
Neutralité à l’épreuve de l’impérialisme hégémonique : Irlande et Suisse face aux défis de l’OTAN et de l’UE
Alors que l’UE et l’OTAN ne cessent d’escalader et agir pour prolonger la guerre en Ukraine, deux pays longtemps emblématiques de la neutralité — l’Irlande et la Suisse — se retrouvent au cœur d’un débat politique intense sur l’avenir de leur posture stratégique. En toile de fond, un constat politique objectif: la neutralité, telle qu’elle a été conçue après la Seconde Guerre mondiale, est aujourd’hui confrontée à la réalité géopolitique d’un impérialisme désormais au stade hégémonique, sous la férule violente des Etats Unis et de son régime guerrier et totalitaire de Donald Trump.
Irlande : une neutralité populaire mais fragilisée, défendue par les communistes irlandais
Historiquement, l’Irlande n’a jamais adhéré à l’OTAN et a développé au fil du temps une politique de neutralité militaire qui lui est propre — souvent décrite comme une neutralité « sui generis », ni alignée sur les blocs militaires ni définie par une interdiction constitutionnelle stricte. Ce positionnement remonte à la Guerre mondiale, lorsque Dublin, fraîchement indépendante, choisit de rester en dehors du conflit — une décision qui a marqué durablement l’identité politique du pays.
Toutefois, la neutralité irlandaise n’est pas gravée dans le marbre constitutionnel : la Constitution n’impose pas explicitement un statut neutre. Cette neutralité lui permet aussi une certaine indépendance géopolitique vis-à-vis de Londres, alors que la guerre civile fait rage en Irlande du Nord.
Aujourd’hui encore, la neutralité militaire est largement soutenue par la population : une large majorité d’Irlandais considère qu’elle constitue un pilier de la politique étrangère du pays, distincte mais compatible avec son rôle dans les missions de maintien de la paix des Nations unies. Pour autant, à l’initiative des forces européistes, principalement de droite, le débat s’est relancé dans le pays du trèfle. En juin 2023, le gouvernement a lancé une consultation publique sur la neutralité, relançant des discussions sur une possible adhésion à l’OTAN, ou du moins un réexamen de la posture irlandaise. Si les dirigeants comme le Tánaiste Micheál Martin ont fermement assuré qu’il n’était pas prévu de changer la politique de neutralité, le débat public a mis en lumière des voix critiques qui jugent la neutralité actuelle en décalage avec les obligations de l’UE et la coalition transatlantique. Les experts, par exemple, estiment que le « triple verrou » qui limite l’engagement des forces irlandaises à des missions de maintien de la paix supervisées par l’ONU serait explosé par l’adhésion à l’OTAN.
Sur le plan institutionnel, Dublin entretient déjà une relation de coopération avec l’OTAN via le Partenariat pour la paix (PfP) depuis 1999. Ce cadre permet à l’Irlande de coordonner certaines de ses forces avec celles des pays membres de l’alliance, notamment sur des mécanismes d’interopérabilité et de formation, sans pour autant s’engager dans une adhésion pleine et entière. Ce statut est un bon exemple de ce qu’est souvent appelée la « neutralité active » : Dublin refuse les obligations d’alliance militaires mais participe à des forums de coopération internationale tout en maintenant son indépendance stratégique. Dès lors, aller au delà ne peut bien avoir pour seul but que de mettre fin à la neutralité
C’est bien dans cette campagne pour la paix que s’inscrivent les communistes irlandais avec un communiqué que nous traduisons ci après et qui lance l’appel suivant : « Nous appelons le peuple irlandais à s’organiser contre cette tentative de la classe dirigeante irlandaise d’envoyer les enfants et petits-enfants de la classe ouvrière et des agriculteurs familiaux se faire massacrer sur des champs de bataille étrangers pour l’OTAN et le capitalisme mondial. Nous ne devons pas permettre à la classe dirigeante irlandaise de se joindre à ceux qui sont prêts à risquer une guerre nucléaire et l’extinction de toute vie sur la planète pour maintenir l’hégémonie du bloc impérialiste OTAN/UE. »
Suisse : neutralité constitutionnelle et adaptation stratégique
De son côté, la Suisse est souvent perçue comme l’archétype même de la neutralité en Europe, une position qui remonte à la paix de Westphalie du XVIIᵉ siècle et qui a été renforcée au XIXᵉ siècle puis consacrée au fil des traités modernes. La neutralité suisse n’est pas simplement une tradition politique, mais aussi un principe réglé par le droit international et inscrit dans la pratique diplomatique helvétique. Dans les faits, la Suisse n’a jamais adhéré à l’OTAN et elle n’est pas membre de l’Union européenne. Malgré cela, elle entretient depuis longtemps des relations de coopération étroite avec l’OTAN, notamment à travers le Partenariat pour la paix, qui laisse la porte ouverte à un travail commun sur des domaines tels que la formation, la logistique et les opérations multinationales de maintien de la paix.
