
Présenter une exposition sur les « trésors sauvés de Gaza » semble dérisoire quand on laisse affamer, tuer et mutiler des enfants, trésors vivants en devenir…. D’autant plus dans une institution publique d’un pays qui maintient sa coopération multiforme avec l’agresseur.
Toute colonisation et tout ethnocide s’appuient toutefois sur une négation de l’humanité des victimes. Souligner la dignité culturelle d’un peuple qu’Israël, une prétendue démocratie, partenaire privilégiée de la France et de l’Union Européenne s’emploie à exterminer, ne serait donc pas anodin…
Peut-on donc reprocher aux organisateurs leur prudence ? L’Institut du Monde Arabe est un établissement public de l’État. Ce serait tromperie bureaucratique s’il se substituait au chef du Quai d’Orsay. La désignation explicite des coupables aurait créé un incident diplomatique. On comprend donc le registre extrêmement pudique dans lequel ont puisé les rédacteurs des textes de présentation. Tout-au-plus des craintes sont elles émises quand des troupes israéliennes ont transformé un musée ou un centre d’art en poste de commandement.
Les visiteurs peuvent largement se rendre compte par eux-mêmes : destruction d’une mosquée partiellement fruit de la reconversion d’une église bâtie au temps des croisades, idem pour le palais historique du Pacha, musées voués au pillage, etc…. Chacun sait qui porte la responsabilité de ces exactions !
On aurait en revanche souhaité, et pour ce sujet spécifiquement, une exposition esthétiquement moins exigeante. Les vestiges antiques et byzantins sont certes superbes. Par défaut, sans doute, de pièces présentant un intérêt autre qu’ethnographique, près de quatorze siècles de présence arabe à Gaza ne se traduisent que par quelques linteaux calligraphiés…la domination ottomane semble n’avoir laissé aucune trace. Une évocation – au moins virtuelle – de ces époques aurait donné plus de chair à l’identité de ce territoire. Cet aspect devrait être précieux pour l’État palestinien, co-producteur de l’exposition mais lui-aussi tout-à-fait virtuel dans les conditions actuelles.
On peut conjecturer sur les motivations de cette exposition. La présidence française cherche à neutraliser les franges les plus molles du mouvement pro-palestinien en promettant du bout des lèvres la reconnaissance de l’État Palestinien. Aurait-elle commandité une opération un rien démagogique tout en continuant à franchement soutenir la machine de guerre israélienne et en criminalisant les franges les plus conséquentes du mouvement pro-palestinien ?
S’agit-il au contraire d’un acte militant d’une institution profitant de la petite marge de manœuvre dont elle bénéficie encore ? Les deux hypothèses ne s’excluent pas.