autant faut-il voir la politique de front populaire comme une alternative à la tactique « classe contre classe » qui prévalut d’abord dans l’Internationale ? Nullement. Si le but de cette tactique était d’isoler la direction droitière de la social-démocratie, de la confronter à l’unité populaire en marche, de concevoir le front non comme une alliance entre réformistes et révolutionnaires mais comme un moyen de placer le réformisme devant ses contradictions, alors non seulement le front populaire bien compris n’est pas contradictoire de l’orientation classe contre classe mais il en est le couronnement bien compris. C’est encore plus vrai à notre époque où la social-démocratie, au moins en Europe, se scinde souvent en courants opposés (c’est clair en France où s’opposent le PS droitier et la France insoumise plus à gauche mais erratique et peu rationnelle), et où le but d’une politique unitaire ne saurait être, à l’encontre de ce que fait aujourd’hui le PCF, de coller électoralement au PS, mais bien d’isoler cette organisation euro-atlantiste qui n’est plus, avec ses amis Verts, que le pilier gauche de la marche à la guerre mondiale.
5ème thèse. Il faudrait aussi mesurer l’actualité du VIIème congrès sur une série d’autres problèmes contemporains où il convient à la fois de garder le cap du socialisme et de pratiquer l’unité la plus large.
Il est impossible ici de développer tous ces points. N’en prenons que quelques-uns au risque de paraître sommaire :
– Cuba : Il faut l’union la plus large pour combattre le blocus anti-cubain : pour autant, nous ne pouvons pas nous dissoudre dans un front « humanitaire » car, pour défendre efficacement le peuple cubain, il faut aussi défendre Cuba socialiste et le PC cubain que Trump, en tentant d’affamer le peuple, voudrait isoler de sa population. Nous serons toujours du côté de ceux qui, à Cuba, clament avec Diaz-Canel « las calles son de revolucionarios » !
En Palestine, nous participons aux rassemblements contre le génocide et soutenons toutes les résistances, mais notre solidarité politique va aux marxistes-léninistes de la région. Plus globalement, nous pratiquons le soutien militaire qu’il faut apporter à toutes les forces anti-hégémonistes vu que l’UE-OTAN, l’Etat israélien et l’impérialisme états-unien se comportent objectivement en ennemis principaux des peuples. Mais par exemple en Russie, notre soutien politico-idéologique va aux communistes du PCFR, sans aucune idéalisation de Poutine qui a accusé Lénine et les bolcheviques d’être responsables de la situation actuelle en Ukraine avant l’intervention spéciale de février 2022. Là encore, la visée de classe à long terme, le socialisme-communisme, ne doit pas s’effacer devant la nécessité immédiate de faire front, comme inversement, notre attachement au léninisme n’a rien d’un purisme idéologique nous conduisant à abandonner ceux qui résistent quand bien même ils seraient éloignés de nous sur les questions de religion, de laïcité et de défense des « Lumières ». De même on doit à la fois soutenir la lutte héroïque des forces patriotiques chiites du Liban et, c’est plus nécessaire que jamais, défendre sans concession l’égalité hommes/femmes et travailler à l’unité internationale des philosophes et des scientifiques marxistes-léninistes pour la relance du matérialisme dialectique et de la conception scientifique et progressiste du monde.
– Sur l’émancipation féminine, il faut participer aux rassemblements contre les idéologies réactionnaires, mais cela ne doit pas ralentir notre effort national et international pour promouvoir le féminisme populaire rouge que sut pratiquer Clara Zetkin pour unir le mouvement des femmes au mouvement général du prolétariat.
Idem concernant les luttes pour l’environnement : pas question de faire la fine bouche devant les manifestations de jeunes pour le climat, même si elles sont souvent naïves. Mais que cela n’empêche pas les jeunes communistes de jouer leur rôle irremplaçable en rappelant après Marx que « le capitalisme n’engendre la richesse qu’en épuisant ses deux sources, la Terre et le travailleur ».
Conclusion : la ligne de principe dessinée par le VIIème congrès nous incite plus que jamais à refuser à la fois le « solo funèbre de la classe ouvrière » et l’union sans contenu derrière telle ou telle force bourgeoise, petite-bourgeoise ou nationaliste, fût-elle « contre-hégémoniste ». En défendant cette orientation à la fois rigoureuse et fédératrice, Dimitrov n’a pas trahi l’essence du léninisme, il l’a pleinement déployée ; car pour Lénine, le Parti doit unir derrière lui toutes les forces du changement social étant donné que, seule, la classe ouvrière est à même de regrouper autour d’elle, en un vaste « front des fronts », l’ensemble des combats pour l’émancipation. De nos jours où, le capitalisme devenu exterministe conduit l’humanité à la mort et/ou à la barbarie, les communistes ont donc la plus haute des responsabilités : celle de porter de façon conséquente, c’est-à-dire jusqu’à la victoire finale du communisme, le combat anti-exterministe pour la vie.
C’est ce qu’avait saisi Fidel quand, dénonçant à demi-mots Gorbatchev et sa politique d’abandon du socialisme au prétexte de paix universelle, le dirigeant cubain terminait son discours historique de juillet 1989 à Camaguey par le mot d’ordre à la fois révolutionnaire et universellement fédérateur : Patria(s) o muerte, socialismo o morir, venceremos !
Georges Gastaud