La majorité des Suisses restent profondément attachés à leur neutralité traditionnelle. Selon des analyses publiées dans la presse suisse, l’idée de “réformatage” de la neutralité — c’est-à-dire de la moderniser pour qu’elle soit compatible avec les menaces actuelles et les obligations internationales — rencontre à la fois des soutiens et des critiques virulentes. Une opposition existe notamment au sein des partis traditionnels de gauche, des Verts et du parti populaire suisse (SVP), qui considèrent toute renégociation du principe comme un risque pour la souveraineté et l’indépendance du pays. Cette controverse est renforcée par le contexte européen : certains observateurs estiment que la neutralité suisse pourrait être perçue comme un obstacle à une coopération européenne plus robuste en matière de défense, notamment dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l’UE.
UE et neutralité : un équilibre impossible
Irlande et Suisse partagent un lien particulier avec l’Union européenne, mais ce lien a des implications différentes pour leur neutralité. Dublin, membre de l’UE depuis 1973, a dû concilier le principe de neutralité avec ses obligations européennes, ce qui a parfois suscité des discussions lors des réformes des traités européens — par exemple pendant les campagnes autour de Maastricht ou de Lisbonne. Le Traité de Lisbonne, adopté en 2009, inclut un article (42.7) qui prévoit une clause d’assistance mutuelle entre États membres en cas d’agression, tout en laissant la possibilité aux États neutres de clarifier leur politique de défense. Ce texte a servi de base légale à l’Irlande pour affirmer que sa neutralité est compatible avec le projet européen, mais il alimente aussi les discussions sur l’intégration de Dublin dans des initiatives de défense commune.
La Suisse, en revanche, doit gérer ses frontières normatives avec l’UE sans être membre. Les discussions autour de la modernisation de l’accord institutionnel entre Berne et Bruxelles montrent que la neutralité reste un point de friction dans les négociations bilatérales, notamment en matière de libre circulation et de coopération en matière de sécurité.
De fait, les communistes, en Suisse comme en Irlande, partagent le constat des communistes de France avec le PRCF : entre l’Union Européenne OTAN d’une part, la paix, les besoins sociaux et salaires des travailleurs et la solidarité entre les peuples, il faut choisir. Europe atlantique ou monde pacifique il faut choisir comme le dit le slogan et la campagne d’affichage du PRCF.
JBC pour www.initiative-communiste.fr
Le Parti communiste d’Irlande (PCI) appelle le peuple à se mobiliser pour défendre la neutralité et stopper la progression vers la Grande Dépression.
La campagne menée par l’establishment politique et militaire irlandais pour saper la neutralité irlandaise a été renforcée ces derniers jours par le gouverneur de la Banque centrale irlandaise et l’IBEC, l’organisme représentatif des employeurs.
Notre population est victime d’intimidation et de discours alarmistes infondés concernant une prétendue « menace russe » — le dernier exemple en date étant celui des drones russes présumés opérant dans la baie de Dublin, sans qu’aucune preuve concrète n’ait été produite.
Cette campagne vise à effrayer et à semer la confusion, et à préparer le terrain pour l’augmentation massive des dépenses de « défense » récemment annoncée. Ces dépenses militaires proposées ont davantage pour but de rendre les forces de défense irlandaises toujours plus compatibles avec les stratégies militaires agressives de l’OTAN que de protéger l’Irlande contre les menaces extérieures.
Le gouvernement irlandais a durci le ton, affirmant que l’État doit détourner des sommes considérables (1,7 milliard d’euros) de dépenses socialement utiles et productives et les offrir à des entreprises d’armement américaines, britanniques, européennes et sionistes, alors que l’UE et la Grande-Bretagne se préparent à déclarer ouvertement la guerre à la Fédération de Russie.
Tout cela se produit alors que l’UE et la Grande-Bretagne continuent d’entraver les tentatives de paix dans la guerre par procuration qui se poursuit en Ukraine.
L’annonce récente de la mort au combat en Ukraine d’un membre du régiment de parachutistes britanniques (les bourreaux du Bloody Sunday) montre à quel point les politiques aventureuses du bloc UE/OTAN nous ont menés à une guerre directe, plutôt qu’à une guerre par procuration.
Il est clair que si l’UE et le Royaume-Uni entrent en guerre contre la Russie, ce conflit dégénérera en guerre nucléaire. Aucun investissement massif dans l’armement ne saurait protéger l’Irlande, ni aucun autre pays d’Europe, d’une telle catastrophe.
La base américaine de facto à Shannon, la base de l’OTAN à Aldergrove et les centres de données disséminés dans tout le pays, qui facilitent les actions militaires de l’OTAN, ont placé l’Irlande dans le collimateur de toute riposte russe à une agression de l’OTAN/UE.
La guerre n’est dans l’intérêt ni du peuple irlandais, ni des peuples de l’UE et du Royaume-Uni, ni du peuple russe. Il est temps de faire preuve de rationalité et de bon sens. Les seuls gagnants de toute course aux armements sont les entreprises d’armement, ainsi que les politiciens, les journalistes et les « experts indépendants » — comme Deloitte Irlande — qui ont plaidé pour une augmentation des dépenses de « défense ». N’oublions pas que des entreprises comme Deloitte engrangent des millions en « conseillant » les gouvernements sur l’augmentation des dépenses militaires, tout en gagnant simultanément des millions en travaillant pour l’industrie de l’armement !
Nous avons besoin de dépenses pour le logement, la santé et l’éducation, et non pour la mort et la destruction.
Nous appelons le peuple irlandais à s’organiser contre cette tentative de la classe dirigeante irlandaise d’envoyer les enfants et petits-enfants de la classe ouvrière et des agriculteurs familiaux se faire massacrer sur des champs de bataille étrangers pour l’OTAN et le capitalisme mondial. Nous ne devons pas permettre à la classe dirigeante irlandaise de se joindre à ceux qui sont prêts à risquer une guerre nucléaire et l’extinction de toute vie sur la planète pour maintenir l’hégémonie du bloc impérialiste OTAN/UE.
Il est nécessaire que le gouvernement irlandais s’engage à élaborer une stratégie de paix : une stratégie de démilitarisation et une stratégie d’abolition des armes nucléaires. L’ONU est l’instance appropriée pour une telle stratégie. Elle ne sera pas atteinte par une intégration plus poussée de l’État irlandais au militarisme et à l’agression de l’UE et de l’OTAN.
La guerre n’est autre que la politique par d’autres moyens. Si nous ne tirons pas les leçons de l’histoire, nous sommes condamnés à répéter ses erreurs.
Le mouvement syndical doit mener ce combat. Il doit agir dans l’intérêt des travailleurs et de leurs familles, défendre la neutralité irlandaise et stopper la montée du militarisme et de la guerre – une guerre qui sera inévitablement menée par les travailleurs à la demande de la classe dirigeante.
James Corcoran
Secrétaire général
Parti communiste d’Irlande




